Global Disability Justice 

R  e  s  o  u  r  c  e  s    t  o    h  e  l  p    r  e  a  c  h    s  u  r  v  i  v  o  r  s     

Glossaire Global Disability Justice

Ce glossaire s’inspire du cadre pratique de la justice des personnes handicapées, dont les principes sont ancrés dans une compréhension globale des processus d’oppression systémique, de développement capitaliste et des liens intrinsèques entre capacitisme/validisme, colonialisme, racisme, classisme, sexisme, spécisme, homophobie, transphobie, islamophobie, fatphobie, sentiment anti-immigrés, … ainsi que toutes les autres formes de discrimination et d’aliénation matérielles et culturelles.

Sous le capitalisme – une société productiviste et capacitiste – nous occupons des espaces dans lesquels le handicap est généré et le capacitisme est normalisé, banal et soutenu (Dan Goodley)… La vérité sur les agressions sexuelles, le viol, le patriarcat, les abus de pouvoir, les relations abusives… est que nous vivons dans une société qui les a longtemps normalisés. L’une des substances toxiques est la suprématie, si omniprésente qu’elle a longtemps été invisible pour celles et ceux qui en bénéficient et peut paraître souhaitable à celles et ceux qui en souffrent. Nous pouvons connaître une suprématie en raison de la race, de la citoyenneté, du sexe, de la classe sociale, de la capacité, de l’âge, de l’accès, de la renommée ou d’autres domaines dans lesquels nous nous sentons justifiés de causer du tort sans conséquences, sans aucun remord ni la moindre responsabilisation (Adrienne Maree Brown).

L’exclusion et l’oppression sont une expérience récurrente des personnes handicapées, qui font l’expérience d’un mépris extrême de leur valeur en tant qu’êtres humains dans les sociétés néolibérales. Dans de nombreuses sociétés, les personnes handicapées subissent les effets d’idéologies oppressives qui supposent leur infériorité inhérente et encouragent les pratiques qui l’affirment. Parmi celles-ci se trouvent les pratiques basées sur un paradigme qui suppose une carence, une puérilité, une incapacité à prendre des décisions et une absence d’autonomie corporelle et mentale, ainsi qu’une incapacité juridique à exercer leurs droits.

Ce site résiste aux théorisations eurocentriques du handicap qui ignorent la construction (coloniale) de la différence en tant que processus de domination coloniale, rend compte des limites des analyses « intersectionnelles » qui essentialisent l’oppression identitaire comme équivalente et facilite une analyse cohérente qui rattache les expériences contemporaines aux réalités historiques.

Les objectifs de ce glossaire sont les suivants :

• Fournir un outil pratique pour répondre aux besoins des personnes handicapées qui ont survécu à divers types de violence.

• Un outil linguistique qui sert principalement d’outil pour sensibiliser la société à la discrimination systématique à l’encontre des personnes handicapées et de leurs identités associées.

• Transformer les croyances et attitudes capacitistes (et leurs liens avec d’autres formes de discrimination), qui se reflètent dans l’usage courant du langage et dans les situations de communication quotidiennes.

• Passer des récits de peur et de pitié à ceux de solidarité et de libération collective, pour comprendre ce qu’appelle Josephine Ross (2010) ces « coercitions subtiles » qui structurent les interactions quotidiennes et privent les individus, groupes/sujets colonisés de leurs droits en raison de leur incapacité à démontrer avec succès les normes sociales dominantes. Selon Lori Janelle Dance (2009), « dans un contexte colonial ou administratif d’État-nation, la privation de droits est un processus actif par lequel le pouvoir colonisateur, l’État ou les institutions sanctionnées par l’État, refusent aux sujets coloniaux ou aux citoyens des droits fondamentaux ».

[A] Abolition | Abolition/réforme | Afro-féminisme | Agentivité épistémique | Anticolonial | Antiracisme | Apartheid climatique | Assimilation | Audisme | Autochtone [B] | Binaire/non binaire | Biopouvoir | Black Disability Studies | Blancheur | Blancheur (études critiques sur la) | Blancheur méthodologique | Blancheur et possessivité [C] Capacité raciale | Capacitisme/Validisme | Capacitisme carcéral | Capacitisme structurel | Capitalisme | Capitalisme racial | CDPH | Colonial | Colonial (boomerang) | Colonialisme | Colonialisme de peuplement Colonialité | Colonialité climatique | Colonialité du genre Colonialité mondiale | Colonialité du pouvoir | Colonialité de l’être | Colonialité du savoir | Colonisation | Communauté | Conscience multiple | Crime | Criminologie critique | Crip | Crip Theory | Crip time | Crippin’ | Critical Disability Studies | Critical Legal Studies | Critical Race Feminism | Critical Race Masculinism | Critical Race Theory | Critical Race Theory (Education à la) | Critical Whiteness Studies | Culture | [D] Darwinisme social | Décolonial | Décolonialité | Décolonialité combative | Décolonisation | Décoloniser l’Europe | Décoloniser le handicap |  Décoloniser les méthodologies | Décoloniser la santé mondiale | Déficience | Déjudiciarisation | Désinstitutionnalisation | Désobéissance épistémique | Déterminisme | Disability Justice | Disability Studies | Disablism/Ableism | Discrit | DisepistemologyDissonance cognitive | Doctrine de la découverte | Double conscience | Dualisme occidental [E] Éco-féminisme | Entraide mutuelle | Environnementalisme intersectionnel | Épistémologie | État racial & handicapEthnicité | Ethnocentrisme | Eugénisme | Eugénisme carcéral | Essentialisme | Eurocentrisme [F] Féminisme | Féminisme abolitionniste | Féminisme carcéral | Féminisme intersectionnel | Feminist Disability Studies | Fou/Folle (Mad) [G] Global Disability Studies | Gaslighting social [H] Handicap | Healing Justice | Hétéronormativité | Hétéropatriarcat Hétérosexisme [I] Ignorance blanche | Imagination radicaleImpérialisme | Inclusivité radicale | Indigénisation | Injustice épistémique |  injustice herméneutique | Innocence blanche | Institution | Interdépendance | Internationalisme | Intersectionnalité | Intersubjectivité [J]  Jim Crow | Justice environnementale | Justice intersectionnelle | Justice reproductive | Justice transformatrice [L] LatCrit Theory | Libéralisme | Liberatory Harm Reduction | Liberté épistémique [M] Manifest Destiny | Marxisme | Medical Industrial Complex | Mad Studies | Matrice du pouvoir colonial | Mind-set | Modèles du handicap | Modernité | Modernité/Colonialité | Multiculturalisme [N] Nationalisme | Nativisme | Néocolonialisme | Néolibéralisme | Neurodiversité/neurodivergence | No Body Is Disposable | NPIC | Normalité [O] Objectivité | Oppression liée à la santé mentale | Oppressions structurelles/systémiques | Orientalisme [P] | Papal bulls | Paradigme | Paternalisme | Patriarcat | PIC (Prison Industrial Complex) | Populisme | Positionnalité | Positivisme | Postcolonial Disability Studies | Postcolonialisme | Postmodernisme | Postracial | Poststructuralisme | Praxis | Praxis abolitionniste | Préfiguration | Privilège | Privilège blanc | Psychologie décoloniale | Psychologie critique [R] Race | Racial ableism | Racialisation/raciliser/racialisée | Racialisation différentielle | Racisme | Racisme daltonien | Racisme environnemental | Racisme institutionnel | Racisme inversé |  Racisme scientifique | Racisme structurel | Racisme systémique | Radical | Réflexivité critique | Réformes abolitionnistes | Réformes réformistes | Nonreformist reforms | Responsabilité communautaire [S] Sanisme | Sanisme carcéral | Sauveur blanc | Sociogénique | Soins abolitionnistes | Subaltern Studies | Subjectivité | Supercrip | Suprématie blanche | Suprématie chrétienne | Suprématie blanche intériorisée | Sud global | Syndrome méditerranéen [T] Terra Nullius | Théorie du changement | Tournant Décolonial | Traumatisme | Traumatisme crânien [U] Ubuntu | Universalisme [W] Weird | White Supremacy Culture

[A]

Abolition : L’abolition consiste à échapper au piège mortel de la « normalité ». L’abolition refuse le caractère inévitable de notre organisation actuelle de la vie humaine (R. Walcott). L’abolition est une pratique collective, une analyse politique et structurelle de toutes les oppressions et une stratégie d’organisation visant à transformer les conditions fondamentales qui font proliférer les préjudices et la violence dans la société, notamment l’élimination des prisons, de la police, des systèmes de surveillance. L’abolition nécessite de travailler dur dans et avec les communautés pour fournir des espaces bienveillants et sûrs et garantir un accès équitable aux ressources (Rule et Behrendt, 2021). L’abolitionnisme, c’est aussi un travail sur soi-même alors que la logique carcérale définit notre pensée. 

L’abolition est une pratique, un verbe plutôt qu’un nom ou un adjectif. L’abolition englobe ce que nous pensons, ce que nous faisons et la manière dont nous le faisons plutôt que d’être simplement une idée ou une théorie abstraite (Kaba, 2021). L’abolition nécessite un démantèlement des réponses institutionnelles aux problèmes sociaux et commence par comprendre la profondeur, l’ampleur et la portée du PIC. Bien que le définancement et l’abolition de la police soient un aspect clé du projet d’abolition (Purnell, 2021 : 7), la mise en œuvre de logiques carcérales dans les systèmes éducatifs contribue à la croissance du PIC (Kaba et Meiners, 2014/2021). De même, le travail social fourni sans critique soutient le PIC, où les rôles apparemment innocents d’« aider » ou de « faire le bien » sont fondés sur un contrôle social éclairé par une logique carcérale à travers la régulation de la pauvreté et des corps racialisés (Leotti, 2021 ; Piven et Cloward, 1971).

Pour faire simple, l’abolition consiste à donner aux gens ce dont ils ont besoin au lieu de les punir pour ce qu’ils n’ont pas. Lorsque nous rencontrons des problèmes dans nos communautés, nous devons remonter jusqu’à la source jusqu’à ce que nous en trouvions la source. Pour qu’un changement radical et que l’abolition se produise, nous devons déterrer ces systèmes à la racine. Par le biais d’interventions de justice transformatrice, les abolitionnistes ont élaboré des réponses qui s’engagent, d’abord, à éviter de causer davantage de torts et de violences (y compris des torts/violences systémiques) tout en répondant, par la suite, aux besoins immédiats – en matière de sécurité, de guérison, de responsabilité, etc. (Bay Area Transformative Justice Collective, 2013). Bon nombre de ces initiatives ont vu le jour dans les communautés Noires et Autochtones, pour lesquelles elles représentent autant la décolonisation que l’organisation abolitionniste.

Pour Mariame Kaba,  » l’abolition n’est pas une question de sentiments. L’abolition consiste à libérer concrètement les gens des institutions carcérales et des autres systèmes qui nous tuent. »

L’abolition en tant que terme, exigence et pratique, a une lignée qui la relie de l’esclavage transatlantique à l’emprisonnement actuel. Elle est enracinée dans l’histoire des NoirEs et dans les mouvements de libération. Elle envisage et construit des stratégies collectives qui restructurent la société pour répondre aux besoins humains fondamentaux, tels que la sécurité, la santé, le logement, la nourriture, l’éducation, etc. pour les communautés. L’abolition est enracinée dans les connaissances et les expériences vécues des personnes de couleur, en particulier des NoirEs et des Autochtones, et dans leur pratique de libération (praxis abolitionniste). Le mouvement abolitionniste est composé de trois courants: Defund (définancer), Dismantle/Abolish (démanteler/abolir) et Build (construire). Les abolitionnistes ne peuvent pas ignorer la justice des personnes handicapées, tout comme les personnes handicapées ne peuvent pas ignorer les théories abolitionnistes, les deux sont liées. L’abolition est une épistémologie spécifique, contre-hégémonique, qui s’opposant au statu quo et aux hypothèses considérées comme allant de soi. Un texte sur l’abolition (avec des références) de Marina Bell.

L’abolition dénote une manière différente de considérer le mal, qui ne suppose pas qu’il peut être résolu en punissant les individus en les excluant de leurs communautés. L’abolition exige que nous traitions les causes profondes du préjudice en imaginant collectivement des avenirs alternatifs, non oppressifs et non capitalistes.

Ruth Wilson Gilmore, Angela Davis et l’organisation Critical Resistance ont été d’importants catalyseurs de ce mouvement.

L’abolition n’est pas une destination, c’est une pratique et une relation, qui appelle à des actions quotidiennes qui renforcent finalement notre engagement à mettre fin aux cycles nocifs. L’abolition est souvent inimaginable… une transformation qui va bien au-delà des changements de politique, dans la mesure où il s’agit de l’abolition du patriarcat, du capitalisme, de l’hétéronormativité, du capacitisme, du colonialisme/colonialité, de l’État et de la suprématie blanche. Une éducation à la santé mentale et une entraide à travers une lentille de justice de guérison aide à soutenir le bien-être émotionnel de toutes les personnes et à centrer les besoins des personnes les plus marginalisées par la société. Il ne s’agit pas de s’éloigner de la communauté pour guérir. Encourager les abus/exclusion plutôt que la résolution des conflits nous rend complices de l’appareil punitif de l’état. La première priorité d’une communauté est la sécurité des plus marginalisés. Lorsque les plus marginalisés d’une communauté se sentent en sécurité, nous sommes tous-tEs en sécurité. Toutes les zones où l’on ne se sent pas en sécurité sont des failles dans notre armure, exploitables par les oppresseurs.

Beaucoup de personnes (Liat Ben-Moshe, Nirmala Erevelles, TL Lewis, Jamelia Morgan…) reconnaissent que l’abolition est une question d’eugénisme et de justice des personnes handicapées doivent aller de pair. L’abolition nécessite une justice des personnes handicapées.

Idéalement, l’abolition impulse l’idée de ne pas se focaliser sur les individus, mais axée sur la communauté. Il est donc logique d’abolir les systèmes structurellement violents en tant que communauté plutôt qu’en tant qu’individu. La responsabilité communautaire met l’accent sur la croyance dans la capacité des individus à se transformer et à grandir et ne considère pas les individus comme jetables.

Les abolitionnistes des prisons considèrent le complexe carcéral-industriel comme un ensemble de relations institutionnelles et politiques qui s’étendent bien au-delà des murs de la prison proprement dite. L’abolition des prisons est donc, par essence, une critique plus large de la société (Davis, 2000). Le démantèlement des murs de la prison n’est donc pas un objectif qui éliminera le recours à la coercition et à la punition comme mécanisme de contrôle de l’État, selon certains abolitionnistes (Davis, 2000 ; Sudbury, 2004).

En raison des systèmes actuels et de l’eugénisme persistant, les personnes handicapées pendant leur incarcération appartiennent souvent à des populations marginalisées. Afin de défendre efficacement cette population d’individus, l’intersectionnalité exige que les abolitionnistes examinent leur complicité dans des comportements capacitistes et veillent à inclure les personnes touchées dans l’élaboration de stratégies et de politiques de changement transformateur.

Une communauté diverse et inclusive qui centre les plus vulnérables aux dommages est essentielle pour envisager et adopter l’abolition. L’abolition peut aussi commencer avec nous car la transformation en nous-mêmes est essentielle.

« L’abolition, c’est la suppression des conditions dans lesquelles la prison est devenue la solution aux problèmes, plutôt que d’abolir les bâtiments que nous appelons les prisons » (Gilmore et Murakawa, 2020).

Adrienne Maree Brown pense l’abolition comme un résultat de la justice transformatrice (technique pour déraciner les modèles d’injustice dans les communautés). « je ne veux pas simplement que les prisons disparaissent, je veux une façon radicalement différente d’interagir entre nous pour grandir. »

« L’abolition est une vision pleine d’espoir qui signifie que chaque moment où un préjudice survient est une opportunité de transformer les relations et les communautés. » – Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha

« L’Abolition n’est pas possible sans décolonisation. » – Ruth Wilson Gilmore

Nous ne pouvons pas continuer à faire les choses de la même manière et espérer des résultats différent, cela nésessite de désaoorendre les manières dont nous avons été coloniséEs, les façons dont nous nuisons aux autres et comment nous avons été inconsciemment programméEs pour exploiter les autres, nous même et la Terre :

« L’abolition exige que nous changions une chose : tout […] L’abolition est une question de présence et non d’absence. Il s’agit de construire des institutions qui affirment la vie. » – Ruth Wilson Gilmore

« L’abolition est un travail d’imagination, la lutte anticoloniale est un travail d’imagination, un travail de conjuration, de la science-fiction en temps réel. » – Robyn Mayard

L’abolition doit abolir et non simplement réformer.

Jesica Siham Fernández défini l’abolition comme l’éradication ou l’élimination des conditions et des circonstances qui empiètent sur notre humanité et sur nos relations plus qu’humaines. Être libre, c’est vivre dans la dignité, et l’abolition en tant que liberté, c’est faire l’expérience du bien-être relationnel, de la guérison intergénérationnelle et de l’épanouissement collectif (Davis et al., 2021). Elle défini la psychologie de l’abolition comme un ensemble de principes – la théorie incarnée, la justice de la recherche et l’amour décolonial – qui peuvent aider à concrétiser la décolonialité et la libération. L’abolition en tant que mouvement agit pour aborder, transformer et éradiquer les formes hégémoniques de pouvoir qui sont nécessaires à la libération décoloniale. Pour faire progresser la libération décoloniale, la psychologie doit s’engager dans l’abolition pour perturber la colonialité du pouvoir enracinée dans les systèmes d’oppression.

Voir aussi Justice intersectionelle, Soins abolitionnistes, Nonreformist Reforms, Réformes abolitionnistes.

Abolition/réforme : des visions d’un nouveau monde pourraient avoir un impact négatif sur les personnes les plus marginalisées et affectées par la violence d’État, notamment les personnes handicapées, les autochtones, les personnes de couleur et particulièrement les personnes souffrant de déficiences intellectuelles et psychiatriques. Par exemple, les propositions visant à supprimer le financement de la police et à orienter le financement vers la protection sociale et la santé pourraient par inadvertance renforcer les pouvoirs coercitifs des praticiens de la santé mentale et des travailleurs sociaux, et les propositions visant à fermer les prisons pourraient laisser intacts d’autres lieux fermés où les personnes handicapées sont détenues, comme les services médico-légaux de santé mentale, établissements psychiatriques, foyers de groupe, maisons de retraite et établissements résidentiels. Ce sont précisément ces forces dont Liat Ben-Moshe et Linda Steele discutent dans leurs livres respectifs et les pendules qu’elles produisent entre la réforme et l’abolition.

Dean Spade, Beth Richie, Andrea Ritchie et d’autres montrent que les approches libérales (protection juridique, droits) pour mettre fin ou réduire la violence d’État et l’abandon organisé (terme de Ruth W. Gilmore) aboutit souvent à des demandes d’élargissement des cadres juridiques existants pour accueillir les populations marginalisées plutôt que de changer le statu quo.

Afro-féminisme : Bien qu’il partage certaines valeurs avec le féminisme occidental, l’afro-féminisme cherche distinctement à créer ses propres théories et discours liés à la diversité des réalités africaines. Il s’efforce de se réapproprier la riche histoire des femmes noires en remettant en question toutes les formes de domination, en particulier celles liées au patriarcat, à la race, à la classe, à la sexualité et à l’impérialisme mondial.

Agentivité épistémique : désigne notre capacité à utiliser, générer et communiquer du savoir. Les injustices épistémiques mettent en lumière cette restriction de l’agentivité épistémique des groupes non-dominants.

Anticolonial: Le terme « anticolonial » signifie généralement désoccidentalisation, en raison de l’impérialisme européen des derniers siècles. La suprématie blanche est la forme dominante de racisme sur la planète.

La théorie anticoloniale met l’accent sur la colonialité comme un processus historique et continu et un ensemble de relations sociales de pouvoir, au centre de l’opération de construction de la différence pour la fonction de l’hégémonie coloniale (Simmons et Dei, 2012).

La théorie anticoloniale, permet de reconnaître le site matériel de la prison (en tant qu’institution), tout en examinant sa fonction d’éloignement et de confinement de « l’Autre » en tant qu’expression de la colonialité.

Antiracisme : Les blanc-hEs, en particulier, doivent reconnaître, comprendre et être conscients qu’iElles sont blanc-hEs, qu’iElles bénéficient et détiennent des privilèges et du pouvoir. IElles ont été également lésés par la colonisation et par les systèmes oppressifs dans lesquels nous vivons actuellement. IElles ont également bénéficié de la colonisation, iElles bénéficient de ces systèmes oppressifs. Mais il est important d’aller au-delà du travail antiraciste. Si nous faisons uniquement un travail antiraciste, nous sommes en réalité de connivence avec le paradigme colonial. Nous sommes inconscients de connivence avec une vision coloniale du monde, et acceptons les systèmes du colonisateur. Même si ce n’est pas notre intention, nous acceptons la réalité qu’ils nous ont donnée, et la manière dont ils nous ont étiquetés. Si nous faisons uniquement un travailde lutte contre le racisme, nous recréons en réalité le cycle et le monde qu’ils ont construits. (Dr Rozales Meza)

Nous devons être conscients que nous vivons sous un paradigme colonial. La décolonisation nous aide à faire un zoom arrière et voir que ce n’est pas ainsi que le monde a été conçu. Franz Fanon parle également de la décolonisation comme d’un changement complet de l’ordre des choses, et encore une fois, la décolonisation nous aide à être plus conscients de notre rôle dans cette réalité actuelle de la société moderne, et aussi de la manière dont nous pouvons commencer à y apparaître pour créer le le changement nécessaire à la guérison et à la libération collectives et à la création d’équilibre et d’harmonie. Le travail contre le racisme nous aide à voir comment le colonisateur nous a étiquetés et racialisés dans une hiérarchie qui leur profite. Nous devons nous rappeler qui nous sommes avant qu’ils ne nous programment dans leur réalité. Nous devons nous souvenir de nos liens profonds avec la terre, avec les gens d’où nous venons et les uns avec les autres. C’est un travail décolonial et spirituel dont nous avons besoin.

Contrairement à la vision relativement étroite du racisme en tant que préjugé individuel, les perspectives universitaires extérieures à la science psychologique hégémonique ont articulé une compréhension plus large du racisme qui relie les idées d’infériorité aux forces structurelles, qui reflètent et reproduisent les idéologies de la différence, de la domination et de l’assujettissement. Teun van Dijk (1991, p. 26) soutient que le racisme est un système de domination structurelle et idéologique d’un groupe qui « incarne à la fois les structures politiques, économiques et socioculturelles d’inégalité, les processus et pratiques d’exclusion et de marginalisation, ainsi que les représentations sociocognitives requises par ces structures et processus ». Eduardo Bonilla-Silva (2010, p. 9) considère le racisme comme « l’ensemble des relations et pratiques sociales qui renforcent le privilège blanc ». Plus généralement, les spécialistes de la critique raciale avancent que « le racisme est bien plus complexe qu’un ensemble d’attitudes et de comportements que nous pouvons désapprendre en un ou deux ateliers » (De la Rey, 1997, p. 9). Le racisme est plutôt « un mariage de politiques racistes et d’idées racistes qui produit et normalise les inégalités raciales » (Kendi, 2019, p. 18). Une psychologie décoloniale centrée sur l’Afrique(n) met l’accent sur quatre points : la colonialité de la modernité, le racisme dans la structure des mondes quotidiens, la normativité blanche et le racisme du point zéro.

(voir  A Decolonial Africa(n)-Centered Psychology of Antiracism)

Apartheid climatique : L’apartheid climatique est le terme utilisé récemment par beaucoup pour qualifier cette différenciation socio-spatiale entre ceux qui paient le prix disproportionné de la dégradation du climat, ceux qui sont sacrifiés et ceux qui sont épargnés pour l’instant (Alston 2019 ; Rice et al. 2022 ; Long 2024).

Assimilation : Le colonisateur a incarné l’idée d’éliminer l’identité autochtone des enfants et de la remplacer par l’identité coloniale afin de « civiliser » ou de « sauver » l’enfant de ses manières « sauvages » (Lavona Lovern, 2013 ; Lavonna Lovern et Costello, 2013 ; Ward, 2021) en utilisant des méthodes telles que l’assimilation cognitive (Battiste, 2013). L’élément religieux utilisé dans l’assimilation des enfants reflétait une tentative de changer les enfants au niveau ontologique, en les forçant à adopter des modes d’être coloniaux, avec pour objectif l’élimination des identités autochtones impliquant l’interconnexion (interdépendance) et l’imposition subséquente de l’ontologie occidentale impliquant des hiérarchies binaires.

Les internats ont été utilisés comme une tactique de colonisation violente pour retirer les enfants autochtones de leurs foyers et de leurs réseaux communautaires dans le but d’effacer systématiquement les traditions culturelles, la langue et la mémoire des nations tribales.

Les conséquences de l’application violente de ces ontologies et épistémologies occidentales aux enfants peuvent encore être observées dans les populations autochtones. L’imposition de modes de vie occidentaux ouvre également la porte aux gouvernements qui imposent des conceptions occidentales des maladies et des handicaps mentaux et physiques. L’imposition de constructions occidentales aux cultures autochtones a créé une dissociation de soi, les autochtones étant forcés de se définir selon des normes non autochtones et d’adopter des ontologies et des épistémologies étrangères. L’assimilation forcée a, à son tour, causé une grande partie du mal-être ressenti par les autochtones, car ils ne sont plus autorisés à se définir en relation avec leurs communautés, leurs traditions et leur spiritualité. La dissociation imposée de l’esprit par l’Occident a conduit à ce que Heart (2003) et Linklater (2014) mentionnent le traumatisme intergénérationnel dans leurs discussions.

Le handicap en tant que construction et en tant que biais continue de faire partie du processus de colonisation/assimilation. Cette même hiérarchie binaire est responsable du rejet des discussions autochtones sur la différence et le bien-être, où les différences physiques ou mentales n’impliquent pas logiquement une hiérarchie du pouvoir.(John Gilroy; 2021)

Audisme : L’audisme est la notion de supériorité basée sur la capacité d’entendre. Comme d’autres formes d’oppression, comme le racisme ou le sexisme, l’audisme stigmatise les personnes sourdes, limitant ainsi leur potentiel.

Autochtone (Indigenous) : « c’est collectif, c’est un groupe, c’est une communauté. Et je pense que c’est la base de la relation. Autrement dit, cela repose sur les interconnexions, les interrelations, et cela lie le groupe… mais c’est plus que des relations humaines. Et peut-être que la base de ces relations entre les peuples autochtones est la terre. C’est notre relation à la terre. Il existe un lien spirituel avec la terre. C’est donc toutes ces choses. Les relations ne façonnent pas seulement la réalité autochtone, elles sont notre réalité. » (Shawn Wilson; Relationality, Research Is Ceremony; p80).

Les « nations », « tribus » ou « clans » autochtones du monde entier sont uniques, avec des histoires, des cultures, des langues et des spiritualités variées. La définition du terme « autochtone » défie toute unification. L’Organisation des Nations Unies (ONU) continue de lutter pour obtenir une définition convenue des personnes autochtones, en grande partie parce qu’il n’existe pas d’aspect universel ou essentiel de l’indigénéité. Ce défi a conduit l’ONU (2009) à opter pour une définition opérationnelle des peuples autochtones : « les communautés, les peuples et les nations… qui, ayant une continuité historique avec les sociétés pré-invasion et précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se considèrent comme distincts des autres secteurs des sociétés qui prévalent aujourd’hui sur ces territoires, ou sur des parties de ceux-ci ».

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) appelle à la reconnaissance et à la garantie des droits des peuples autochtones, y compris ceux qui concernent les droits aux soins de santé, à la fois modernes et traditionnels. Les problèmes de santé et de handicap dans les communautés autochtones sont très importants à l’échelle mondiale. Cependant, les chercheurs continuent de faire progresser les constructions et les déterminations occidentales, écartant toute possibilité de légalisation impliquant les définitions et les orientations culturelles différentes des autochtones.

[B]

Binaire/non binaire (genre, pensée, logique, personnes)Dire que quelque chose est binaire, c’est dire qu’il est composé de deux opposés mutuellement exclusifs. Cela peut être une chose ou une autre, jamais ni l’une ni l’autre, jamais les deux. Les perspectives non binaires permettent des degrés ou des spectres de différence, des axes de différence supplémentaires et une fluidité entre les positions. Une personne non binaire est une personne qui ne s’identifie à aucune des catégories de genre binaires « homme » ou « femme ».

Voir Either/or thinking  et Dualisme occidental

Biopouvoirune explosion de techniques nombreuses et diverses pour parvenir à la soumission des corps et au contrôle des populations (Foucault; 1980) Le bio-pouvoir est « l’ensemble des mécanismes par lesquels les caractéristiques biologiques fondamentales de l’espèce humaine sont devenues l’objet d’une stratégie politique, d’une stratégie générale de pouvoir » (Foucault, 2004a : p. 1). Le « bio-pouvoir » contrôle les gens en améliorant la vie et l’épanouissement, mais de manière à façonner et guider les individus et les populations vers des modes de vie et de comportement particuliers (Foucault, 2008b : pp. 138-139). Pour Foucault, le pouvoir n’opère pas dans les limites confinées d’un espace de confinement spécifique (comme la prison). Au contraire, « les relations de pouvoir sont enracinées dans l’ensemble du réseau social » (Foucault, 2000 : p. 345).

Les personnes handicapées connaissent parfaitement les horreurs de cette mise en œuvre du biopouvoir qui a historiquement associé le handicap à une pathologie dangereuse. Par exemple, le déploiement du modèle médical du handicap a justifié la ségrégation/le retrait/l’incarcération continue des personnes handicapées dans des classes d’éducation spécialisée, des écoles alternatives, des asiles et des institutions résidentielles ségréguées. Les personnes de couleur sont aussi douloureusement conscientes de ces horreurs à travers leurs propres expériences de ségrégation/expulsion/incarcération via le passage du milieu, l’esclavage, les lynchages, les lois Jim Crow, les réserves, les quartiers, les ghettos urbains, les écoles ségréguées, les internats, les écoles alternatives et, en fin de compte, le complexe carcéral-industriel. (N. Erevelles)

Black Disability Studies : un domaine d’étude qui examine l’imbrication de la noirceur et du handicap tout au long de la formation de chaque concept au sein de l’histoire, de la culture et de la société. S’appuyant sur la théorie critique de la race, les Black Disability Studies soutiennent que la noirceur ne peut pas être considérée comme un « sujet spécial » mais doit être comprise comme faisant partie intégrante des études sur le handicap, et que le handicap doit être compris comme faisant partie intégrante des études sur les Noirs et les Africains. (NBDC)

Blancheur (Whiteness, Whiteliness): Une fois que la compréhension antiraciste commenceront à se développer, les Blancs doivent y associer des efforts pour accepter leur blancheur. Une acceptation totale n’arrivera peut-être jamais, étant donné la puissance, la dextérité et la ruse des phénomènes, mais pour que le voyage continue, ils doivent passer par l’éveil vertigineux et la prise de conscience écoeurante de la culpabilité de la blanchure afin de surmonter toute lutte interne de « fragilité blanche » ou « blancheur militarisée » et leur résistance face aux réalités du privilège blanc.

Chabani Manganyi nous dit qu’à cause de son narcissisme, la blancheur ne peut avoir de pitié que pour elle-même.

La théorie de la blancheur comprend la blancheur comme une construction coloniale-capitaliste de pouvoir racialisé incarné qui sert de fonction fondamentale à la suprématie blanche (Bonilla-Silva, 2013). La blancheur a été le principal véhicule ontologique pour propulser l’ambition coloniale de créer un monde entier à l’image civilisationnelle d’elle-même.

La « blancheur » est une invention, créée dans ce processuss de création de la suprématie blanche. La blancheur n’est pas qu’une question de couleur de peau. Elle est mieux comprise comme une position changeante dans un ensemble de relations sociales établies par le colonialisme. La blancheur est en fait ancrée dans l’économie politique ; elle est dans le tissu et les institutions de la vie sociale. On ne peut pas faire travailler les autochtones des Amériques jusqu’à la mort sans la blancheur. On ne peut pas asservir des millions d’Africains et en tuer des millions d’autres sans la blancheur. On ne peut pas voler les ressources des régions du monde que l’on a sous-développées pour ensuite créer un système de pratiques commerciales déloyales sans la blancheur. Le monde moderne a été façonné à l’image de la blancheur (Andrews, 2018, p. 194).

La blancheur et le privilège des Blancs sont construits dans la culture et l’idéologie pour marginaliser et positionner les expériences des personnes de couleur comme « autres ». (K Bohpal)

La blancheur est à l’origine de l’oppression des personnes handicapées. Il existe une « relation complexe entre le racisme et les préjugés contre les personnes handicapées » (Borthwick 1996, p. 403).

Il est plus facile pour celles et ceux qui sont au pouvoir (la blancheur) d’ignorer l’état malade du colonisé, de le qualifier à tort de simulation et de négliger la prévalence de la blessure coloniale que de reconnaître leur propre complicité dans la création de cette souffrance.

« L’ignorance structurée de la blancheur produit le ’résultat ironique’, conclut Charles Mills, que : « Les blanch-Es seront incapables de comprendre un système qu’iElles ont eux-même mis en place. L’incapacité à comprendre ce monde lui permet de persister. » — Charles Mills, Le contrat racial.

Aimé Césaire dans son ouvrage Discours sur le colonialisme, élucident la colonialité comme « des relations de domination et de soumission qui ont transformé l’homme colonisateur en surveillant de classe, en sergent de l’armée, en gardien de prison, en esclavagiste et en l’homme autochtone en instrument de production. (Césaire et Kelly, 2000, p.6) En faisant référence au « conducteur d’esclaves » en association avec le sergent de l’armée, le gardien de prison, etc., Césaire met en évidence le caractère synonyme de domination et de blancheur en juxtaposition à la subordination de « l’homme autochtone ». (Césaire et Kelly, 2000).

La blancheur naît et se développe dans des contextes de domination raciale. Plutôt qu’une couleur de peau, la blancheur est une structure de pouvoir qui évoque une relation de domination entre les personnes désignées comme blanches et celles désignées comme non blanches. La blancheur est rendue invisible afin qu’elle apparaisse comme la norme ou la norme par rapport à laquelle tout le monde est jugé. Les personnes racialisées comme blanches doivent rarement reconnaître les avantages qui en découlent.

Selon Cheryl Harris, spécialiste afro-américaine de la critique raciale, dans le contexte de l’esclavage, « l’identité raciale blanche » signifiait être libre, tandis que les Noirs asservis naissaient sans liberté (Harris, 1993). Les historiens australiens Henry Reynolds et Marilyn Lake expliquent que les habitants d’Amérique du Nord, d’Australasie et d’Europe ont commencé à s’identifier comme blancs dans une réaction défensive envers les habitants de la majorité du monde qu’ils avaient colonisés. Cela a conduit à l’émergence de « pays d’hommes blancs », comme l’Australie, qui s’est autoproclamée « paradis des travailleurs blancs » jusqu’à ce qu’elle renonce à ce qu’on appelle la politique de l’Australie blanche en 1973 (Lake et Reynolds, 2008).

En tant que catégorie d’inclusion et culture, la blancheur est élastique. Divers groupes de migrants dans des contextes coloniaux ont été intégrés dans la structure et la culture de la blancheur au fil du temps. Un exemple de la nature élastique de la blancheur est l’inclusion progressive de groupes tels que les Irlandais. Sous la colonisation britannique, les Irlandais étaient considérés comme racialement inférieurs. Comme l’a écrit le regretté historien américain Noel Ignatiev, les Irlandais « deviennent blancs » dans des contextes coloniaux, comme en Amérique du Nord et en Australie, où ils ont été recrutés dans le projet de domination coloniale contre les peuples autochtones et les Africains réduits en esclavage (Ignatiev, 2015). Des processus similaires de cooptation vers la blancheur peuvent être observés au sein de divers groupes en Australie qui bénéficient de leurs avantages dans des contextes racialement inéquitables, renforçant ainsi la domination coloniale des colons blancs sur les terres autochtones.

La proximité de la blancheur signifie aussi qu’il existe des privilèges sociaux, politiques et économiques d’être classés comme blancs, ou d’assimiler cette culture de la blancheur.

« Les Blancs n’ont pas toujours été « blancs » et ne le seront pas toujours. C’est une alliance politique. Les choses vont changer. »
– Amoja Three Rivers (épigraphe dans Roediger, 1997)

Blancheur (études critiques sur la) : voir Critical Whiteness Studies

Blancheur méthodologique (Methodological whiteness)La « blancheur méthodologique », soutient Bhambra, est une manière de réfléchir sur le monde qui ne reconnaît pas le rôle joué par la race dans la structuration même de ce monde, ni dans la manière dont les connaissances y sont construites et légitimées. Il ne parvient pas à reconnaître la domination de la « blancheur » comme autre chose que l’état de choses standard et traite une perspective limitée – celle qui découle de l’expérience blanche – comme une perspective universelle. Dans le même temps, il traite d’autres perspectives comme des formes de politique identitaire explicables dans le cadre de ses propres compréhensions universelles (mais paroissiales et inférieures à ses propres compréhensions soi-disant universelles). En effet, la « blancheur méthodologique » implique un déni de sa propre politique d’identité et constitue le débat scientifique social standard sur la race – qui tend à la comprendre principalement en termes de questions d’identité ou d’inégalité s’appliquant à la situation des autres non blancs. En revanche, Bhambra souhaite que nous comprenions à la fois la manière dont la race, en tant que processus structurel, a organisé le monde moderne, et l’impact que cela a eu sur notre façon de connaître le monde. (Bhambra, Gurminder K. 2017. ‘Why are the white working classes still being held responsible for Brexit and Trump?‘)

Blancheur et possessivité : En tant que structure globale divisant le monde, la blancheur est liée à la richesse et à la propriété. WEB. Du Bois a fait référence à la « ligne de couleur mondiale », divisant le monde entre les blancs et les « autres » (Du Bois, 2014). Cette ligne distinguait ceux qui avaient le droit de propriété et ceux qui étaient dépossédés (peuples autochtones et colonisés) ou ceux qui étaient eux-mêmes devenus propriétaires (Africains réduits en esclavage). Dans le contexte colonial, le combattant anticolonial de la liberté, psychiatre et écrivain Frantz Fanon le résume ainsi : « Vous êtes riche parce que vous êtes blanc, vous êtes blanc parce que vous êtes riche » (Fanon, 2001, p. 40). En Australie, la souveraineté autochtone est niée lorsque les revendications des Blancs sur la terre sont jugées plus légitimes que celles des peuples autochtones. C’est ce que la professeure émérite Aileen Moreton-Robinson, femme Goenpul de la nation Quandamooka et chercheuse critique autochtone, appelle la nature possessive de la blancheur, White possessive (Moreton-Robinson, 2015).

[C]

Capacité raciale : Ce terme met l’accent sur la manière dont la race et le handicap, ainsi que le racisme, le sanisme et le capacitisme [constituent] des oppressions croisées: la criminalisation implique et nécessite la construction de la race (en particulier de la noirceur) et du handicap (en particulier la différence mentale) comme dangereux. Ces intersections complexes sont exposées et remises en question dans le livre de Ben-Moshe, en partie grâce à l’assemblage minutieux d’une « généalogie du plus grand mouvement de décarcération aux États-Unis : la désinstitutionnalisation ».

Dans son travail plus large, elle analyse l’incarcération comme quelque chose qui se produit dans diverses enceintes carcérales et à travers diverses logiques carcérales intimement liées au handicap/folie (comme les maisons de retraite, les établissements psychiatriques, les foyers de groupe, les prisons, les asiles, etc…). Les lieux de détention (même s’ils ne sont pas spécifiques au handicap) comme la détention pour immigrants et les prisons sont des lieux de débilité (terme de Jasbir Puar) et de handicap. Si le réseau d’incarcération est connecté, alors les moyens de libération doivent également l’être. C’est ce qui l’a amené à lier la désinstitutionnalisation et la justice des personnes handicapées à l’abolition des prisons.

N. Erevelles soutient, que le handicap/la déficience et la race ne sont ni simplement biologiques ni entièrement discursifs, mais plutôt des constructions matérialistes historiques imbriquées dans les conditions d’exploitation du capitalisme transnational.

Capacitisme/validisme (ableism, Capacitismo): le capacitisme nous dit que certains corps sont précieux et que d’autres sont jetables. La (in)capacité n’est pas seulement une construction sociale, elle est intrinsèquement une construction coloniale. Le capacitisme est à la fois une idéologie et une pratique dominante dans les sociétés anglo-américaines et européennes. le capacitisme/validisme permet de perpétuer l’idée selon laquelle certaines personnes ne sont toujours « pas à leur place » et il est naturel qu’elles soient séparées – que ce soit dans des institutions, des prisons ou des zones de sacrifice (Kitchin 1998 ; Gilmore 2007 ; Lerner et Brown 2010).

le capacitisme est à la fois nuisible, omniprésent, et est normalisé dans notre culture. La plupart des gens dans les mouvements de justice sociale sont incapables de reconnaître le capacitisme, et ignorent à quel point il est ordinaire mais mortel (Talila Lewis)

Le capacitisme a été forgé avec et à travers la suprématie blanche, la conquête coloniale, la domination capitaliste et l’hétéropatriarcat, de sorte que les corps sont appréciés pour leur capacité à produire du profit ou sont exclus ou éliminés par l’isolement, l’institutionnalisation, l’incarcération et/ou la mort. Le validisme fait référence aux notions normatives de capacité et à la manière dont elles excluent les personnes sur la base d’hypothèses tenues pour acquises sur le corps, l’esprit, le comportement, les émotions ou l’intelligence parfaits. Au cœur du validisme se trouve « l’idéologie d’un corps sain, d’un esprit normal, d’une vitesse de pensée appropriée et d’expressions acceptables des émotions » (Campbell, 2015 : 13-14).
Le capacitisme est utilisé pour justifier et rationaliser le racisme, la colonisation et l’oppression des corps-esprits sous différentes formes basées sur des logiques explicites ou implicites qui définissent certains corps-esprits comme « normaux » et « bénis » et certains autres comme « anormaux », « damnés » ou « mauvais » et méritant ainsi la déshumanisation, la stigmatisation, la marginalisation, l’invisibilisation et l’effacement (Brown 2017, 2021 ; Chin 2021 ; McRuer 2006 ; Ostiguy, Peters et Shlasko 2016 ; Wong 2020).

Une définition du capacitisme de Sins Invalid:

Nous définissons le handicap au sens large, en incluant les personnes souffrant de déficiences physiques, les personnes appartenant à une minorité sensorielle, les personnes souffrant de handicaps émotionnels, les personnes souffrant de troubles cognitifs et les personnes atteintes de maladies chroniques ou graves. Nous comprenons que l’expérience du handicap se produit dans tous les milieux, avec des liens profonds avec toutes les communautés touchées par la médicalisation de leur corps, y compris les personnes transgenres, de genre variant et intersexuées, et d’autres dont le corps ne se conforme pas aux notions de « normalité » ou de « fonctionnalité » de notre culture.

Une définition du capacitisme (de Talila Lewis et Dustin Gibson qui rend parfaitement compte de la nature mutuellement constitutive du racisme et du capacitisme) mis à jour réguièrement par Talila A. Lewis:

« Un système d’attribution de valeur au corps et à l’esprit des gens basé sur des idées de normalité, de productivité, de désirabilité, d’intelligence, d’excellence et de forme physique construites par la société. Ces idées construites sont profondément ancrées dans l’eugénisme, l’anti-noirisme, la misogynie, le colonialisme, l’impérialisme et le capitalisme. Cette oppression systémique conduit les gens et la société à déterminer la valeur des gens en fonction de leur culture, de leur âge, de leur langue, de leur apparence, de leur religion, de leur lieu de naissance ou de vie, de leur « santé/bien-être » et/ou de leur capacité à se reproduire, à « exceller » et à « se comporter » de manière satisfaisante. Il n’est pas nécessaire d’être handicapé pour être victime de validisme. »

Cette définition du validisme inclut de manière importante la question raciale, en montrant clairement comment le racisme et le validisme non seulement se croisent dans la vie des personnes handicapées noires, mais se compliquent et se soutiennent mutuellement de manière à avoir un impact même sur les personnes non handicapées. Comme le précise Lewis dans notre entretien, « ce qui rend le validisme si dangereux, c’est sa fluidité et sa capacité à se transformer. C’est comme un caméléon… Il se transforme en tout ce dont le système a besoin pour perpétuer la violence ou la privation qui est produite. » (S. Schalk)

L’intérêt pour le capacitisme, la théorie du handicap et le rôle du droit dans la production d’une subordination basée sur le handicap dans les recherches sur la théorie de la race critique (CRT) est limité. De même, les discussions sur le racisme structurel sont limitées dans la recherche sur le droit du handicap, où les engagements en matière de race s’orientent davantage vers des approches comparatives entre race et handicap, plutôt que sur leur interdépendance.

Le capacitisme est ancré dans l’histoire, étroitement lié à d’autres oppressions, il les soutient et les croise, et il est ancré et endémique dans tous les aspects de la société. Le capacitisme agit à la fois structurellement et individuellement, consciemment et inconsciemment, pour réguler et agir comme un moyen d’exercer le pouvoir et de contrôler l’accès aux ressources.

Le apacitisme/validisme crée un monde conçu non seulement pour les personnes non handicapées, mais aussi pour exclure les personnes handicapées.

Voir Dualisme occidental, Normalité, Décoloniser le handicap.

Capacitisme carcéral: La pratique et la croyance selon lesquelles les personnes handicapées ont besoin de protections spéciales ou supplémentaires, d’une manière qui élargit et légitime souvent leur marginalisation et leur incarcération supplémentaires. Ce concept rend compte de la « carcéralité inhérente du corps handicapé » qui est associée aux épistémologies et ontologies médicales et juridiques du handicap plutôt qu’à la manière dont les personnes handicapées sont traitées dans des systèmes ou des sites spécifiques.

Ce concept souligne le caractère central de l’abolition du contrôle carcéral dans divers sites et pratiques, et l’importance de faire ressortir et de démanteler les constructions culturelles et médicales (et même juridiques) du handicap fondées sur la protection et le contrôle, plutôt que de se concentrer uniquement sur la libération des personnes handicapées de conditions spécifiques d’incarcération et de contrôle. Ben-Moshe montre en effet que le capacitisme carcéral a en partie facilité l’incarcération de personnes handicapées via d’autres sites (foyers de groupe, maisons de retraite et prisons) au lendemain de la désinstitutionnalisation (U$A).

Capacitisme structurel : […] Le capacitisme structurel limite le droit à la ville et l’accès aux opportunités pour les personnes présentant une diversité fonctionnelle, étant l’un des aspects les plus cruels de cette oppression. Vu sous l’angle de l’éducation spéciale, le capacitisme structurel, pour Lima (2021), est également traité comme une forme d’oppression systématique et se manifeste sous la forme de la mise à disposition d’« écoles spéciales », séparant ainsi les enfants handicapés de la coexistence avec d’autres enfants.

Voir oppressions structurelles/systémiques

Capitalisme : système dans lequel les forces du marché dictent les décisions économiques et où la plupart des propriétés appartiennent à des intérêts privés.

Le capitalisme est fondé sur le capacitisme/validisme, il est enraciné dans la productivité qui repose sur l’exploitation des autres, d’où la relation avec la suprématie blanche/le patriarcat. Reconnaître un système d’oppression et pas les autres est lié à votre toxicité/privilèges.

Les capitalistes cherchent à obtenir des profits, ce qui les oblige à exploiter les travailleurs et à détruire les filets de sécurité sociale. Ceux qui, selon les capitalistes, sont inaptes au travail – le « surplus » – tombent sous une multitude de mécanismes d’exclusion, guidés par la logique du capitalisme qui dévalue les non-travailleurs, les blâme pour leur propre disposition, et déplace les coûts du chômage et de l’exclusion sur le dos des ouvriers qui ont ensuite un ressentiment envers ces « personnes dépendantes » de la nation.

En termes simples, le capitalisme exige l’inégalité et le racisme (Ruth Wilson Gilmore).

L’hypercapitalisme est construit sur l’héritage du colonialisme et sur les structures de la colonialité en cours.

Capitalisme racial: Initialement défini par Cedric Robinson via son livre Black Marxism : The making of the Black radical tradition ; c’est une théorie qui articule le lien inextricable entre le capitalisme et le racisme. Cette théorie postule que l’origine du capitalisme moderne a évolué à partir des civilisations racialisées d’Europe occidentale pour devenir un système mondial alimenté par l’esclavage, l’impérialisme, le colonialisme et le génocide.

Robinson montre comment les premières formations capitalistes se sont inspirées et ont renforcé les idées émergentes sur la catégorisation raciale, les utilisant pour organiser et naturaliser des rôles de travail particuliers – culminant notamment avec le développement de la traite négrière atlantique. Aujourd’hui, l’idée du capitalisme racial attire notre attention sur la manière dont le capitalisme s’appuie sur une division raciale et une hiérarchie du travail pour réduire les salaires et monter les travailleurs les uns contre les autres. Et il expose comment les inégalités matérielles qui résultent du capitalisme (et sur lesquelles le capitalisme s’appuie) sont structurellement liées aux communautés racialisées.

Le concept démontre la nécessité d’une compréhension de la libération qui soit à la fois antiraciste et anticapitaliste, tout en aidant à diagnostiquer les lacunes des projets qui croient que l’anticapitalisme peut ignorer le racisme, ou que l’antiracisme peut être compatible avec le capitalisme. La race et la classe sociale ne sont pas des questions distinctes et concurrentes ; la classe est toujours racialisée, et les relations sociales particulières de race et de racisme sont toujours façonnées par la classe. Les abolitionnistes comme Ruth Wilson Gilmore sont à l’avant-garde de la théorie du capitalisme racial.

Voir Geographies of Racial Capitalism avec Ruth Wilson Gilmore – Antipode Online.

Le colonialisme et l’esclavage étaient les fondements du capitalisme.(Angela Davis; 2020)

Introduction au Capitalisme Racial par Alana Lentin

CDPH (ou CRPD) : La CDPH a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 2006. Elle est née d’un engagement pris par les Nations Unies pour changer les attitudes et les approches à l’égard des personnes handicapées, qui ne sont plus considérées comme des objets de charité, de traitement médical et de protection sociale, mais comme des personnes ayant des droits, capables de revendiquer ces droits et de prendre des décisions pour leur vie sur la base de leur consentement libre et éclairé. La convention réaffirme que toutes les personnes handicapées doivent jouir de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, et définit des protections pour garantir le respect de ces droits et libertés. La Convention stipule que le handicap est un concept en évolution et que le handicap résulte de l’interaction entre les personnes handicapées et les barrières comportementales et environnementales qui entravent leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. En fournissant ce concept, la Convention place clairement la responsabilité de l’autonomisation des personnes sur les sociétés et les communautés, et supprime l’idée selon laquelle les personnes doivent être caractérisées par leur handicap.

Colonial: Le terme « colonial » signifie généralement eurocentrique.

L’eurocentrisme constitue une limite épistémologique à l’examen ou à la compréhension de la nature historique des « problèmes sociaux » contemporains examinés par les chercheurs critiques (Rabaka, 2014).

Colonial (boomerang) : Le processus par lequel les méthodes de contrôle social développées par les autorités impériales dans leurs colonies sont ramenées dans leurs propres centres impériaux/territoires nationaux. La circulation du personnel et de la police transporte les outils perfectionnés dans le laboratoire colonial – techniques de contre-insurrection, de police et de propagande – vers la métropole de l’empire, où ils sont déployés contre les populations marginalisées et exclues du pays.

Colonialisme: le colonialisme fait référence au style démodé d’appropriation physique des terres et des peuples autochtones, avec une administration coloniale pour superviser leur exploitation. Le colonialisme est un processus de création et de maintien violent de hiérarchies qui permettent l’extraction de la Terre Mère au profit du pouvoir colonial. Le « processus systématique par lequel un peuple exploite et/ou annexe les terres et les ressources d’un autre sans son consentement et étend unilatéralement son pouvoir politique sur lui ». Ce site fait référence à la colonisation européenne qui a commencé dans les Amériques au cours du XVIIe siècle et s’est ensuite étendue à l’Asie et à l’Afrique. Une caractéristique clé des systèmes coloniaux est la création et l’accent mis sur les différences, utilisées pour diviser le monde entre ceux qui peuvent posséder des biens et ceux qui sont possédés en tant que biens.

Le colonialisme ne peut pas être compris de manière simpliste comme un événement de conquête et de domination par les Européens. Peter Ekeh (1983) l’a distingué de la « colonisation », même si les deux sont liés. Il a souligné que la colonisation est un événement/épisode, alors que le colonialisme est un processus/mouvement et a développé cette distinction de la manière suivante :

Outre les activités absurdes des colonisateurs et des colonisés, en plus de la [. . .] situation coloniale, le colonialisme peut être considéré comme un mouvement social aux dimensions d’époque dont la signification durable, au-delà de la durée de vie de la situation coloniale, réside dans les formations sociales d’entités et de constructions supraindividuelles. Ces formations supraindividuelles se sont développées à partir des changements sociaux de l’ampleur d’un volcan provoqués par les confrontations, les contradictions et les incompatibilités de la situation coloniale. (Ekeh 1983 : 5)

On ne peut pas parler de colonialisme en général, que la décolonisation doit avoir des significations différentes et peut-être très spécifiques selon les endroits, car il n’existe pas de colonialisme unique dont il faille se décoloniser. (Mike Brown)

Les prisons du monde entier servent le colonialisme. Une reconnaissance minimale est accordée à la façon dont les individus handicapés/racisés sont « surreprésentés » dans la prison et à la manière dont ces catégories identitaires ont été co-construites en relation avec la « criminalité », révélant la fonction des prisons en tant qu’institution complice d’un projet colonial conçu pour incarcérer les personnes racialisées/handicapées.

La fonction des prisons, le fonctionnement de l’incarcération, sont ainsi également conceptualisés comme des expressions de la colonialité, au service de la construction et de l’expansion de la nation coloniale.

Dans Culture and Imperialism, Edward Said (1993) évoque « l’argument culturel en faveur de l’empire » en discutant de la reproduction du colonialisme et de l’expansion impériale à travers le « pouvoir de l’Occident de raconter ou d’empêcher d’autres récits de se former et d’émerger » (p. 187)

Colonialisme de peuplement (settler colonialism) : Processus dans lequel les colons ont émigré dans le but exprès d’occuper un territoire et de former une nouvelle communauté plutôt que d’extraire du travail ou des ressources (cependant celles-ci deviennent des objets secondaires). Le colonialisme de peuplement fait référence à « la formation spécifique du colonialisme dans laquelle le colonisateur vient s’installer, se faisant souverain et arbitre de la citoyenneté, de la civilité et du savoir » (Tuck et Gaztambide-Fernandez, 2013, p. 73)

Le colonialisme de peuplement consiste à soumettre des groupes particuliers de personnes, ayant des liens préexistants avec la terre et les ressources et des processus culturels et politiques indépendants, au contrôle d’un autre groupe. Le colonialisme implique l’exercice du pouvoir, la violence et une série de stratégies visant à accélérer l’assujettissement, y compris la domination culturelle et sociale (Thomas, 1994). Ces processus génèrent de la résistance de la part de ceux qui sont éliminés et expropriés. Comme le note Dunbar-Ortiz (2014, p. 8) : « Les gens ne cèdent pas leurs terres, leurs ressources, leurs enfants et leur avenir sans combattre… En employant la force nécessaire pour atteindre leurs objectifs expansionnistes, un régime colonisateur institutionnalise la violence. L’imposition de systèmes coloniaux de justice pénale faisait partie de ce processus. Le droit pénal est devenu un outil important à la fois pour légitimer le recours à la force et pour imposer une gamme de valeurs et de processus culturels, sociaux et institutionnels.

Bien que son objectif principal soit la terre, le colonialisme de peuplement fonctionne selon une « logique d’élimination » qui « détruit pour remplacer » (Wolfe, 2006, p. 388). Comme l’expliquent Bonita Lawrence (Mi’kmaw) et Ena Dua (2005), l’élimination prend des formes très diverses, allant de l’assimilation à l’extermination. Ces diverses politiques ont en commun le but de faire « disparaître les peuples autochtones en tant que peuples afin que les nations de colons puissent prendre leur place sans problème » (p. 123). Le colonialisme de peuplement, cependant, ne se contente pas d’éliminer pour remplacer les peuples autochtones, il s’efforce également de s’éliminer et de se remplacer lui-même (Park, 2020, p. 5). Veracini (2011) écrit que le colonialisme de peuplement « justifie son fonctionnement sur la base de l’attente de sa disparition future » (p. 3). Il se caractérise par une volonté persistante de remplacer en fin de compte les conditions de son fonctionnement. Les colonies de peuplement qui réussissent à « apprivoiser » une variété de régions sauvages, finissent par établir des nations indépendantes, répriment, cooptent et éteignent efficacement les altérités autochtones et gèrent de manière productive la diversité ethnique. À la fin de cette trajectoire, elles prétendent ne plus être des colonies de peuplement (elles sont supposément « sédentaires » et « postcoloniales » […]). Le colonialisme de peuplement brouille ainsi les pistes et œuvre à son auto-suppression [souligné par nous]. (Veracini, 2011, p. 3) L’auto-suppression est l’achèvement ou la perfection du projet de colonisation. Il s’agit d’un futur postcolonial imaginaire dans lequel le colonisateur devient « autochtone » sur les terres expropriées et les colonisés cessent d’être colonisés et sont réduits à l’état de minorités. Dans ce futur imaginaire, la relation coloniale est éteinte et le « problème indien » est résolu.

Colonialité: Nous vivons dans un système de « civilisation » fondé sur la colonialité, où le déséquilibres des pouvoirs est la base, un processus structurel d’altérité, de binarité (infériorité/supériorité, noir/blanc, non valide/valide, femme/homme,…) qui a façonné ce monde moderne. La colonialité est cet héritage de la discrimination sociale et raciale du colonialisme européen formel qui tente de subsister et s’est intégré dans les ordres sociaux successifs. Cet héritage persistant du colonialisme qui accorde de la valeur à certaines personnes tout en privant les autres de leurs droits est toujours présent.

Le déséquilibre des pouvoirs est la base de la colonialité (E. Dussel). Le concept capture les atrocités et les souffrances cachées qui ont côtoyé les promesses d’or exprimées dans la rhétorique de la modernité depuis la Renaissance et le contact des Européens avec un continent qu’ils appelaient l’Amérique, avec des gens qu’ils appelaient « Indiens » et avec un nombre massif d’êtres humains africains qu’ils appelaient « esclaves ». (W. Mignolo, 2011).

La colonialité est une description de la persistance du colonialisme au-delà du démantèlement de ses structures administratives directes (Quijano 2000). De cette manière, la colonialité diffère du postcolonialisme dans la mesure où elle n’est pas un « après » du colonialisme. Bien avant qu’Anibal Quijano n’invente le concept de « colonialité », le principal leader panafricaniste et intellectuel Kwame Nkrumah (1965) exprimait cette persistance du colonialisme en termes de « néocolonialisme ». C’est cette survie de la colonialité à l’échelle mondiale (en tant que colonialité mondiale) qui a provoqué la résurgence de la décolonisation au XXIe siècle. Cette résurgence a pris la forme de ce que les théoriciens décoloniaux latino-américains ont appelé la décolonialité. Ngugi wa Thiong’o (1986) et Chinweizu (1987) ont souligné à quel point le colonialisme persistait dans l’esprit des colonisés comme un cauchemar longtemps après le démantèlement de sa présence administrative et juridique. Ce que Ngugi wa Thiong’o et Chinweizu entendaient par « colonisation de l’esprit » a des implications directes sur les luttes pour la liberté épistémique.

Le concept de colonialité est donc essentiel à notre compréhension des conséquences du colonialisme. La colonialité est devenue aujourd’hui la forme de domination la plus générale dans le monde, après la destruction du colonialisme en tant qu’ordre politique explicite. De plus, c’est le nœud du système de pouvoir capitaliste mondial, organisé autour de deux axes : la colonialité du pouvoir et la modernité.

La colonialité symbolise « la structure de pouvoir omniprésente, souvent cachée, qui maintient et renforce les relations de domination, d’exploitation et d’oppression longtemps après que le colonialisme direct ait été perturbé ». (Muthukrishna. and Engelbrecht)

« La colonialité est différente du colonialisme. Le colonialisme désigne une relation politique et économique dans laquelle la souveraineté d’une nation ou d’un peuple repose sur le pouvoir d’une autre nation, ce qui fait de cette nation un empire. La colonialité fait plutôt référence à des modèles de pouvoir de longue date qui ont émergé à la suite du colonialisme, mais qui définissent la culture, le travail, les relations intersubjectives et la production de connaissances bien au-delà des limites strictes des administrations coloniales. Ainsi, la colonialité survit au colonialisme. Elle est maintenue vivante dans les livres, dans les critères de réussite scolaire, dans les modèles culturels, dans le sens commun, dans l’image que les peuples ont d’eux-mêmes, dans leurs aspirations personnelles et dans bien d’autres aspects de notre expérience moderne. D’une certaine manière, en tant que sujets modernes, nous respirons la colonialité tout le temps et chaque jour. » (Nelson Maldonado Torres)

Un facteur important qui a contribué à la force et à la persistance de la colonialité a été l’influence de cette philosophie des Lumières, qui revendiquait la supériorité des élites européennes en tant que seules détentrices de l’intellect et de la rationalité (Olmo 1999 : 24).

La colonialité est un concept lié au colonialisme mais qui va au-delà de la simple acquisition et du contrôle politique d’un autre pays. En tant que système idéologique, il explique les modèles de pouvoir de longue date qui ont résulté du colonialisme européen, y compris la production de connaissances et l’établissement d’ordres sociaux. Il s’agit de la « structure de pouvoir invisible qui maintient les relations coloniales d’exploitation et de domination longtemps après la fin du colonialisme direct ».

La colonialité, en revanche, est une forme de colonisation plus indirecte, mais en aucun cas moins efficace que la première. D’un point de vue cognitif, elle a coexisté avec le colonialisme et lui a survécu. La colonialité est au cœur de tous les « ismes » et de tous les schismes qui affligent l’humanité.

La colonialité se nourrit de la conception raciste de l’Autre. La théoricienne féministe indienne Gayatri Spivak a expliqué que le processus d’altérité a été très important pour le succès des impérialistes dans leur mission de colonisation. La définition du « soi » par les colons devait être juxtaposée à un « Autre » inférieur et stigmatisé afin de justifier et de rationaliser leur mission impérialiste. Ils ont utilisé la pseudoscience pour construire le concept de race qui survalorisait les Blancs et dévalorisait les Noirs. Il est impossible d’analyser la race en dehors du genre (Sylvia Tamale).

Lugones, Gayatri, Wynter et d’autres spécialistes de l’après-colonialisme sont convaincus que tant que nous n’aurons pas évolué vers un endroit où nous n’aurons plus besoin de l’Autre pour comprendre le Soi, l’ancre de la colonialité restera.

La colonialité ne fait pas simplement référence à la colonisation de la culture autochtone dans les Amériques, mais plutôt à tout un système de pensée, une mentalité et une structure de pouvoir qui construit « la matrice hégémonique et eurocentrée du savoir » (Mignolo, 2010, p. .11). C’est pourquoi Mignolo soutient que « la colonialité, en d’autres termes, est constitutive de la modernité – il n’y a pas de modernité sans colonialité » (pp. 2-3).

(Nandy, 1989, p. xii) souligne en outre que cette deuxième forme de colonisation est aussi dangereuse que la première, car elle est « presque quasi inconsciente et presque toujours ignorée ».

Walter Mignolo, spécialiste de la décolonisation (2011), affirme qu’« à l’heure actuelle, la transformation des différences coloniales est ancrée dans ce que nous appelons aujourd’hui la colonialité mondiale, et continue d’être reproduite par le capitalisme mondial… »

Quijano (2000, 2007) explique que la classification coloniale des humains a survécu à l’indépendance des colonies latino-américaines au XIXe siècle et vit encore dans ce qu’il appelle la colonialité, une logique qui considère comme valide uniquement ce qui suit les modes européens modernes de création de connaissances. La colonialité est la domination mondiale d’une manière occidentale et moderne d’être, de connaître et d’organiser le monde.

La théorie anticoloniale met l’accent sur la colonialité comme un processus historique et continu et un ensemble de relations sociales de pouvoir, au centre de l’opération de construction de la différence pour la fonction de l’hégémonie coloniale (Simmons et Dei, 2012).

Pour que l’Autre soit confiné et retiré du « public », il doit être construit comme inférieur en juxtaposition à un non-Autre (Said, 1993). Centrer la colonialité dans l’analyse remet en question la notion de différence comme supposée, neutre ou existant en dehors des structures de pouvoir et la situe comme créée par et pour les structures de pouvoir coloniales (Simmons et Dei, 2012).

La colonialité cherche à rendre l’individu, l’homme européen, blanc, hétérosexuel et valide, le sujet primordial à la compréhension des conditions humaines.

Voir aussi Destin manifeste (Manifest Destiny), Doctrine de la découverte (Doctrin of Discovery), Terra Nullius (terre de personne).

Colonialité climatique: Les effets extrêmement inégaux et inéquitables du changement climatique signifient que les gens sont différents en expérience, réagissent et font face à la crise climatique et aux vulnérabilités connexes de manières radicalement différentes. La colonisation du climat s’infiltre dans la vie quotidienne à travers l’espace et le temps, en réduisant les opportunités et les possibilités grâce au capitalisme racial mondial, aux dépossessions coloniales et aux dettes climatiques. La décolonisation du climat doit s’attaquer aux complexités du colonialisme, de l’impérialisme, du capitalisme, du développement international et de la géopolitique qui contribuent à la reproduction des colonialités en cours grâce aux structures de gouvernance mondiale existantes, aux cadres discursifs, aux solutions imaginaires et aux interventions. Cela nécessite de s’attaquer à la fois aux violences épistémiques et aux résultats matériels. En m’appuyant sur ces médiations, j’offre une compréhension du climat colonial qui est théorisé et ancré dans des expériences vécues. (source: Farhana Sultana)

La colonialité climatique perce la vie quotidienne à travers l’espace et le temps, alourdissant et réduisant les opportunités et les possibilités à travers un mélange toxique de racismes mondiaux, d’extractivisme rapace, de dépossessions du capital colonial, de dettes climatiques, de patriarcat et d’impérialisme. (Sultana 2022, p. 10; Confronting climate coloniality)

Le terme colonialité, par opposition au colonialisme, est utilisé pour désigner la façon dont le colonialisme, souvent via le capitalisme, s’enracine dans des « modèles de pouvoir de longue date » (Maldonado-Torres 2007, p. 243). Cela crée non seulement des dépendances économiques, mais aussi des dépendances épistémiques.

La colonialité climatique n’est pas un phénomène passif : elle est conçue, activée et régulée pour produire des sentiments d’immobilisation ou d’intraitabilité chez les coloniséEs (Sultana 2022). La colonialité dans ces espaces, telle qu’elle est maintenue par les forces structurelles actuelles et historiques, présuppose que les groupes racialisés sont jetables, se manifestant par une vulnérabilité absurde au changement climatique (Sultana 2022).

Voir aussi Destin manifeste (Manifest Destiny), Doctrine de la découverte (Doctrin of Discovery), Terra Nullius (terre de personne).

Colonialité mondiale: La colonialité mondiale fonctionne comme une matrice de pouvoir invisible qui façonne et entretient des relations de pouvoir asymétriques entre le Nord et le Sud. (Sabelo Ndlovu-Gatsheni)

Colonialité du pouvoir: est le concept central de la pensée décoloniale, qui s’oppose à l’eurocentrisme, et alimente l’approche intersectionnelle, et touche donc au féminisme, au racisme, aux relations de domination, à la politique, au savoir, etc… La croyance en la supériorité occidentale blanche est le fondement de l’épistémologie occidentale (quijano, 2000). Quíjano nous invite à penser en termes de « colonialité du pouvoir » afin de comprendre que les structures et les hégémonies qui ont facilité et renforcé le colonialisme n’ont pas disparu avec l’indépendance du drapeau.

Centrer la colonialité du pouvoir résiste aux manières neutres et déshistoricisées de théoriser le pouvoir, les déséquilibres ou les asymétries de pouvoir comme existant en dehors d’une hiérarchie raciale et positionne le pouvoir comme créé par et pour la préservation de la colonialité.

La colonialité du pouvoir est au cœur de l’analyse des diverses institutions qui interagissent avec le système de justice pénale.

Colonialité de l’être: la colonialité de l’être concerne « l’expérience vécue de la colonisation et son impact sur le langage » (Maldonado-Torres, 2007, p. 242). Les colonisateurs européens ne considéraient pas les colonisés comme des humains, ce qui a des effets tangibles sur leur vie. Au centre de la « colonialité de l’être » se trouve le déni constant et systématique de l’humanité de ceux qui sont devenus la cible de l’esclavage et de la colonisation. Le déni de l’humanité des autres était une technologie majeure de domination qui a permis de les pousser hors de la famille humaine vers une catégorie sous-humaine et une zone de non-être (Fanon 1968a).

Le déni de l’être (colonialité de l’être) nie automatiquement la vertu épistémique. C’est simplement parce que les non-humains ne produisent pas de connaissances. Ils peuvent avoir des instincts mais pas de connaissances. Ainsi, la lutte pour la réhumanisation doit impliquer une décolonisation épistémologique. Aujourd’hui, l’aspect le plus important de la décolonialité est la décolonisation épistémologique (Sabelo Ndlovu Gatsheni).

Deux techniques ont été déployées dans la « colonisation de l’être ». La première était la classification sociale de l’espèce humaine. La seconde était la hiérarchisation raciale de l’espèce humaine conformément à des densités ontologiques différentielles inventées (Quijano 2000 ; Maldonado-Torres 2007 ; Dastile et Ndlovu-Gatsheni 2013).

« … si vous ne comprenez pas la colonialité de l’être, vous ne comprendrez pas pourquoi certaines personnes ont été soumises au génocide, tandis que d’autres ont été soumises à l’esclavage, et d’autres à la dépossession […] « Qui allons-nous coloniser ? Qui allons-nous asservir ? De qui allons-nous disposer ? Et puis ils ont introduit un critère selon lequel les ontologies des êtres humains seraient graduées. Il y aura donc certains qui auront une ontologie supérieure et qui seront blancs, puis il y en aura d’autres qui seront plus clairs et d’autres qui seront plus foncés. Et puis il y en a d’autres qui sont tous exclus de la famille humaine. Et ce sont eux qui ont été victimes du génocide. . » (Sabelo Ndlovu Gatsheni)

la « colonialité de l’être » qui fait référence à la manière dont nos compréhensions « de bon sens » de l’être et du savoir reflètent les processus de colonisation intériorisée. Le colonialisme eurocentré a été remplacé par la colonialité eurocentrée. Nelson Maldonado-Torres souligne que la colonialité de l’Être devient plus visible et concrète lorsque nous rencontrons des personnes liminaires, c’est-à-dire des humains culturellement ambigus – qui ne peuvent pas être facilement classés dans les catégories sociales dichotomisées et « naturalisées » – que la colonialité a construites pour nous. Le fait que les marqueurs sexuels habituels du « bon sens » ne parviennent pas à classer certaines personnes nous montre clairement les limites du système de connaissances colonial pour comprendre l’humanité en dehors des binaires construits homme/femme.  » la colonialité du pouvoir et du savoir a engendré la colonialité de l’être… » (Walter Mignolo). Tout comme la colonialité du pouvoir et la colonialité du savoir, la colonialité de l’être est très importante pour les panafricanistes car elle permet de rendre visible l’invisible. (Ndlovu-Gatsheni)

La conscience de l’oppression pourrait être considérée comme le point de départ de l’émancipation des personnes handicapées. Partant de l’argument selon lequel le handicap se construit à travers la colonialité de l’être et le placement dans la zone du non-être, une « manière alternative d’être » pourrait être émancipateur (Schaun Grech ; 2015).

Le côté obscur indissociable de cette habilitation de l’être moderne est un processus de handicap ou de colonialité de l’être (Adams et al., 2018 ; Maldonado-Torres, 2007), la destruction de la communauté, l’expropriation des moyens de production et la réduction conséquente de la capacité de la majorité subordonnée à répondre aux exigences environnementales et à la réalisation même des aspirations les plus modestes.

« De « Je pense, donc je suis », nous sommes parvenuEs à l’expression plus complexe et à la fois philosophiquement et historiquement exacte : « Je pense (les autres ne pensent pas, ou ne pensent pas correctement), donc je suis (les autres ne le sont pas, manquent de sens, étant, ne devraient pas exister ou sont superflus) ». Celui-ci s’est finalement transformé en  » Je pense, donc j’occupe, je conquiers ». Cette formulation cartésienne privilégie l’épistémologie, qui cache à la fois ce qui pourrait être considéré comme la colonialité du savoir (les autres ne savent pas) et la colonialité de l’être (les autres ne pensent pas). » (Nelson Maldonado-Torres; On coloniality of being)

Colonialité du genre : La colonialité du genre s’appuie sur la colonialité du pouvoir, telle que développée par les principaux théoriciens du groupe de la décolonialité, Aníbal Quijano et Walter Mignolo. La colonialité du pouvoir est censée agir pour démanteler les connaissances et les modes de vie des « autres », et constitue le discours catégorique et discriminatoire persistant qui se reflète dans les structures sociales et économiques des sociétés postcoloniales modernes. María Lugones, une théoricienne décoloniale de premier plan et membre du groupe de décolonialité, ajuste la formulation de Quijano sur la colonialité du pouvoir à travers une considération plus approfondie du genre et de sa relation intime avec la race. Elle soutient que la compréhension de Quijano du sexe/genre tel que défini par les contestations patriarcales et hétérosexuelles sur « l’accès sexuel » est une compréhension paradoxalement eurocentrée du genre. Elle considère donc le cadre de Quijano comme un moyen supplémentaire par lequel la sujétion et la privation de pouvoir des femmes colonisées peuvent être obscurcies.

Colonialité du savoir: la colonialité des savoirs s’interroge sur qui produit le savoir et à quelles fins. Les systèmes de connaissances eurocentriques dominants sont appliqués universellement et ont été utilisés pour réduire au silence et opprimer d’autres formes non européennes de production de connaissances.

« La colonialité du savoir est très importante car elle aborde directement les dilemmes de l’invasion de l’imagination et de la colonisation des esprits des Africains, qui constituent une colonisation épistémologique. Cette colonisation de la conscience et des modes de connaissance est omniprésente dans les discours sur le développement, les technologies d’organisation des peuples en nations et en États, ainsi que dans les imaginaires du futur. » (Ndlovu Gatsheni)

Colonisateur : Une personne qui utilise son pouvoir pour dominer un autre groupe de personnes qu’elle considère comme inférieur. Par la colonisation, qui se produit lorsqu’un groupe prend le contrôle d’un autre, le colonisateur utilise la violence et la manipulation pour obtenir et conserver le pouvoir et le contrôle sur les terres et les ressources.

Colonisation: Un processus par lequel un groupe culturel/ethnique occupe par la force des terres qui lui étaient autrefois étrangères, principalement au profit du groupe envahisseur. La colonisation européenne a tenté de détruire l’identité culturelle autochtone par le biais de politiques et de pratiques assimilationnistes eurocentristes, a effacé, supprimé et diabolisé tous les systèmes de connaissances autochtones non occidentaux.

Quand le système fonctionne pour certaines personnes et pas pour d’autres, cela s’appelle la colonisation. (N. Maldonnado Torres)

Communauté : En termes simples, une communauté est un groupe de trois personnes ou plus avec lesquelles nous partageons des valeurs et des intérêts similaires et avec lesquelles nous éprouvons un sentiment d’appartenance. Établir une communauté autour d’objectifs communs, comme le bien-être collectif des personnes vivant à proximité les unes des autres, exige que nous cultivions un sentiment d’appartenance partagé.

Les expériences communes des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres donnent à la « communauté » une connotation particulière pour eux. Ce terme ne décrit pas seulement les liens physiques d’un groupe de personnes, mais aussi un sentiment spirituel d’appartenance (Sott Avery).

Conscience multiple : Capacité des gens à percevoir quelque chose de deux ou plusieurs manières, par exemple, comme le verrait un membre de son groupe et comme le verrait un Blanc. Voir aussi double conscience.

Criminologie critique : La criminologie critique s’est développée dans une perspective néo-marxiste et s’est concentrée sur la nature criminogène du capitalisme. Cela s’est développé parallèlement à la critique néo-marxiste du modèle biomédical par des militants du handicap qui a conduit au mouvement des personnes handicapées. À cette époque, la discipline de la criminologie a changé d’orientation, passant des causes individualisées du comportement criminel à l’examen des causes sociales et des conséquences du comportement délinquant (Madfis et Cohen, 2016). La criminologie critique et le mouvement des personnes handicapées partageaient une critique structurelle similaire des résultats du capitalisme, qui a créé le besoin d’inclure et d’exclure certains types de corps en fonction de la productivité perçue (Dowse et al., 2009 ; Oliver, 2009 ; Madfis et Cohen, 2016). Bien que la criminologie critique ait formulé une critique convaincante du positivisme biologique et des idées autour de la pathologie et du comportement criminel, comme Dowse et al. (2009) l’illustrent, cette école de pensée a complètement négligé l’importance des relations intersectionnelles des inégalités, notamment concernant les questions de handicap et d’exclusion […] En criminologie critique, les liens entre pauvreté, capitalisme et criminalité sont établis depuis longtemps ; Ainsi, du point de vue du modèle social, les liens entre les obstacles invalidants, la pauvreté et la criminalité sont cruciaux pour conceptualiser la surreprésentation des personnes handicapées au sein des populations carcérales et représentent une occasion manquée importante pour les deux disciplines de se croiser (Voices marginalized in criminology). (source : Indigenous Criminology)

Crime : Le crime est un concept européen, une construction juridique déterminée par l’État pour refléter les valeurs et les intérêts de la classe dominante. Le colonialisme a été construit en utilisant le droit pénal pour légitimer et imposer la domination européenne. La criminologie est apparue à la fin du XIXe siècle et s’est imposée à travers la création de l’ « Autre criminel », en utilisant le racisme de la pseudoscience raciale, qui avait inventé l’Autre racisé pour justifier le colonialisme européen. Depuis sa naissance, la criminologie est étroitement liée au colonialisme et au racisme. En effet, comme l’a soutenu Juan Tauri (2018, p. 5), « les criminologues contribuent souvent à l’entreprise politique d’inclusion et d’exclusion par le simple fait de faire de la criminologie ». (Extrait d’ « Abolition and (de)colonisation »)

La police n’est pas le seul agent d’oppression, ni le seul auteur de violences. Le but de la police, cependant, n’est ni de combattre l’oppression ni de réduire la violence, mais de maintenir « l’ordre public » – c’est-à-dire l’ordre du capital et de la propriété privée, de la suprématie blanche, du patriarcat. La catégorie des « criminels » existe pour ceux qui perturbent cet ordre, et cette catégorie est en pleine expansion. (Extrait d’Abolishing the Police, Koshka Duff)

Crip : terme utilisé historiquement pour stigmatiser et opprimer les personnes handicapées. Il a été récupéré par certaines personnes handicapées. Il ne doit être utilisé qu’avec la permission de la communauté ou de la personne à laquelle il est fait référence, ou en ce qui concerne les théories indiquées ci-dessous. Il y a une discussion sur la question de savoir si le crip fait référence uniquement à la communauté des personnes handicapées physiques, ou également à d’autres expériences. (voir aussi Supercrip)

Crip Theory : La « théorie du Crip » en tant que (sous)domaine académique a été popularisée pour la première fois par des chercheurs comme Robert McRuer et Carrie Sandahl. La théorie du Crip est un mélange ou une fusion de la théorie queer et des études critiques sur le handicap. La théorie du Crip explore comment les pressions et les normes sociales autour des capacités se croisent avec les pressions et les normes sociales autour du genre/sexualité.

Crip time : Un concept émergeant de l’expérience des personnes handicapées qui aborde la manière dont les personnes handicapées/maladies chroniques et neurodivergentes vivent le temps (et l’espace) différemment des personnes valides. Dans son essai sur Crip Time, Ellen Samuels cite ses amies Alison Kafer, qui disent que les temps Crip signifient : « plutôt que de plier les corps et les esprits handicapés pour qu’ils répondent à l’horloge, le temps Crip plie l’horloge pour rencontrer les corps et les esprits handicapés ».

Crippin’ : « Crippin’ », selon le spécialiste des études sur le handicap Robert McRuer (2006), fait référence, en partie, aux pratiques analytiques critiques qui explorent la manière dont « les cultures de capacité/handicap sont conçues, matérialisées, spatialisées et peuplées… [au sein de] géographies de développement inégal [et] sont cartographiés sur des corps marqués par des différences de race, de classe, de genre et de capacité »

Critical Disability Studies (CDS): Les CDS ont pour fondement le fait de reconnaître que plus de 75 % de la population mondiale a vu sa vie affectée par le colonialisme, les 25 % restants étant les colonisateurs (Meekosha, 2011). Nous pensons qu’il est important de présenter ce travail dans une perspective coloniale car : 1. la majeure partie du monde a été colonisée (Meekosha, 2011) ; 2. les ramifications de la colonisation perdurent même si un pays est « post » colonial (Hall, 1990) ; et 3. les corps handicapés sont colonisés par des personnes valides par le biais du capitalisme et de la mondialisation dans le monde entier (Meekosha, 2011). Les études critiques sur le handicap permettent aux chercheurs et aux praticiens de rejeter les conceptions et études trop simplistes du handicap, comme les modèles sociaux et médicaux du handicap. Cela permet aux chercheurs et aux praticiens de se concentrer sur les problèmes qui ont un impact réel sur la réalité quotidienne des personnes handicapées dans les pays du Sud, y compris sur les réalités éducatives.

Critical Legal Studies (études juridiques critiques): études juridiques critiques : mouvement juridique qui a défié le libéralisme depuis la gauche, niant que la loi est neutre, que chaque cas a une seule bonne réponse et que les droits sont d’une importance vitale

Critical Race Feminism (Féminisme critique de la race): Application de la théorie critique de la race aux questions qui préoccupent les femmes de couleur.

Critical Race Masculinism (Masculinisme critique de la race):  Application de la théorie critique de la race à la construction de normes masculines dans la société.

Critical Race Theory (Théorie critique de la race): Mouvement juridique radical qui cherche à transformer les relations entre race, racisme et pouvoir.

Le mouvement de la théorie critique de la race aborde bon nombre des mêmes questions que les droits civiques et les études ethniques classiques, mais les place dans une perspective plus large qui inclut l’économie, l’histoire et même les sentiments et l’inconscient. Contrairement aux droits civiques traditionnels, qui embrassent l’incrémentalisme et le progrès étape par étape, la théorie critique de la race remet en question les fondements mêmes de l’ordre libéral, y compris la théorie de l’égalité, le raisonnement juridique, le rationalisme des Lumières et les principes du droit constitutionnel.

Elle critique la manière dont la construction sociale de la race et le racisme institutionnalisé perpétuent un système de castes raciales qui relègue les personnes de couleur aux échelons inférieurs. La théorie critique de la race reconnaît également que la race recoupe d’autres identités, notamment la sexualité, l’identité de genre et d’autres. La CRT reconnaît que le racisme n’est pas une relique du passé. Au contraire, elle reconnaît que l’héritage de l’esclavage, de la ségrégation et de l’imposition d’une citoyenneté de seconde classe aux Noirs américains et aux autres personnes de couleur continue de pénétrer le tissu social.

Parce que le racisme fait progresser les intérêts à la fois des élites blanches (matériellement) et de la classe ouvrière (psychiquement), de larges segments de la société sont peu incités à l’éradiquer.

L’une des principales contributions de la Critical Race Theory (CRT) est le fondement théorique et le soutien juridique de l’idée selon laquelle le racisme est une caractéristique endémique et permanente de la société américaine. Comme le dit Adrien Wing, « une prémisse centrale du CRT est que le racisme est un élément normal et ordinaire de notre société, et non une aberration ». Une deuxième contribution clé du CRT à l’académie juridique et au-delà est la notion selon laquelle la race est une construction sociale. Une troisième contribution clé de la théorie critique de la race est que la loi a construit des catégories raciales en grande partie en définissant et en délimitant les frontières entre les personnes racialisées comme blanches et celles racialisées comme non blanches.

Pour les théoriciens de la CRT, les avantages sociaux, ainsi que l’accès aux droits et ressources politiques, économiques et sociales, ne sont pas « le résultat naturel de l’action et du mérite individuels ». Au lieu de cela, comme le note Devon Carbado, « nous héritons tous d’avantages et de désavantages, y compris les effets sociaux historiquement accumulés de la race ».

« La théorie critique de la race est essentielle, car elle commence par l’objectif de démanteler la suprématie blanche. » –Mari Matsuda

Lire Déni du déni: racisme daltonien et silence académique en France

Critical Race Theory (Éducation à la)Mouvement universitaire qui applique la théorie critique de la race aux questions liées au domaine de l’éducation, notamment les tests à enjeux élevés, la discrimination positive, la hiérarchie dans les écoles, le suivi et la discipline scolaire, l’éducation bilingue et multiculturelle, ainsi que le débat sur les études ethniques et le canon occidental.

Critical Whiteness Studies (CWS) : Utiliser le cadre conceptuel de la « blancheur critique », devrait renforcer les communautés de pratique antiracistes.

Enracinée au XVe siècle et au début du colonialisme occidental, la blancheur est un système culturel, social, politique et économique omniprésent qui imprègne tous les aspects de la vie quotidienne et institutionnelle des sociétés occidentales et mondiales.

CWS est un domaine de recherche en pleine croissance dont le but est de révéler les structures invisibles qui produisent et reproduisent la suprématie et les privilèges blancs. CWS présuppose une certaine conception du racisme liée à la suprématie blanche. En faisant valoir l’importance de la vigilance chez les Blancs, CWS examine la signification du privilège blanc et de la pédagogie du privilège blanc, ainsi que la façon dont le privilège blanc est lié à la complicité dans le racisme. Tant que les Blancs n’apprennent à reconnaître, plutôt qu’à nier, à quel point ils sont complices du racisme, et jusqu’à ce que les Blancs développent une conscience qui remette en question de manière critique les cadres de vérité et les conceptions du « bien » à travers lesquels ils comprennent leur monde social, la vision de W.E.B. Du Bois continuera à sonner vrai. Depuis des générations, les spécialistes de la couleur, parmi lesquels Ralph Ellison, James Baldwin et Franz Fanon, soutiennent que la blancheur est au centre du problème du racisme. Ce n’est que relativement récemment que l’étude critique de la blancheur est devenue un domaine universitaire déterminé à perturber le racisme en problématisant la blancheur comme un correctif à l’accent traditionnel et exclusif porté sur « l’autre » racialisé.

[D]

Darwinisme social : Le darwinisme social est un ensemble d’idéologies apparues à la fin des années 1800, dans lesquelles la théorie de l’évolution par sélection naturelle de Charles Darwin était utilisée pour justifier certaines opinions politiques, sociales ou économiques. Les darwinistes sociaux croient en la « survie du plus fort » – l’idée selon laquelle certaines personnes deviennent puissantes dans la société parce qu’elles sont naturellement meilleures. Le darwinisme social a été utilisé pour justifier l’impérialisme, le racisme, l’eugénisme et les inégalités sociales à plusieurs reprises au cours du siècle et demi écoulé.

Les justifications européennes de la colonisation comprenaient, sans s’y limiter, l’impérialisme européen et le darwinisme social, dont les héritages continuent d’alimenter et de « normaliser » les problèmes autochtones de pauvreté, de mauvaise santé, de maladies chroniques et de taux élevés d’invalidité.

Les peuples autochtones ont ainsi été déshumanisés par les États coloniaux, ces mêmes États utilisant un langage revendiquant le droit de « sauver » avec « bienveillance » et d’« humaniser » les peuples autochtones (Moreton-Robinson, 2011 ; Tuhiwai Smith, 2012).

«La théorie (de Darwin) de la survie du plus fort a été accueillie avec enthousiasme par les spécialistes des sciences sociales de l’époque. Ils croyaient que l’humanité avait traversé plusieurs étapes d’évolution, culminant avec la civilisation de l’être humain blanc. Au milieu du XIXe siècle, le racisme était accepté comme une réalité par la grande majorité des scientifiques occidentaux. »

– Lalita Vidyarthi, anthropologue hindoue

Décolonial: Pour Catherine Walsh, le décolonial ne vient pas d’en haut mais d’en bas, des marges et des frontières, des peuples, des communautés, des mouvements, des collectifs… qui remettent en question, interrompent et transgressent les matrices du pouvoir colonial dans leurs pratiques d’être, d’action, d’existence, de création et de pensée. Pour C. Walsh, la décolonialité part de la déshumanisation et des luttes des « peuples subalternisés », ce qui implique de rendre visibles les luttes contre la colonialité à partir de ces personnes, de leurs pratiques sociales épistémiques et politiques, en cherchant ces personnes les plus radicales qui vous poussent à bout.. et apprendre avec elles.

Cette revalorisation décoloniale du savoir produit « par le bas » vient du point de vue des marginalisés, de l’autre, de ce qu’Anzaldúa (1987 : 25) appelle « los atravesados ​​», un terme qui évoque l’incohérence et une existence mixte et non binaire, ainsi que ceux que Frantz Fanon nomme les damnés de la terre…

Les milieux qui travaillent pour la justice sociale doivent comprendre que c’est du bas vers le haut, et arrêter de centrer celles et ceux qui se trouvent au milieu et qui prétendent être en bas, parce qu’iElles ne sont pas riches.

Décolonialité : Un type spécifique de décolonisation qui prône la rupture des héritages d’inégalités et de domination raciales, de genre et géopolitiques. Walter Mignolo le définit simplement comme « se déconnecter de la matrice coloniale du pouvoir ». La décolonialité est un nom collectif pour toutes ces initiatives et luttes épistémologiques hégémoniques anti-esclavagistes, anti-racistes, anti-colonialistes, anti-capitalistes, anti-patriarcat et anti-eurocentriques qui émergent dans différents sites géopolitiques hantés par la colonialité dans ses aspects physiques, formes institutionnelles, idéationnelles et métaphysiques (Mignolo 2000 ; Quijano 2000 ; Grosfoguel 2007 ; Maldonado-Torres 2007).

La décolonialité permet de raconter l’histoire de l’humanité et de la connaissance du point de vue de ces sites épistémiques qui ont reçu les « négatifs » de la modernité, en mettant en lumière les appropriations, les épistémicides, les linguicides et les déni de l’humanité de l’autre de l’histoire de la science (Ndlovu Gatsheni). La décolonialité accepte également le fait du pluralisme ontologique comme une réalité qui a besoin d’« écologies de connaissances » pour être comprise (Santos, 2007).

Brendane et Alyssa du podcast Zora’s Daughters décrivent la décolonialité comme « une orientation de pensée qui nous permet de désapprendre et de réapprendre le monde en dehors de la suprématie blanche, du colonialisme de peuplement et du capitalisme racial… [Elle] vise à rendre visibles les logiques coloniales qui « sous-tendre les connaissances, les pratiques, l’histoire, l’identité et les croyances, et aussi réévaluer les choses qui ont été volées et discréditées par ces logiques » (James & Tynes, 2022)

Ndlovu-Gatsheni définit la décolonialité comme « un mouvement épistémologique et politique et un langage libérateur nécessaire du futur pour l’Afrique » qui est « né de la prise de conscience que le monde moderne est un ordre mondial asymétrique qui est soutenu non seulement par matrices coloniales de pouvoir, mais aussi par des pédagogies et des épistémologies d’équilibre qui continuent de produire des Africains aliénés socialisés dans la haine de l’Afrique qui les a produits et dans l’appréciation de l’Europe et de l’Amérique qui les rejettent » (2015, pp. 485, 489).

La décolonialité (différente de la décolonisation) est une pratique et un processus consistant à perturber constamment les héritages d’iniquités et de déshumanisation qui maintiennent la hiérarchie mondiale du pouvoir.

La pensée coloniale démasque les histoires de violence qui sous-tendent le statut autoproclamé de l’Europe en tant que seul producteur et fournisseur de la connaissance.

La décolonialité en général et l’antiracisme en particulier sont restés des préoccupations périphériques, généralement inexistantes, dans la plupart des disciplines de la psychologie (Holdstock, 2000 ; Ratele, 2019 ; S. O. Roberts et al., 2020), une grande partie de la structure institutionnelle de la psychologie étant intrinsèquement opposée à la décolonialité. L’histoire de la discipline indique que, dans l’ensemble, la psychologie s’est opposée à la lutte antiraciste (Howitt et Owusu-Bempah, 1994).

Décolonialité combative (absente ou légère) : La transdisciplinarité décoloniale et la décolonialité combative sont beaucoup plus exigeantes et nécessitent des niveaux accrus de co-participation avec les agents de la pensée décoloniale, du travail créatif et des stratégies politiques en dehors de l’université.(Nelson Maldonado Torres) Aujourd’hui, c’est dans le processus de lutte collective combative lui-même que la conscience peut être décolonisée, qu’une nouvelle subjectivité émerge et que la pensée/praxis/création combative et décoloniale se déploie. (Voir Blackhouse Kollective, basée à Soweto) 

« Nous avons été si occupés à lutter contre l’innocence et la bienveillance abusives et mortelles de la blancheur libérale hégémonique au sein de nos institutions que nous avons oublié que le cœur et les parties les plus vitales du cerveau du mouvement décolonial ne se trouvent pas dans les murs des universités, mais, dans leur écrasante majorité, dans les actions de collectifs décoloniaux combatifs […] nous devons former des combattants plutôt que des universitaires […] En bref, devenir désobéissant dans le milieu universitaire. Remettre en question la monodisciplinarité ou l’eurocentrisme, n’est pas suffisant pour éviter les pièges des espaces universitaires libéraux, de la colonialité du savoir. » – Nelson Maldonado Torres, sur la décolonialité combative.

À la distinction entre réoccidentalisation, désoccidentalisation et décolonialité (Mignolo 2011), il est donc important d’ajouter la différenciation entre non-combativité, pré-combativité et anti-combativité, d’une part, et entre décolonialité au sens large et décolonialité combative, de l’autre. Ces différenciations supplémentaires peuvent nous aider à mieux comprendre le caractère unique du travail théorique, créatif et stratégique qui émerge des activités des mouvements sociaux et des luttes collectives. (N. M. Torres)

Bien que le colonialisme fondé sur l’empire a en grande partie pris fin, la colonialité locale et mondiale perdurent, une colonialité reproduite par ces états-nations. La lutte contre la colonialité exige avant tout une attitude combative qui implique le passage d’une décolonialité légère (ou absente) à une décolonialité combative (Maldonado Torres)

Décolonisation: La décolonisation pourrait être comprise comme « enlever le colonial ». La décolonisation est fondamentalement anticoloniale. L’utilisation du terme « décolonisation » est, pour de nombreux-ses Blanc-hEs, une excuse pour éviter de s’attaquer à la cause profonde, à savoir la mentalité de la suprématie blanche, un terme utilisé à la place de l’expression « élimination de la suprématie blanche », qui est la principale cause de la colonisation.

La décolonisation elle-même fait référence à l’abolition de la domination coloniale sur les pays subordonnés, mais elle a pris un sens plus large en tant que « libération des esprits de l’idéologie coloniale », en particulier en s’attaquant à l’idée profondément ancrée selon laquelle être colonisé signifiait être inférieur. La décolonisation offre alors une puissante métaphore à celles et ceux qui souhaitent critiquer les positions de pouvoir et la culture dominante.

Décoloniser signifie reconnaître l’histoire, témoigner et, à partir de ce lieu d’inconfort incessant, tenter de tracer des voies futures pour éliminer les puissances coloniales et impériales sous toutes leurs formes (Manisha Anantharaman; dans Confronting climate coloniality).

Un processus à plusieurs volets de libération de la colonisation politique, économique et culturelle. Retirer les ancrages du colonialisme des processus physiques, écologiques et mentaux d’une nation et de son peuple. Dans « La décolonisation n’est pas une métaphore », Eve Tuck et K. Wayne Yang nous rappellent une chose simple : la décolonisation, c’est la restitution aux autochtones de leurs vies et de leurs terres. (#LandBack)

Un passé séparé du présent et qui exonère nos systèmes de toute responsabilité n’est pas une voie vers la décolonisation.

La justice des personnes handicapées se centre à la fois sur le passé, le présent et le futur, pas seulement sur le PRESENT/MAINTENANT. Considérer uniquement le PRESENT est un pure produit de la suprématie blanche, du capitalisme, du colonialisme et du validisme (Talila Lewis, 2021).

La décolonisation ne peut avoir lieu sans la participation de celles et ceux qui subissent le poids de la colonisation. Les personnes opprimées et dominées par des systèmes soutenus par le droit pénal, le capitalisme, l’hétéro-patriarcat, doivent pouvoir participer au processus de décolonisation. Il s’agit d’un démantèlement, d’une pratique critique de démolition des structures de domination et d’oppression soutenues par les lois pénales, les procédures et les institutions pénales. Elle comprend la privation des subalternes de moyens économiques et maintient les systèmes économiques de domination et les relations de pouvoir économique qui ont systématiquement appauvri les subalternes (Young, 2011). Cela entraîne également des préjudices liés à la méconnaissance, notamment en stigmatisant les subalternes et en les soumettant aux préjugés, au mépris et même à la violence (Fraser et Honneth, 2003 ; Fredman, 2016). La participation des subalternes au processus de décolonisation prend au sérieux leurs contributions épistémiques (Asadullah, 2021 ; Monchalin, 2016).

Silvia Rivera Cusicanqui met l’accent sur la praxis dans sa compréhension de la décolonisation : « Il ne peut y avoir de discours sur la décolonisation, ni de théorie de la décolonisation, sans une pratique décolonisatrice » (2012, p. 100).

Les spécialistes de la décolonisation soutiennent que la colonialité poursuit le projet colonial à un niveau cognitif, opérant fréquemment par l’oppression, l’extraction, l’appropriation et la destruction des épistémologies qui la remettent en question, établissant ainsi une hégémonie sur ce qui est ou n’est pas un savoir légitime (Sabelo J. Ndlovu-Gatsheni, 2021 ).

« Sans décolonisation il n’est pas possible d’imaginer un autre monde » – Sabelo Ndlovu-Gatsheni

Fanon parle de la décolonisation comme d’une remise en question de la situation coloniale.

Une partie du travail important de décolonisation consiste à placer les histoires et les connaissances autochtones au premier plan et accroître l’attention accordée aux modes de connaissance autochtones.

D’un point de vue scientifique et méthodologique, la décolonisation implique « la déconstruction et la reconstruction », c’est-à-dire « la destruction de ce qui a été mal écrit – par exemple, en remettant en question les distorsions des expériences de vie des gens, l’étiquetage négatif, la théorie du déficit, les modèles génétiquement déficients ou culturellement déficients qui pathologise l’Autre colonisé – et raconte les histoires du passé et envisage l’avenir » (voir Smith 1999 ; Chilisa 2012 : 17). Au centre de ce processus se trouvent « le rétablissement et la découverte » (Chilisa 2012 : 17).

La décolonisation signifie également parvenir à « l’autodétermination et à la justice sociale », c’est-à-dire rechercher « la légitimité des méthodologies ancrées dans les histoires, les expériences, les manières de percevoir les réalités et les systèmes de valeurs », d’une part, et, d’autre part, donner « une voix » « vers les personnes étudiées et passe d’une orientation fondée sur des déficiences » à « un renforcement des pratiques qui ont soutenu la vie des personnes étudiées » (Chilisa 2012 : 17-18 ; voir aussi Smith 1999). Le travail de Chilisa articulait ce qu’elle appelait « un paradigme de recherche autochtone postcoloniale » comme « un cadre de systèmes de croyances qui émanent des expériences vécues, des valeurs et de l’histoire de ceux qui sont rabaissés et marginalisés par les paradigmes de recherche euro-occidentaux » (Chilisa 2012 : 19). Pour Chilisa (2012 : 20) : « Une recherche autochtone postcoloniale s’appuie donc sur des ontologies relationnelles, des épistémologies relationnelles et une axiologie relationnelle. »

Sabelo Ndlovu Gatsheni écrit: « Cinq grands impératifs nous imposent de définir la décolonisation du XXIe siècle et d’étoffer ses principaux contours en tant que mouvement intellectuel, éthique, épistémique et politique nécessaire. La première est que le site clé et le point d’éclair des luttes décoloniales actuelles est l’université. Une université n’a jamais été un lieu de consensus. C’est toujours un lieu de désaccord sur la définition, la signification et les implications des concepts, des idées et des théories. Le deuxième impératif est que cette décolonisation du XXIe siècle est l’un des mouvements intellectuels les plus incompris et caricaturés, notamment par ceux qui bénéficient du statu quo actuel de la colonialité. La plupart de ses critiques ne montrent cependant aucun signe d’avoir lu la riche littérature sur la décolonialité et ses vastes archives décoloniales. Le troisième impératif est qu’il y a ceux, même parmi les universitaires, qui croient fermement que les luttes de décolonisation appartiennent au passé et qu’elles ont donné naissance à un monde postcolonial au XXe siècle et même à un monde post-racial au XXIe siècle. Comme l’explique David Theo Goldberg (2015), l’élection de Barack Obama comme premier président noir des États-Unis d’Amérique en novembre 2008 a été présentée comme le signe de la naissance d’un monde postcolonial et post-racial (voir aussi Tesler et Sears 2010). Même le célèbre spécialiste africain Ali A. Mazrui (cité dans Adem 2014) a été enchanté par l’élection d’Obama au point de déplacer ses recherches de l’Afrique vers l’islamophobie, qu’il a décrite comme une escalade par rapport à la négrophobie, qui, selon lui, était désescalade. À l’insu de ceux qui ont salué l’élection d’Obama comme un signal de la fin du racisme, il allait être remplacé par Donald Trump, un homme politique nationaliste d’extrême droite, raciste, patriarcal et xénophobe qui a prouvé sans aucun doute que nous sommes très loin d’un monde post-racial. Même avant qu’Obama ne quitte ses fonctions, il y a eu une multiplication des incidents d’assassinats de Noirs américains par la police, ce qui a provoqué la montée de mouvements tels que « Black Lives Matter » (Goldberg 2015). Le quatrième impératif est le véritable besoin de clarté sur les concepts, théories et idées issus du domaine de la décolonisation si nous voulons mettre en œuvre un changement décolonial véritable et durable. Le cinquième impératif est que les (ex)sites du colonialisme tels que l’Amérique latine, l’Asie, les Caraïbes, l’Afrique et la diaspora africaine continuent de générer et de produire des concepts décoloniaux alors qu’ils sont aux prises avec les conséquences à long terme de l’expérience coloniale.

Décoloniser l’Europe : Pour AfaLab, décoloniser l’Europe signifie sortir du déni de l’histoire et reconnaître que la majorité des pays d’Europe occidentale, leurs institutions, leurs systèmes socio-politiques et économiques, ont été construits sur la domination brutale et la violence envers les populations non blanches. Décoloniser l’Europe, c’est aussi reconnaître que la fin officielle de la colonisation n’a pas conduit à la fin de cette domination politique, économique et culturelle. Au contraire, cette violence historique et structurelle continue d’être perpétrée sous d’autres paradigmes, comme celui du développement. La décolonisation de l’Europe n’est donc possible que si l’on reconnaît le passé et les manières dont ce passé n’a pas disparu.
La journée du 9 mai (Decolonial Europe Day) permet des stratégies de décolonisation de l’Europe, pour Démystifier la décolonialité, une traduction de la brochure « Journée de l’Europe décoloniale » disponible ici.

« Connaître notre héritage colonial et avoir une représentation qui reflète la société européenne dans laquelle nous vivons avec toute sa diversité (ethnique, sexuelle, handicap), c’est décoloniser l’Europe. » – #DiasporaVote !

Décoloniser le handicap: La décolonisation du handicap nous demande de ne pas reproduire et d’utiliser uniquement les épistémologies occidentales comme seul mode d’analyse. L’engagement dans l’histoire du colonialisme et dans la manière dont il fonctionne à l’heure actuelle, dans la construction et la hiérarchisation de la différence en tant que précurseur de l’incarcération, est souvent négligé dans les études eurocentriques sur le handicap. Sans voix et méthodologie autochtones spécifiques, les données concernant la race, la victimisation et le handicap ont des répercussions sur les communautés autochtones, ce qui masque la poursuite des pratiques de colonisation occidentale. Les méthodologies autochtones offrent non seulement des voix autochtones dans leurs propres récits, mais aussi une avancée sur les hiérarchies binaires occidentales. Elles incluent des solutions aux discriminations inhérentes aux hiérarchies binaires occidentales en les remplaçant par des ontologies et des épistémologies qui permettent de soutenir des politiques de justice sociale.

L’eurocentrisme dans la littérature sur le handicap et l’incarcération se révèle à travers la propension occidentale constante et omniprésente à universaliser les subjectivités blanches via l’effacement de l’histoire des peuples racialisés et colonisés.

Jaffee et John (2018) soulignent que même si les études critiques sur le handicap s’appuient sur le modèle social du handicap, en mettant plus largement l’accent sur les structures sociales et économiques comme étant « invalidantes », il y a une omission du colonialisme de peuplement en tant que « structure fondamentale des États-nations ». Grech (2015) ajoute que les études critiques eurocentriques sur le handicap utilisent le terme « colonial » de manière métaphorique d’une manière « dissociée de ses lignées historiques et du pouvoir discursif et matériel qui en fait l’une des forces les plus importantes, destructrices et durables de l’histoire humaine ».

“La décolonisation du handicap nécessite à la fois une prise de conscience aiguë des processus coloniaux qui contribuent au handicap et les provoquent”. — David Hollinsworth, 2013.

Joseph (2015a) ajoute que cet eurocentrisme s’illustre également dans le recours à des catégorisations contemporaines de la différence qui ne s’interrogent pas sur la manière dont la différence a été historiquement construite, définie ou mesurée. L’effacement des histoires qui produisent des hiérarchies de supériorité, d’infériorité, de domination/subordination, d’humanisation/déshumanisation, de norme/l’Autre ne sert qu’à effacer les histoires et les expériences vécues des personnes racialisées/handicapées.

Le terme « handicap » est un terme imposé produit par des agences occidentales telles que les Nations Unies. De même, l’OMS (Organisation mondiale de la santé, 2002) a tenté d’établir une taxonomie du fonctionnement acceptée à l’échelle mondiale, connue sous le nom de Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (ICF-DH, International Classification of Functioning, Disability and Health), qui n’a pas inclus les expériences des peuples autochtones handicapés lors de son élaboration. La ICF-DH impose une étiquette et une classification occidentales aux peuples autochtones « même s’ils [les peuples autochtones] ne se décriraient jamais de cette manière » (Senior, 2000, p. 23). De même, Toni (2007) a constaté que les concepts, les termes et la portée de la CIF-DH sont culturellement irrespectueux et désobligeants envers les peuples autochtones d’Afrique du Sud, principalement parce que l’outil a été conçu à l’aide des définitions et conceptualisations du handicap du Nord global. En outre, le développement et les tests/pilotages de la CIF-DH ont reposé sur les pays membres de l’ONU, c’est-à-dire les gouvernements qui privilégient les désirs des empires occidentaux.

Gilroy et al. (2018) ont examiné les médias d’information coloniaux, soutenant le point de vue autochtone canadien ci-dessus selon lequel le concept de handicap a été imposé aux communautés autochtones pour criminaliser, institutionnaliser et opprimer les peuples autochtones, les forçant à dépendre des colonies de peuplement.

Voir la page traduction: Decolonizing Disability (Décoloniser le handicap)

Décoloniser les méthodologies: La « recherche » est probablement l’un des mots les plus sales du vocabulaire du monde autochtone. (p.1)

Cette ligne, tirée de l’introduction du livre Decolonizing Methodologies de Linda Tuhiwai Smith, met en scène une critique extensive des paradigmes occidentaux de la recherche et de la connaissance à partir de la position d’une femme maorie autochtone et « colonisée ». Le livre de Tuhiwai Smith remet en question les modes occidentaux traditionnels de connaissance et de recherche et appelle à la « décolonisation » des méthodologies, ainsi qu’à un nouvel agenda de la recherche autochtone. Selon Tuhiwai Smith, la « décolonisation » s’intéresse à « une compréhension plus critique des hypothèses, motivations et valeurs sous-jacentes qui éclairent les pratiques de recherche ». Un examen visant spécifiquement à déterminer si ce site est utile pour un chercheur non autochtone pourrait être interprété comme continuant à (re)créer un point de vue « ethnocentrique » occidental: tout travail des peuples autochtones ne peut être identifié comme « légitime » et « réel » que s’il s’inscrit dans un cadre occidental et a une valeur pour la culture dominante non autochtone.

Tuhiwai Smith déconstruit les hypothèses, les motivations et les valeurs qui informent les pratiques de recherche occidentales (les méthodologies, les théories et les styles d’écriture) en explorant les traditions des Lumières et des Positivistes dans lesquelles la recherche occidentale est considérée comme un processus scientifique, « objective ».

En vertu de ce paradigme occidental, les colonisateurs, les aventuriers et les voyageurs ont fait des recherches sur l' »Autre » à travers leur regard « objectif » et « neutre ».

« Lorsque l’on envisage un nouveau projet de recherche communautaire, il est important de se demander : « Que peut réellement faire la recherche pour améliorer cette situation ? » Les réponses pourraient révéler que… ce n’est pas la recherche qui fera la différence, mais plutôt ceux qui y participent, ceux qui posent les questions, la manière dont les données sont recueillies et ceux qui effectuent l’analyse » — Tuck 2009, 423

Repenser la pensée ne peut être réalisé sans décoloniser la méthodologie et la recherche. Le travail de Linda Tuhiwai Smith et Bagele Chilisa nous emmène dans les profondeurs du domaine « sacré » de la recherche et de la méthodologie et ils fouillent la sale histoire coloniale ancrée dans les activités mêmes de recherche.

Bagele Chilisa a formulé une définition utile de la décolonisation du point de vue de la recherche :

La décolonisation est donc un processus de recherche visant à donner aux visions du monde de ceux qui ont souffert d’une longue histoire d’oppression et de marginalisation un espace pour communiquer à partir de leurs cadres de référence. Il s’agit d’un processus qui implique une « recherche rétrospective » pour remettre en question la manière dont les disciplines – psychologie, éducation, histoire, anthropologie, sociologie ou science – à travers une idéologie de l’Autre, ont décrit et théorisé l’Autre colonisé et ont refusé de laisser l’Autre colonisé nommer et connaître son cadre de référence. (Chilisa 2012 : 14)

Décoloniser la santé mondiale: Ces dernières années, on a assisté à un mouvement croissant et très médiatisé en faveur de la « santé mentale mondiale ». Le terrain émergent des Mad Studies a permis que les voix de l’expérience soient entendues et écoutées. Si les pays coloniaux ont psychiatrisé leurs colonies depuis deux siècles, cela s’est principalement traduit par une réplication des institutions. Celles-ci ont généralement été formulées en termes médicalisés et individualistes, considérant principalement le problème ou la pathologie chez l’individu, sa famille ou, moins souvent, la communauté au sens large. China Mills a proposé une critique définitive du « mouvement occidental pour la santé mentale mondiale » beaucoup plus large qui a suivi, soulignant la nécessité de sa décolonisation.

Les professionnels de toute l’Amérique du Nord s’emploient à décoloniser la santé mentale en s’efforçant de guérir collectivement les blessures de la colonisation et des traumatismes fondés sur l’oppression, guidés par le travail autochtone anticolonial. Un système qui ne fonctionne pas pour tout le monde. Pour les Khic, un système de santé mentale décolonisé serait un système qui permettrait aux communautés de décider de ce qui est considéré comme la souffrance, plutôt que de faire en sorte que le système décide pour elles.

Déficience: La déficience, à son niveau le plus élémentaire, est un concept purement objectif qui n’a aucune signification intrinsèque. Une déficience signifie simplement que certains aspects du corps d’une personne ne fonctionnent pas, ou fonctionnent avec difficulté. Souvent, cela va plus loin et laisse entendre que le corps d’une personne, et finalement la personne, est inférieur. Cependant, le premier est un fait ; la seconde est une interprétation (Crow, 1996:60).

Déjudiciarisation : Linda Steele dans Disability, criminal justice and law montre que la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ne peut pas répondre à la complexité de la déjudiciarisation des tribunaux, ce qui donne à penser que la CNUDPH est d’une utilisation limitée pour contester le contrôle des carrières et la violence juridique et coloniale des colons. À un niveau plus large, la déjudiciarisation des tribunaux contribue au phénomène de longue date de l’intervention coercitive spécifique au handicap, légitime l’incarcération des prisons et renforce les limites des concepts juridiques fondamentaux au cœur de la juridiction, de la personnalité juridique et de la souveraineté.

Son travail contribue à l’analyse critique des soi-disant alternatives à l’incarcération. Son analyse de la déjudiciarisation judiciaire souligne que souvent, ce que nous considérons comme des alternatives ou des réformes à l’injustice renforce en réalité le système (ce qu’elle appele le capacitisme/sanisme carcéral):

« le corps handicapé est l’espace de punition et il rend les espaces matériels et architecturaux punitifs. »

Par essence, la carcéralité ne concerne pas ce que fait ou a fait la personne désignée comme handicapée – mais ce qu’elle est (ou perçue/étiquetée comme étant), qui est une idée ancrée dans les logiques eugénistes.

Désinstitutionnalisation : Liat Ben-Moshe suggère qu’il est essentiel d’interroger la désinstitutionnalisation en tant que mouvement social, état d’esprit, logique pour contrer les logiques carcérales. La désinstitutionnalisation n’est pas simplement quelque chose qui s’est « produit »(U$A), mais qu’elle constitue un appel à un changement idéologique dans la façon dont nous réagissons aux différences entre nous. L’efficacité de la désinstitutionnalisation en tant que mouvement réside dans la garantie d’une vie communautaire, avec tous les soutiens nécessaires, et pas seulement dans la fermeture de l’institution, qui n’est qu’une première étape.

La désinstitutionnalisation est abolitionniste et s’inscrit parfaitement dans un cadre de justice des personnes handicapées. La désinstitutionnalisation n’est pas seulement un événement qui s’est produit dans le passé, c’est aussi une orientation théorique qui considère les personnes handicapées comme des êtres humains à part entière qui méritent l’autonomie (Katie Tastrom).

La résistance à l’institutionnalisation et aux hôpitaux psychiatriques découle d’une critique sociale plus large de la médicalisation et de l’autorité médicale (Conrad et Scneider 1992 ; Conrad 2007 ; Zola 1991) et d’une nouvelle compréhension de la valeur humaine, en particulier en ce qui concerne les personnes handicapées, comme le montre l’étude les principes de normalisation (Wolfensberger 1972, 1974), le mouvement anti-psychiatrie et des ex-patients (Szasz 1974 ; Chamberlin 1978) et le mouvement People First (Williams et Shoultz 1982).

Voir Institution.

Désobéisance épistémique : La résignation décoloniale est apparentée mais différente de ce que Walter Mignolo, à la suite d’Anibal Quijano, a évoqué et développé comme la dissociation et la désobéissance épistémique (Mignolo 2007a, 2007b). La dissociation et la désobéissance épistémique sont sans aucun doute des activités importantes dans le processus de décolonisation, mais elles pourraient rester de nature non combative. Autrement dit, la dissociation aide à expliquer la transition de l’étape d’assimilation à l’étape de « décolonialité » non combative ou pré-combative, mais elle n’implique pas nécessairement l’étape combative. Car la dissociation n’implique pas nécessairement la combativité comme l’envisageait Fanon, et il existe une myriade de façons de désobéir à l’épistémè dominante, pas toutes décoloniales ou combatives. Bien que Mignolo soit clair sur le fait que la dissociation et la désobéissance épistémique ne sont que deux aspects de la décolonialité, il y a sans doute eu une tendance dans le monde universitaire à réduire le décolonial à des activités telles que la dissociation et la désobéissance épistémique, qui peuvent être utilisées pour préserver le rôle traditionnel de l’intellectuel et de la désobéissance épistémique. (N. M. Torres)

Voir Décolonialité combative.

Déterminisme: vision selon laquelle les individus et la culture sont le produit de forces particulières, telles que l’économie, la biologie ou la recherche d’un statut élevé.

Disability Justice: La justice des personnes handicapées est un cadre de justice sociale qui reconnaît les héritages croisés de la suprématie blanche, du capitalisme colonial, de toutes les formes d’oppression et de capacitisme/validisme pour comprendre comment le corps et l’esprit des gens sont qualifiés de « déviants », « improductifs », « jetables » et/ou « invalides ». Par conséquent, une approche de la justice des personnes handicapées se concentre sur les personnes les plus marginalisées et les plus discriminées.

La justice pour les personnes handicapées, l’intersectionnalité, l’inclusion radicale et l’abolition partagent l’idée commue que personne n’est jetable.

Sins Invalid, le collectif qui a décrit et théorisé les fondements de la Disability Justice, explique qu’à la base, le cadre des droits des personnes handicapées se concentre sur les personnes qui peuvent obtenir un statut, un pouvoir et un accès par le biais d’un cadre juridique ou fondé sur les droits, ce qui, nous le savons, n’est pas possible pour de nombreuses personnes handicapées, ni approprié à toutes les situations.

Alors que les droits des personnes handicapées visent à donner aux personnes handicapées une part du pouvoir de l’État en obtenant l’égalité avec les personnes non handicapées, la justice des personnes handicapées vise à démanteler l’État et son pouvoir. La justice des personnes handicapées rejette également l’idée que le corps handicapé (y compris l’esprit) est une version imparfaite d’un corps non handicapé normatif (Katie Tastrom).

L’orientation du travail communautaire des personnes handicapées est déplacée à travers les principes suivants : leadership des plus touchés, intersectionnalité, politique anticapitaliste, engagement en faveur d’une organisation inter-mouvements, reconnaissance de l’intégralité, durabilité, engagement en faveur de la solidarité entre personnes handicapées, interdépendance, accès collectif, et libération collective.

Un cadre analytique et un mouvement social de base orienté vers la praxis, la résistance politique et la libération collective développé par un groupe de leaders handicapés de couleur, gays, trans et non-genrés identifiés (Patty Berne, 2015). Les racines idéologiques de ce mouvement se trouvent à Berkeley, en Californie, au début des années 2000, dans l’accent féministe mis sur l’intersectionnalité (Kimberlé Crenshaw, 1989).11 Contrairement à l’accent mis sur le handicap en tant qu’identité centrale et dominante dans la lutte pour l’inaliénable droits des personnes handicapées, la justice des personnes handicapées implique une compréhension globale des processus d’oppression systématique et des liens intrinsèques entre le capitalisme, le racisme, le classisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, l’islamophobie, la fatphobie et le sentiment anti-immigrés et d’autres formes de violences matérielles, de discrimination et d’aliénation. La justice des personnes handicapées signifie donc une avancée sans précédent dans la lutte pour l’autogestion et l’autonomie des communautés handicapées qui dépasse le contexte historique et géographique des États-Unis et du monde dans son ensemble (Patty Berne, 2015 ; Sins Invalid, 2017).

L’aspiration de ce mouvement est de changer fondamentalement la façon dont nous réagissons à la différence ou au préjudice, et sur la façon dont la normalité est définie, la façon dont les ressources sont distribuées et accessibles, et la façon dont nous réagissons les uns aux autres.

Healing Justice bouleverse aussi la notion et les croyances sociétales selon lesquelles les corps incapables de produire et/ou de se reproduire pour l’élite riche sont remplaçables.

Disability Studies: L’étude sur le handicap est un domaine militant (Siebers, 2008) dans lequel il est impératif de s’attaquer aux injustices sociales. Afin de parvenir à la justice sociale et à l’inclusion, les corps et esprits handicapés, intégrant le handicap mental et le handicap physique, devraient être considérés comme faisant partie intégrante de la diversité culturelle, et les perceptions négatives et les pratiques injustes à l’égard des personnes handicapées devraient être combattues. Comme le dit Siebers (2008), « la question la plus urgente pour les études sur le handicap est la lutte politique des personnes handicapées, et la lutte exige une conception réaliste de l’organisme handicapé ». Selon Jaffee (2016), les spécialistes des Critical Disability Studies (Connell, 2011; Connor, 2008; Erevelles, 2011; Siebers, 2008) mettent en évidence les intersections du handicap, de l’étiquetage, de la race, du sexe et de la classe. Ils soulignent également les questions de pauvreté et de colonialisme pour les personnes handicapées dans des contextes mondiaux, ainsi que l’impact du néolibéralisme et du capitalisme, qui sont pertinents dans le cas de la Palestine.

Le mouvement en faveur des droits des personnes handicapées a été – et reste à ce jour – trop centré sur l’expérience des personnes handicapées blanches, contribuant ainsi à la marginalisation, voire à l’effacement, de l’expérience des personnes handicapées de couleur (Voir Disability Justice). Une approche intersectionnelle de la race et du handicap (par exemple) à pour objectif de lutter contre toutes les formes d’effacement.

Disablism/Ableism : Dan Goodley (2014) décrit le disablism comme des pratiques oppressantes de la société qui visent à exclure, à éradiquer et à neutraliser les individus, corps et esprits qui n’entrent pas dans le moule de performance capitaliste (2014 : xi). Paul Miller, Sophia Parker et Sarah Gillinson (2004) ciblent plus particulièrement les attitudes et définissent le disablism comme un « comportement discriminatoire, oppressif ou abusif, tirant ses origines de la croyance que les personnes handicapées sont inférieures aux autres » (2004 : 9). Malgré sa reconnaissance dans les études sur le handicap, le terme disablism est absent de tous les grands dictionnaires. Seul l’Oxford English Dictionary définit disablist comme un adjectif décrivant l’action de discriminer ou de porter préjudice contre les personnes handicapées.

Griffith (Aus), définit l’ableism comme un système de croyances, de processus et de pratiques qui produit un citoyen typique capable de travailler et de contribuer à la société d’une matière uniforme et standardisée. Gregor Wolbring (2008), prof. à l’Université de Calgary, explique l’ableism comme un système valorisant certaines capacités par rapport à d’autres. Campbell et Wolbring soutiennent que l’ableism est un idéal impossible à atteindre, et ce, même pour les personnes identifiées comme non handicapées. Il s’agit d’une fiction à laquelle les individus doivent constamment tenter de se conformer.

La plupart des militants des droits des personnes handicapées et des chercheurs en études sur le handicap préfèrent utiliser le terme « ableism/capacitisme », en rajoutant le -isme qui a une définition plus large et plus systémique.

DisCrit: Une contraction de Disability Studies et Critical Race Theory, un terme inventé par Subini Annamma et al. (2016) pour déterminer comment les conceptions de la normalité sont soutenues par l’interdépendance du racisme et du capacitisme. Selon Annamma, Connor et Ferri, « le racisme et le capacitisme sont des processus de normalisation qui sont interconnectés et collusoires, où « le capacitisme valide et renforce le capacitisme, et le capacitisme valide et renforce le racisme ».

Dr. Subini Annamma explique comment les idéologies racistes et capacitistes/validistes s’appuient les unes sur les autres pour produire la marginalisation, la déshumanisation et la criminalisation des enfants handicapés noirs et bruns.

Une vidéo où le Dr Subini Annamma explique comment le capacitisme et le racisme travaillent à criminaliser les enfants handicapés de couleur.

DisCrit exige que les chercheurs examinent comment, historiquement et légalement, la blancheur et les capacités ont été utilisées pour nier les droits de celles et ceux qui ont été construits comme racialisés et handicapés (Valencia, 1997).

Subini Annamma défend aussi l’idée que l’incarcération de masse est une question de justice des personnes handicapées et d’eugénisme. Annamma, Connor et Ferri notent en outre que « les notions de handicap/capacité évoluent continuellement au fil du temps en fonction du contexte social ».

DisCrit reconnaît également les impacts psychologiques du fait d’être « altéré » sur la base du handicap et cherche à amplifier les voix des personnes historiquement minoritaires (Annamma et al., 2013). DisCrit peut être utilisé pour comprendre le capacitisme dans l’éducation et son intersection avec le racisme éducatif (Annamma et al., 2016 ; Annamma et al., 2018). Par exemple, les élèves handicapés de couleur sont plus susceptibles d’être placés dans des écoles spéciales pour personnes handicapées que leurs camarades blancs, qui sont plus susceptibles d’être scolarisés dans un cadre ordinaire (Annamma et al., 2013).

La race et le handicap sont des catégories identitaires qui ont été co-construites en relation avec la « criminalité », pour la promotion du colonialisme (Fatemah Shamkhi)

Une description des 7 principes de Discrit sur DSQ.

Disepistemology : un terme inventé par Liat Ben-Moshe. La fermeture des institutions est insuffisante. Ce qu’il faut, c’est « un changement épistémique. . . briser la rationalité et la légitimité du confinement en tant que pratique » (Decarating Disability,  236). Elle suggére que la désépistémologie (l’idée d’abandonner des connaissances et des modes de connaissance spécifiques) est abolitionniste. L’abolition nécessite un changement dans la pensée, dans la connaissance, dans l’être, un changement qui « reconnaisse et remet également en question les logiques temporelles et charnelles qui sous-tendent la carcéralité du corps handicapé lui-même ».

L’abolition n’est pas seulement un mouvement politique mais aussi une épistémologie spécifique qui produit une position éthique. En tant qu’épistémologie produisant des formes spécifiques de savoir, l’abolition facilite d’autres modes de connaissance. Liat Ben-Moshe appelle cela la désépistémologie – ou l’humilité épistémique – c’est-à-dire l’abandon de l’attachement à certaines manières de connaître. La désépistémologie signifie abandonner l’idée selon laquelle chacun peut disposer d’un chemin définitif pour savoir comment se débarrasser des logiques carcérales. C’est cet attachement à l’idée de savoir et de besoin de tout savoir qui fait partie des économies de connaissances qui entretiennent les logiques carcérales. L’abolition consiste à abandonner les attachements aux formes de connaissance qui reposent sur la certitude.

Dissonance cognitive: Perplexité face à la perception de quelque chose qui s’écarte de ce qui était attendu, comme par exemple un astrophysicien noir qui remporte le prix Nobel, ou face à une incohérence entre ce que l’on sait et la façon dont on a agi.

Doctrine de la découverte (Doctrine of Discovery): Au Canada, États-Unis, Australie… où l’habitation humaine a commencé avec les peuples autochtones et s’est poursuivie, les migrations européens sont arrivées avec l’intention de revendiquer ces terres comme les leurs, en s’appuyant sur cette doctrine de la découverte (#DoctrineOfDiscovery #Papalbull #landback #CultureBack #WaterBack..) où les bulles papales accordaient aux chrétiens le droit de tout posséder, et considéraient toutes les autres cultures comme inférieures. Comprendre la doctrine de la découverte et son rôle dans le système racine de la colonisation est vital pour nous si nous ne voulons pas passer un avenir de plus en plus bref à pirater les multiples pousses de l’injustice. Pour commencer à mettre fin à ce système de colonisation et à s’éloigner d’une tradition culturelle et spirituelle d’assujettissement, nous devons renverser la doctrine de la découverte à ses racines. Publié par le pape Alexandre VI, cette doctrine accorde aux chrétiens européens le pouvoir de disposer des non-chrétiens d’Afrique, d’Asie, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et des Amériques de leur pays. Cette doctrine est devenue loi en 1823 par la Cour suprême dans l’affaire Johnson v. M’Intosh et n’a jamais été annulé.

Les origines de la doctrine de la découverte (hiddenhistory.org)

L’histoire de la doctrine de la découverte chrétienne est l’histoire de la domination chrétienne et de la déshumanisation. Les documents du Vatican publiés par divers papes au XVe siècle ont créé des modèles de domination mondiaux, conduisant finalement à la crise écologique actuelle.

Double conscience (Double consciousness) : Notion attribuée à W.E.B. Du Bois que les Noirs sont capables de voir les événements raciaux sous deux angles – celui du groupe majoritaire et le leur – en même temps.

Dualisme occidental : La construction du savoir occidental, y compris la hiérarchie binaire, continue d’avoir un impact négatif sur les communautés autochtones et leur compréhension de la différence. Les conceptions traditionnelles de la différence n’utilisaient pas de système binaire hiérarchique. Au lieu de cela, les différences étaient considérées comme naturelles et nécessaires et n’étaient pas en elles-mêmes intrinsèquement positives ou négatives (Gilroy; 2021) Les langues autochtones traditionnelles n’ont pas de mot exact traduisible pour parler de handicap ni de « termes de déficit » pour indiquer ce qui manque à une personne, et rejetent ce dualisme tenu pour acquis des études sur le handicap des colons, un dualisme déshumanisant qui créé des hiérarchies (Damian Griffis; directeur général du FPDN)  La logique occidentale ne permet pas que tous les termes ou positions aient la même valeur, n’arrive pas à dépasser ce cadre où l’unE doit être supérieurE et l’autre doit être inférieurE. Autrement dit, il doit y avoir unE gagnantE et unE perdantE. Les hiérarchies binaires compétitives et individualistes dévalorisent les capacités de chacunE tout en mettant l’accent sur les capacités qui lui manquent.

Les communautés valorisent leurs enfants pour ce qu’ils peuvent faire, et non pour ce qu’un enfant ne peut pas faire, une attitude qui s’étend à tous les êtres de la communauté, qu’ils soient humains ou non (Lovern, 2008 ; Uttjek, 2016).

Voir Capacitisme/validisme, Normalité.

[E]

Écoféminisme: Dans le Nord global, les féministes françaises ont été les premières à inventer le terme d’écoféminisme, reliant les questions d’oppression de genre au phénomène de domination des hommes sur la nature. Mais le terme décrit essentiellement « un nouveau nom pour une sagesse ancienne ». L’écoféminisme imite et recycle la sagesse africaine ancienne […] Les théories écoféministes s’inspirent beaucoup des ontologies et des épistémologies autochtones africaines, dont les principes fondamentaux recoupent ceux de la politique verte. (Sylvia Tamale; Decolonization & Afro-feminism) 

Entraide mutuelle (Mutual Aid): L’entraide est une coordination collective pour répondre aux besoins des uns et des autres, généralement à partir du constat que les systèmes en place ne peuvent pas y répondre. Les projets d’entraide répondent directement aux besoins de survie et sont basés sur une compréhension commune que les conditions dans lesquelles nous sommes obligés de vivre sont injustes. Dans ce contexte d’isolement social et de dépendance forcée à des systèmes hostiles, l’entraide – où nous choisissons de nous entraider, de partager des choses et de consacrer du temps et des ressources à prendre soin des plus vulnérables – est un acte radical (Dean Spade).

L’entraide est une pratique anticapitaliste historiquement Noire et Autochtone qui implique un engagement à long terme envers la communauté (De Loggans, 2020). Les organisateurs soulignent que l’entraide est une pratique de « Solidarité, pas de Charité ! » (Bêche, 2020, p. 21). Dans Mutual Aid: Building Solidarity during This Crisis (and the Next), Dean Spade définit l’entraide comme « une coordination collective pour répondre aux besoins des uns et des autres, généralement à partir d’une prise de conscience que les systèmes que nous avons mis en place ne vont pas y répondre ». Pour les Autochtones, l’interdépendance – comme l’inclusion radicale – sont des concepts fondamentaux de leur culture, c’est à dire les responsabilités des unEs envers les autres.

L’entraide est en contradiction directe avec un modèle – comme le NPIC, Non Profit Industrial Complex – dans lequel un professionnel privilégié contraint quelqu’un qui a moins de pouvoir à faire des choses qui n’aboutiront probablement pas à un réel changement. L’entraide comporte une composante ouvertement politique qui cherche à comprendre la cause profonde du problème, ce qui constitue une différence importante entre l’entraide et le travail social. Bien que le travail social reconnaisse l’existence de l’injustice, la profession est principalement fondée sur l’aide aux individus – et non sur la politique – pour changer. Les projets d’entraide visent à mobiliser les gens, à accroître la solidarité et à créer des mouvements. En d’autres termes, l’entraide vise à changer les systèmes qui ont été à l’origine du besoin (Katie Tastrom). L’entraide consiste à s’aider soi-même et à comprendre que nous avons ce dont nous avons besoin si nous pouvons nous organiser. 

Dean Spade (2020) décrit trois éléments clés des projets d’entraide.

-Premièrement, ils cherchent à aider les gens à survivre tout en développant « une compréhension commune des raisons pour lesquelles les gens n’ont pas ce dont ils ont besoin » (p. 9).

-Deuxièmement, ce sont des projets actifs de construction de mouvements qui « élargissent la solidarité » (p. 12).

-Troisièmement, ils engagent les gens dans la résolution collective des problèmes, « plutôt que d’attendre des sauveurs » (p. 16).

L’entraide mutuelle, c’est quand les gens se réunissent pour répondre aux besoins fondamentaux de survie de chacunE avec une compréhension commune que les systèmes sous lesquels nous vivons ne répondront pas à nos besoins et que nous pouvons le faire ensemble MAINTENANT ! Les projets d’entraide sont une forme de participation politique dans laquelle les gens assument la responsabilité de prendre soin les uns des autres et de changer les conditions politiques, non seulement par des actes symboliques ou en faisant pression sur leurs représentants au sein du gouvernement, mais en construisant de nouvelles relations sociales plus viables. La plupart des projets d’entraide reposent sur le volontariat, et les gens y participent parce qu’ils veulent changer ce qui se passe actuellement, sans attendre de convaincre les entreprises ou les politiciens de faire ce qu’il faut. Quelques concepts critiques s’y trouvent :

La « charité » est un cadre qui signifie souvent que les riches donnent un petit peu aux pauvres pour se donner une meilleure apparence aux yeux de Dieu ou des autres. Habituellement, de nombreuses conditions sont attachées à ce qu’ils donnent : par exemple, donner uniquement aux mères, uniquement aux enfants, uniquement aux personnes souveraines, uniquement aux personnes de foi et autres modèles de « pauvres méritants ». Cela signifie que la charité est souvent une stratégie pour contrôler les pauvres. La charité présente également les personnes dans le besoin comme moralement inférieures aux personnes riches – comme si la pauvreté était la faute des pauvres plutôt que la faute des systèmes de racisme, d’hétéropatriarcat, de capacitisme, de vol de terres et d’exploitation du travail qui rendent certaines personnes riches et maintiennent d’autres pauvres.

La charité ressemble à la générosité des riches, mais elle soutient en réalité les systèmes qui rendent la plupart des gens pauvres, au profit de quelques-uns. La charité est le cadre utilisé pour la plupart des prestations de services sociaux. La plupart des services sociaux accusent les pauvres d’être responsables de la pauvreté, partant de l’idée qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez les personnes dans le besoin : ils doivent devenir sobres, ils doivent se « préparer à un logement », ils doivent suivre des cours d’éducation parentale, ils doivent travailler. Plus fort. En réalité, la pauvreté est le résultat du capitalisme, et les personnes de couleur et les femmes sont les plus pauvres à cause du sexisme et du racisme. Les agences de services sociaux emploient généralement des personnes des classes moyennes et supérieures, souvent dotées de privilèges raciaux et éducatifs, et leur confient le rôle de juger, punir et contrôler les pauvres. Parfois, ils mettent le mot « autonomisation » dans leur nom ou leur énoncé de mission, mais la dynamique du pouvoir correspond généralement aux anciennes normes. (extrait de Big Door Brigade)

Environnementalisme intersectionnel : envisager un monde où les communautés et les voix les plus touchées par l’injustice environnementale ont le pouvoir, les ressources et les plates-formes pour mener leurs communautés vers la libération complète. (mouvement créé par Leah Thomas)

L’environnementalisme des riches se fiche des ‘premières lignes’: les subalternes.

Construire un mouvement environnemental intersectionnel signifie comprendre la crise climatique et les luttes environnementales en relation avec d’autres luttes sociales, contre le racisme, le capacitisme, le sexisme, le néolibéralisme et le néocolonialisme.

Épistémologie: Désigne une vision philosophique de la façon dont nous savons ce que nous savons. Comment, par exemple, apprenons-nous que les personnes « handicapées » sont « inférieures » aux personnes « non handicapées » ? Par quelles méthodes, quelles justifications et quelles validations ? L’épistémologie est l’étude de ce que sont la connaissance et la vérité. Une épistémologie définit ce qu’est la connaissance, qui peut revendiquer la connaissance et comment elle est évaluée à travers une vision du monde particulière.

La théorie sur comment nous savons ce que nous savons.

De manière générale, l’épistémologie s’intéresse à la nature, à la portée et aux sources de la connaissance.

Éssentialisme: Recherche de l’essence unique d’un groupe.

État racial et handicap : Il y a différentes trajectoires à explorer . Différents récits offrent des histoires sur la manière dont l’État racial et bureaucratique a interagi avec le handicap en tant que forme d’oppression sociale, et s’est recoupé avec d’autres formes de violence structurelle, telles que la race et la sexualité. 

En lien avec l’histoire coloniale du pouvoir d’État contemporain, Nirmala Erevelles soutient que l’esclavage racial dépendait de la production de « corps noirs handicapés » comme marchandises d’échange (Erevelles 2014 : 86). Cette « production de valeur » a soutenu le développement du capitalisme mondial.

Mitchell et Snyder étudient l’internationalisation de l’eugénisme et la manière dont ces logiques ont infiltré la gouvernance de l’État (Mitchell et Snyder 2003).

Deborah Stone, dans The Disabled State, explore la manière dont l’administration des systèmes de protection sociale a donné naissance à des catégories de handicap, qui à leur tour ont produit une conception sociale et politique de la déficience et du handicap (Stone, 1984).

Ben-Moshe et Steele ont exprimé leur prudence quant à la loi et à sa capacité à être utilisée par les mouvements de personnes handicapées comme agent de changement. L’État (et son omniprésence), comme l’observent Ben-Moshe et Steele dans leurs deux ouvrages, se présente souvent comme le remède, même si c’est la cause et la source des blessures.

L’imposition violente du pouvoir colonial s’est appuyée sur l’enfermement et l’élimination des personnes handicapées et des personnes racialisées dans le cadre de la création d’un État carcéral, des histoires largement occultée de l’oppression des personnes handicapées dans le contexte colonial, ainsi que ses interconnexions avec l’oppression raciale et leur continuité de nos jours, une acceptation enracinée dans le projet colonial et le besoin urgent de décentrer et de perturber les fondements paradigmatiques de la « prison de la colonialité » (Quijano, 2007, p. 178) dans lequel nous sommes tous capturéEs.

Ethnicité : caractéristique d’un groupe souvent basée sur l’origine nationale, l’ascendance, la langue ou d’autres caractéristiques culturelles.

Ethnocentrisme : L’ethnocentrisme se caractérise par ou est basé sur l’attitude selon laquelle son propre groupe est supérieur.

Eugénisme : Tentative d’améliorer la qualité de la race humaine, par des moyens tels que la stérilisation, la reproduction sélective ou l’extermination massive. L’eugénisme est une théorie inexacte liée aux formes historiques et actuelles de discrimination, de racisme, de capacitisme et de colonialisme. Elle a persisté dans les politiques et les croyances du monde entier.

L’eugénisme continue de façonner nos vies. Qu’il s’agisse de stérilisation basée sur l’origine ethnique, le sexe ou le casier judiciaire, de restrictions en matière d’immigration et de diverses méthodes permettant de procéder à des tests génétiques prénatals pour les handicaps. Un engagement continu dans l’histoire de l’eugénisme est essentiel pour nos efforts collectifs visant à faire face aux formes passées et actuelles de racisme et de colonialité en Europe.

L’eugénisme était une exportation britannique. Il a été publié pour la première fois dans le Macmillan’s Magazine en 1865. Il a été influencé par les différentes préoccupations des nations dans lesquelles il trouve son expression. En Grande-Bretagne, il s’agissait d’un discours biologique sur la fraternité de classe, face aux préoccupations impériales concernant la dégénérescence et au racisme engendré par le colonialisme. En 2017, au Royaume-Uni, un plafond pour deux enfants a été introduit. En Allemagne, l’eugénisme s’est d’abord intéressé plus directement aux notions de pureté raciale. Avec une réaction violente en faveur des droits des homosexuels dans plusieurs pays du monde, nous pourrions nous rappeler que l’un des objectifs déclarés du Troisième Reich était d’éradiquer l’homosexualité.

L’eugénisme est un outil social qui fournit « … des mécanismes de régulation afin de qualifier, mesurer, évaluer et hiérarchiser » (Jones 1995, p. 164) les personnes perçues comme étant en dehors des frontières des paysages normatifs. L’eugénisme consiste à éradiquer la différence. L’eugénisme, le racisme scientifique, le capacitisme et les politiques de contrôle de la population créées et promues par la profession médicale et les institutions de santé publique ont produit une culture dans laquelle les femmes noires, queer, trans, intersexuées, de genre non conforme, les personnes handicapées, les jeunes et les personnes âgées ont systématiquement été pathologisés, excluEs, invisibiliséEs et abandonnéEs. Utilisé pour la première fois en 1883 par Sir Francis Galton, il repose sur l’idée de supériorité et d’infériorité génétiques, créant une hiérarchie entre ceux qui sont considérés comme « désirables et aptes » et ceux qui sont considérés comme « indésirables et inaptes ». Il est utilisé pour créer un système de tri et de catégorisation afin d’exterminer le matériel génétique des communautés marginalisées, notamment les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur, les immigrants, les personnes handicapées et les personnes incarcérées afin d’améliorer génétiquement la race humaine.

O’Brien et ses collègues soutiennent que l’eugénisme historique reste pertinent pour toutes les politiques et tous les programmes sociaux qui ont pour effet de limiter la « capacité de réciprocité » (2009, p. 153).

L’ Anti-Eugenics Project, par exemple, vise à excaver et à examiner les effets durables de l’eugénisme dans le démantèlement des politiques d’exclusion – cette idéologie eugéniste fondatrice qui prétend que certains humains sont « dignes » et d’autres « inaptes » – continue de frapper notre société dans les formes de racisme, de classisme, de misogynie, de capacitisme, d’homophobie, de transphobie, de xénophobie et d’autres formes de tyrannie sociale. Ce projet envisage un avenir libéré des principes fondateurs insidieux du mouvement eugéniste, qui s’est posé à travers la pseudo-science que certains êtres humains – en grande partie blancs, valides, hétérosexuels – étaient « dignes » tandis que d’autres étaient « inadaptés » et pesaient encore sur la société moderne.

La logique eugéniste établit des critères pour déterminer quels corps sont consommables et lesquels doivent être protégés, quels sont les corps qui peuvent bénéficier de soins et quels sont ceux qui ne peuvent pas en bénéficier, qui sont vilipendés en raison de leur douleur ou de leurs vulnérabilités et qui peuvent être en sécurité. En tant qu’abolitionnistes, nous savons que notre travail doit être radical, ce qui signifie littéralement que noue devons nous concentrer sur les racines des problèmes. Dans l’ensemble, les récits autour de l’incarcération accordent peu d’attention au rôle de l’eugénisme. Pourtant, ces politiques ont façonné de manière critique notre système d’emprisonnement actuel. La longue traîne de l’eugénisme explique encore nos politiques d’incarcération du XXIe siècle.

Ces systèmes continuent de perpétuer l’idée de savoir qui est « dangereux » et « inutile » et qui ne l’est pas. Transformer ces injustices exige un travail en profondeur, cela implique de remettre en question les habitudes d’isolement, d’exclusion, de ciblage, d’objectivation, de surveillance, de propriété et de contrôle qui ont façonné le complexe médico-industriel depuis son apparition. C’est l’héritage eugénique de générations de soins inadéquats et le stress de la violence raciale qui permet aux Noirs de mourir en plus grand nombre que dans toute autre communauté.

L’eugénisme consiste à éradiquer la différence. Il n’existe pas de corps « normal », il existe seulement des corps qui changent en fonction des expériences et du temps. Chacun d’entre nous a été façonné et continue d’être façonné par les idéologies eugénistes.

L’anti-eugénisme est un terme intersectionnel désignant l’antiracisme, l’anti-capacitisme, l’anti-sexisme, l’anti-homophobie, la décolonisation, l’anti-âgisme et l’anti-capitalisme.

Dans le contexte de l’Amérique du Nord, l’eugénisme caractérise la triade Noir-Autochtone-colon, dans laquelle l’indigénité est remplacée par la blancheur par le travail des corps noirs (Tuck & Yang, 2012).

Le processus de détention, d’éloignement et de punition n’est pas exclusif au système de justice pénale et les deux systèmes dépendent de logiques eugénistes similaires pour la préservation de la colonialité.

L’eugénisme perpétue les idées d’infériorité et d’altérité en encourageant ceux qui sont considérés comme supérieurs à avoir des enfants (eugénisme positif) et ceux qui sont considérés comme inférieurs à être stérilisés (eugénisme négatif) (Parsons, 2008 ; Washington, 2006 ; Kevles, 2009).

Eugénisme carcéral : L’eugénisme carcéral est un concept qui analyse la manière dont l’enfermement de l’État permet de contrôler la reproduction et les chances de vie de groupes de personnes jugées biologiquement indésirables. Le contrôle de la reproduction des individus et des groupes par le biais de la détention est légitimé au nom de la résolution de problèmes sociaux, économiques et politiques plus vastes qui sont au moins partiellement imputés à l’hérédité biologique.

Eurocentrisme : tendance à interpréter le monde en termes de valeurs et de perspectives européennes et à croire qu’elles sont supérieures. Le terme colonial signifie généralement eurocentrisme. Les valeurs eurocentriques centrent la blancheur. La blancheur est l’appartenance à des systèmes qui priorisent les perspectives d’Europe occidentale (Sammel, 2009; Delgado et Stefancic, 2001). La blancheur et l’eurocentrisme sont liés parce que l’ascendance européenne, les idéaux, les coutumes et les normes façonnent ce que signifie être blanc et qui devient blanc (Harris, 1993; Sammel, 2009). Centrer la blancheur (ou les idéologies liées à la blancheur) positionne tout et tout le monde en dehors de la blancheur comme «l’autre» (Kincheloe et Tobin, 2009; Sammel, 2009). 

[F]

Féminisme: Le féminisme est la théorie et la pratique politiques qui luttent pour libérer toutes les femmes : les femmes de couleur, les femmes de la classe ouvrière, les femmes pauvres, les femmes handicapées, les lesbiennes, les femmes âgées, ainsi que les femmes hétérosexuelles blanches et économiquement privilégiées. Rien de moins que cette vision de liberté totale n’est pas du féminisme, mais simplement une auto-glorification féminine. —Barbara Smith ([1980] 2014, p. 134)

Féminisme abolitionniste : Le féminisme abolitionniste était autrefois appelé « féminisme anti-carcéral », un terme qui souligne sa relation avec ce qu’il n’est pas : le féminisme carcéral, un courant du féminisme blanc, libéral-bourgeois, qui a émergé du mouvement dominant de libération des femmes et s’est développé à la fin du XXe et au début du XXIe siècle.

Le féminisme carcéral se tourne vers l’État pour juger et traiter les violences sexistes en punissant les auteurs individuels de violences conjugales, de maltraitance d’enfants, de harcèlement et de violences sexuelles, de crimes haineux… mais il ignore les injustices systémiques/structurelles qui contribuent à ces formes et cycles de violence. Le féminisme carcéral ne voit que les arbres et les préjudices interpersonnels, tout en ignorant la violence et le racisme d’État, ainsi que d’autres formes d’injustice – ou, au mieux, en promettant des réformes futures.

Le féminisme abolitionniste, au contraire, adopte une approche intersectionnelle et structurelle pour analyser et démanteler les systèmes d’oppression. Le mouvement est né des expériences vécues par des femmes radicales de couleur, de leurs recherches et, à travers leur activisme, de la fertilisation croisée de plus d’un siècle et demi de mouvements pour la justice.

Les partisans du féminisme abolitionniste comprennent que le système pénal de l’État fonctionne comme il a été conçu : pour maintenir un ordre raciste, patriarcal et capitaliste de contrôle social par la violence. Ces féministes cherchent à abolir le complexe policier et carcéral industriel (PPIC), un ensemble « d’intérêts communs du gouvernement et de l’industrie qui utilisent la surveillance, le maintien de l’ordre et l’emprisonnement comme solutions aux problèmes économiques, sociaux et politiques » comme la pauvreté, le sans-abrisme, la toxicomanie et la maladie mentale, pour n’en citer que quelques-uns.

Le féminisme abolitionniste soutient plutôt que la violence interpersonnelle et structurelle doit être abordée ensemble en combinant l’analyse critique avec la pratique de transformation sociale, plutôt que la punition pour le contrôle social.

Un féminisme suprématiste blanc, essentiel au genre, ne se contente pas de perdre les détails de ce qui est important pour la vie des autres femmes – il les met en danger.

Féminisme blanc libéral: Le féminisme blanc est étroitement lié à la fragilité blanche (ou plutôt blancheur militarisée) et à la structure de l’innocence, où une personne peut ressentir un sentiment d’inconfort ou une attitude défensive lorsqu’elle est confrontée à des problèmes liés au racisme/capacitisme. Lorsqu’elles voient le monde à travers le prisme du féminisme blanc, de nombreuses femmes ne sont peut-être même pas conscientes du fait que le féminisme auquel elles ont adhéré exclut tant d’autres. Cependant, pour vraiment comprendre comment et pourquoi le féminisme blanc est néfaste, il est nécessaire de le décomposer jusqu’à ses origines et de comprendre exactement comment il exclut des communautés entières de femmes.

la stratégie du féminisme blanc réside dans ses racines dans la suprématie blanche. Koa Beck, auteur de White Feminism, explique comment la suprématie blanche est l’un des principaux éléments du féminisme blanc, les deux se chevauchant dans la vision des expériences des femmes cis-blanches comme l’objectif principal du féminisme. « Le féminisme blanc agit pour homogénéiser le féminisme : pour affirmer le féminisme dominant comme le féminisme, ce qui n’est pas vrai ; c’est un acte de suprématie blanche », « cette dynamique signifie souvent que lorsque les besoins des femmes de couleur, des femmes transgenres, des femmes handicapées ou des femmes musulmanes entrent en conflit avec ceux de la suprématie blanche, leurs besoins seront ignorés ou soumis. » 

Les femmes noires, autochtones, décoloniales et radicales dénoncent depuis des décennies la complicité du féminisme blanc libéral avec la suprématie blanche, l’eurocentrisme, le racisme et la colonialité, qui croit que l’égalité signifie une participation égale à la domination et à l’exploitation.

Féminisme carcéral (carceral feminism) : expression inventée par Elisabeth Bernstein (2007). Le féminisme carcéral est la conviction que l’État et en particulier le système de justice pénale peuvent atténuer la violence ou les abus contre les femmes. Cependant, de telles demandes aboutissent à des mesures punitives qui nuisent souvent aux femmes et aux communautés de couleur.

Ben-Moshe, par exemple, attire l’attention sur la manière dont certaines revendications féministes en faveur du maintien de l’ordre et de la criminalisation en réponse à la violence ont conduit à « la construction d’une nation carcérale » (Ben-Moshe 2020, 3.5 ; voir aussi Richie 2012, 3). Ainsi, l’approche abolitionniste préconisée par Ben-Moshe appelle à une « lentille enracinée dans la tradition radicale noire qui critique l’État comme étant violent et non comme l’arène où chercher à remédier à l’injustice » (Ben-Moshe 2020, 3.6).

Féminisme intersectionnel : Le « féministe intersectionnelle » fait référence aux personnes déterminées à mettre fin à l’oppression et qui reconnaissent l’interdépendance des diverses formes de discrimination et de violence.

La définition classique du féminisme donnée par bell hooks (2000) :

une lutte pour mettre fin à l’oppression sexiste. Il s’agit donc nécessairement d’une lutte pour éradiquer l’idéologie de domination qui imprègne la culture occidentale à différents niveaux, ainsi que d’un engagement à réorganiser la société afin que le développement personnel des peuples puisse prendre le pas sur l’impérialisme, l’expansion économique et les désirs matériels. p.26)

Feminist Disability Studies (Études féministes sur le handicap) : une approche des études sur le handicap qui remet en question les hypothèses dominantes sur le handicap et les capacités par le biais de critiques politiques, culturelles et sociales du pouvoir. FDS remet en question les significations attachées aux corps et aux esprits handicapés et situe ces significations dans des systèmes sociaux plus larges de pouvoir et d’oppression. Pour plus d’informations sur FDS, voir les travaux de : Susan Wendell, Rosemarie Garland Thompson et Kim Q. Hall.

Nous avons besoin d’une théorie féministe du handicap, à la fois parce que 16 % des femmes sont handicapées et parce que l’oppression des personnes handicapées est étroitement liée à l’oppression culturelle du corps. Le handicap n’est pas une donnée biologique ; comme le genre, il est socialement construit à partir de la réalité biologique. Notre culture idéalise le corps et exige que nous le contrôlions. Ainsi, même si la plupart des gens seront handicapés à un moment de leur vie, les handicapés deviennent « les autres », qui symbolisent l’échec du contrôle et la menace de douleur, de limitation, de dépendance et de mort. Si les personnes handicapées et leurs savoirs étaient pleinement intégrés dans la société, le rapport de chacun à son corps réel serait libéré. (Susan Wendell)

Fou/Folle (Mad): Dans les sociétés occidentales, au cours des cent dernières années, le terme « fou » a souvent été appliqué aux personnes qui ne correspondent pas aux normes « normales » d’apparence et de comportement. Dans d’autres contextes historiques et culturels, la « folie » a été évaluée positivement en tant que phénomène sacré, artistique ou religieux. Sur la base de diagnostics psychiatriques, de nombreuses personnes ont été incarcérées et soumises à des médicaments forcés, à des thérapies électroconvulsives ou, historiquement, à une lobotomie. Le revers de la médaille de ces interventions coercitives a souvent été l’abandon de l’État lorsque les personnes souffrant de crises de santé mentale ne sont pas écoutées et se voient refuser du soutien et des soins de santé. L’intégration actuelle des services de police et de santé mentale, qui s’intensifie dans le cadre de l’austérité néolibérale, implique souvent ces deux formes de préjudice. Un aperçu de ce mouvement est que la « folie » et la « raison » sont des catégories politiques. Être reconnu comme « sain d’esprit » et « raisonnable » est souvent le produit du pouvoir et des privilèges sociaux. Par exemple, la non-conformité aux normes dominantes en matière de genre et de sexualité a souvent été pathologisée (c’est-à-dire traitée comme un problème médical individuel) comme de la « folie ». Les femmes ont été diagnostiquées comme « hystériques » parce qu’elles voulaient écrire des livres ou ne manifestaient pas les « instincts maternels » attendus. Les étiquettes psychiatriques peuvent également être racialisées, la schizophrénie étant une étiquette appliquée de manière disproportionnée aux Noirs, souvent pour avoir résisté aux normes et aux institutions de la suprématie blanche. Parallèlement, de nombreux problèmes de santé mentale graves sont le produit d’un ordre social violent et oppressif dans lequel les traumatismes, l’anxiété, la dépression et l’aliénation constituent des problèmes systémiques.

La « folie » et la « santé mentale » sont des catégories politiques. Être reconnu comme « sain d’esprit » et « raisonnable » est souvent le produit du pouvoir social et des privilèges. Par exemple, la non-conformité aux normes dominantes de genre et de sexualité a souvent été pathologisée (c’est-à-dire traitée comme un problème médical individuel) comme de la « folie ». Des femmes ont été diagnostiquées comme « hystériques » parce qu’elles voulaient écrire des livres ou parce qu’elles ne manifestaient pas les « instincts maternels » attendus. Les étiquettes psychiatriques peuvent également être racialisées, la schizophrénie étant une étiquette qui a été appliquée de manière disproportionnée aux personnes noires, souvent pour avoir résisté aux normes et aux institutions de la suprématie blanche, comme le montre Jonathan Metzl dans The Protest Psychosis: How Schizophrenia Became a Black Disease.

En même temps, de nombreux problèmes de santé mentale graves sont le produit d’un ordre social violent et oppressif dans lequel les traumatismes, l’anxiété, la dépression et l’aliénation sont des problèmes systémiques.

Dans les sociétés occidentales au cours des derniers siècles, le terme « fou » a souvent été appliqué aux personnes qui ne correspondent pas aux « normes » d’apparence et de comportement. Dans certains autres contextes historiques et culturels, la « folie » a été évaluée positivement comme un phénomène sacré, artistique ou religieux.

Sur la base de diagnostics psychiatriques, de nombreuses personnes ont été soumises à l’incarcération et à l’administration forcée de médicaments, à l’électroconvulsivothérapie ou, historiquement, à la lobotomie. Le revers de ces interventions coercitives a souvent été l’abandon de l’État lorsque les personnes souffrant de crises de santé mentale ne sont pas écoutées et se voient refuser soutien et soins de santé. L’intégration actuelle des services de police et de santé mentale, qui s’intensifie sous l’austérité néolibérale, implique souvent ces deux formes de préjudice. Un aperçu de ce mouvement est que la « folie » et la « santé mentale » sont des catégories politiques. Être reconnu comme « sain d’esprit » et « raisonnable » est souvent le produit du pouvoir social et des privilèges. Par exemple, la non-conformité aux normes dominantes de genre et de sexualité a souvent été pathologisée (c’est-à-dire traitée comme un problème médical individuel) comme une « folie ». Des femmes ont été diagnostiquées comme « hystériques » parce qu’elles voulaient écrire des livres ou ne manifestaient pas les « instincts maternels » attendus. Les étiquettes psychiatriques peuvent également être racialisées, la schizophrénie étant une étiquette qui a été appliquée de manière disproportionnée aux personnes noires, souvent pour avoir résisté aux normes et institutions de la suprématie blanche.

En même temps, de nombreux problèmes de santé mentale graves sont le produit d’un ordre social violent et oppressif dans lequel les traumatismes, l’anxiété, la dépression et l’aliénation sont des problèmes systémiques.

[G]

Global Disability Studies: Les perspectives du GDS mettent en lumière les coûts de ces investissements, en particulier les multiples formes de handicap qui pèsent de manière disproportionnée sur les personnes dans les contextes mondiaux majoritaires.

Gaslighting social: Ayabulela Mhlahlo et Nelson Maldonado-Torres affirment que dans nos différentes expériences de crise coloniale, nous nous retrouvons à rejeter la pression de se conformer pour ne pas coopérer avec le processus de colonisation en cours, qui se poursuit. Pour donner un sens à ces injustices systémiques, à cette oppression et à cette souffrance, il est nécessaire d’explorer sérieusement le pouvoir d’oppression intériorisé sur la manipulation et le gaslighting normalisé qui imprègne les cultures colonisées du monde entier. Quand le système fonctionne pour certaines personnes et pas pour d’autres, cela s’appelle la colonisation. Les structures ne parviennent pas à lutter contre les injustices sociales et environnementales parce qu’elles sont intrinsèquement coloniales et majoritairement blanches. La colonialité est comme ce parasite qui affecte tout ce qu’il touche, créant des zombies fonctionnels qui soutiennent la perpétuation de cette maladie. Parfois sans en être conscient.

Le gaslighting (police de la parole, nier les expériences, les traumatismes, les handicaps… de quelqu’un) dans l’activisme, l’organisation communautaire et les mouvements de changement social, perpétuent ces schémas traumatisants d’abus, de relations abusives, d’effacement dans les espaces censés être engagés en faveur de la justice sociale.

 [H]

Handicap : Le concept de « handicap » est une création occidentale. Un terme ou un concept équivalent associé aux capacités humaines n’existe généralement pas dans plus de 250 langues des Premières Nations d’Australie (Avery, 2018).

La recherche confirme que les conceptions conventionnelles du handicap – en tant qu’obstacle à la capacité individuelle et à la participation à la société – ne trouvent pas écho auprès des peuples autochtones (Avery, 2018 ; Hollinsworth, 2013). Aucun terme ou concept équivalent correspondant au « handicap » n’a été trouvé dans les langues autochtones australiennes (Avery, 2018). Il existe plutôt des mots et des expressions dans les langues des Premières Nations australiennes qui décrivent des conditions spécifiques telles que la cécité, la surdité, les difficultés de mobilité et les maux de dos ; ces descripteurs ne sont pas utilisés de manière négative ou péjorative (Avery, 2018 : 5). Au lieu de cela, les membres des Premières Nations considèrent souvent les conditions comme banales et représentent simplement l’étendue normale de la diversité humaine, en particulier dans le cas des conditions physiques. L’application des modèles dominants de handicap aux membres des Premières Nations est donc culturellement lourde (Avery, 2018 ; Hollinsworth, 2013) et considérée par beaucoup comme insensible à la culture (Gilroy et al., 2016).

Le handicap est un désavantage ou restriction d’activité causé par une organisation sociale contemporaine qui ne prend pas ou peu en compte les personnes atteintes de handicaps et les exclut ainsi du courant dominant des activités sociales. (Olivier, 2009 : 42).

Lire « Le handicap comme concept colonial: le discours manquant de la culture dans les conceptualisations des enfants autochtones handicapé·es » de Nicole Ineese-Nash

Healing Justice (Justice de Guérison): Les piliers de la justice de guérison (HJ), enracinés dans l’abolition et l’anticapitalisme, sont la justice transformatrice, la justice des personnes handicapées, la justice reproductive, la justice environnementale et la réduction des méfaits.

Un cadre et une stratégie développés par des militantes féministes intersectionnelles qui cherchent à répondre aux besoins laissés de côté par les formes dominantes d’organisation politique en reliant explicitement la santé et le bien-être au changement politique et social. Le Kindred Southern Healing Justice Collective a défini le cadre en 2005-2006 « pour que les mouvements s’attaquent aux préjudices et aux traumatismes collectifs » et pour « construire des réponses dirigées par la communauté et les survivants, enracinées dans les traditions de résilience du Sud pour soutenir notre bien-être émotionnel/physique/spirituel/psychique et environnemental. La justice de guérison naît de l’expérience vécue par ceux qui opèrent dans les interstices du travail du mouvement. Cela commence par une compréhension de la santé comme étant liée à l’oppression, y compris aux traumatismes historiques, et à la communauté. De nombreux groupes travaillent avec ce cadre, et nombre d’entre eux, comme le Kindred Collective, sont dirigés par des féministes intersectionnelles, des personnes queer, des personnes handicapées et des survivants de la violence qui considèrent la santé du corps/esprit/esprit comme étant étroitement liée à la communauté et à l’environnement et qui refusent la praxis politique dominante qui relègue la santé et le bien-être aux marges, laissant derrière elles des personnes dont le corps et les besoins ne correspondent pas. Dans toutes ses manifestations, la justice curative centre la résistance à l’oppression et la résilience comme des pratiques collectives essentielles au bien-être.

Le mouvement et le terme « Healing Justice » ont été créés par des personnes queer et trans noires, autochtones et de couleur, à partir du travail du Kindred Southern Healing Justice Collective, pour définir un mouvement de guérisseurs noirs et bruns politisés qui revendiquent les méthodes traditionnelles de guérison et redéfinissent ce que la guérison et la santé pourraient signifier en termes de traitement des traumatismes intergénérationnels. « Healing Justice […] identifie comment nous pouvons répondre et intervenir de manière holistique sur les traumatismes et la violence générationnelle, et apporter des pratiques collectives qui peuvent avoir un impact et transformer les conséquences de l’oppression sur nos corps, nos cœurs et nos esprits. » – Cara Page, Healing Justice Lineages : Rêver au carrefour de la libération, de l’attention collective et de la sécurité

La justice de guérison est un cadre qui reconnaît l’impact des traumatismes et de la violence sur les individus et les communautés et qui nomme les processus collectifs qui peuvent aider à guérir et à transformer ces forces.

Le cadre de justice de guérison est une reconfiguration de la façon dont nous comprenons ce que signifie être dans une collectivité et être responsable des dommages structurels générationnels.

La justice de guérison nous demande de réfléchir sur comment pouvons-nous répondre à la violence et aux abus de l’État tout en transformant les conséquences traumatisantes de cette violence dans nos mouvements de libération ? (Cara page)

La justice de guérison est une manière de savoir et un cadre politique qui reconnaît le traumatisme international et vise à déconstruire la compréhension coloniale de ce que signifie guérir.

Dans un système et une société qui ciblent activement les corps noirs, bruns et autochtones, avec violence, oppression et terreur, il est essentiel de construire des mouvements qui luttent pour et obtiennent la justice pour tous. Cette justice comprend la guérison, le bien-être et non seulement la survie, mais aussi l’épanouissement. La résilience et la guérison sont stratégiques – nous avons besoin que tous les membres de nos mouvements aient accès à la guérison des traumatismes et de la violence, car cela nous renforce tous et tous nos mouvements. – Indigenous Climate Action

Voir, par exemple, Care Work: Dreaming Disability Justice (Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, 2018) et Healing Justice Lineages: Dreaming at the Crossroads of Liberation, Collective Care, and Safety (Cara Page et Erica Woodland, 2023). Comprendre les Mouvements et Cadres Politiques de la HJ.

Le travail en faveur du bien-être, aux niveaux individuel et communautaire, fait partie de la résistance contre l’oppression, l’exploitation et les préjugés qui nuisent à l’esprit, au corps et à l’esprit de celles et ceux qui se (re)trouvent à la marge de la dynamique du pouvoir oppressif.

Hétéronormativité (Hétéronormatif / hétérosexiste / hétéro-patriarcat) : L’hétéronormativité comme le handicap, la race, la classe, est une construction coloniale. Les identités de genre et les orientations sexuelles diverses ont existé dans de nombreuses cultures avant la colonisation. Le genre binaire que nous connaissons aujourd’hui (homme ou femme) vient du christianisme qui s’est propagé par la colonisation. Malheureusement, aujourd’hui, de nombreuses personnes LGBTQ+ souffrent de violences et de discriminations en raison de l’ampleur de l’hétéronormativité.

L’« hétéronormativité » décrit les attitudes sociales, les pratiques et les institutions qui établissent l’hétérosexualité comme norme et qualifient d’autres formes d’expérience et de désir sexuels de déviantes, immorales ou d’une certaine manière moindre, ou les effacent simplement de la vue. Un exemple d' »hypothèse hétéronormative » serait de demander à une adolescente « Avez-vous déjà un petit ami ? ».

Les termes « hétérosexiste » et « hétéro-patriarcat » traduisent les liens étroits entre hétéronormativité et oppression de genre. Les idéaux dominants de masculinité et de féminité sont étroitement liés à la pratique de l’hétérosexualité. La sévérité des sanctions sociales (et, à certaines époques et lieux, légales) en cas de non-conformité aux normes hétéronormatives ont conduit certains, comme l’écrivain féministe Adrienne Rich, à inventer le terme « hétérosexualité obligatoire ».

Hétéropatriarcat : Une construction et un concept colonial qui définit à la fois la masculinité et la féminité de manière étroite et limitative afin de maintenir une distinction binaire entre homme et femme: dominant et subordonné.

Cela part de l’affirmation selon laquelle la terre est intrinsèquement féminine et est donc considérée comme intrinsèquement servile/disponible pour être consommée et utilisée. L’hétépatriarcat sert à naturaliser toutes les autres hiérarchies sociales, comme la suprématie blanche et le colonialisme de peuplement. Lorsque les colons sont arrivés sur des terres autochtones, ils ont vu la nécessité de leur inculquer le patriarcat parce qu’ils se sont rendu compte que les peuples autochtones n’accepteraient pas la domination coloniale si leurs propres sociétés autochtones n’étaient pas structurées sur la base d’une hiérarchie sociale.

Hétérosexisme : Préférence pour les relations hétérosexuelles et opinion selon laquelle les relations homosexuelles ne sont pas naturelles.

Illustre les avantages systémiques dont bénéficient les hétérosexuels par le biais des normes et des privilèges que leur accorde la société (Blumenfeld, 2007 ; Pharr, 1998 ; Herek, 2004 ; T ; Smith, 2012), qui se manifeste dans les institutions et dans les manifestations de pouvoir issues des pratiques, des politiques et des normes culturelles qui considèrent l’hétérosexualité comme la seule expression naturelle.

[I]

Ignorance blanche : L’ignorance des Blancs crée une « amnésie collective »  qui est le fondement des systèmes éducatifs dans les sociétés à dominante blanche, mais aussi des musées, des monuments et des cérémonies nationales. C’est à travers ces institutions qu’un oubli collectif est mis en œuvre et qu’une mémoire se façonne sur les fondements de l’ignorance structurelle. Charles Mills mentionne la manière dont les innombrables génocides des peuples autochtones et colonisés ont été rayés de l’histoire officielle, tandis que d’autres – notamment celui des Juifs d’Europe pour des raisons d’expédition pour les Européens – ont été élevés à un statut hiérarchique. Récemment, de nombreux militants et universitaires ont commencé à travailler pour renverser cette amnésie collective. Les exemples incluent le projet The Killing Times publié par The Guardian documentant les massacres de peuples autochtones, basé sur les recherches de Lyndall Ryan. Le dernier numéro du magazine Funambulist édité par Zoé Samudzi, se penche sur les génocides coloniaux et les politiques de l’oubli.  (source: www.alanalentin.net #understandingRace)

La blancheur fonctionne comme un site qui est censé posséder des « connaissances absolues » sur ceux qui sont considérés comme « autres ». Cette « connaissance » sert de site de ce que Charles Mills a inventé comme épistémologie de l’ignorance. Selon ce concept, les Blancs sont délibérément ignorants. En d’autres termes, ils décident d’éviter les informations qui montrent que leurs croyances sont en fait fausses. C’est comme s’ils signaient collectivement un contrat social pour éviter la connaissance, en particulier lorsqu’il s’agit de questions liées à la race. Liat Ben-Moshe a fait valoir que les Blancs doivent pratiquer de plus grandes formes d’humilité épistémique et sont en fait désorientés par rapport à leur blancheur, où ils perdent leur chemin comme une condition pour une manière plus perspicacement résistante d’être dans le monde.

Imagination radicale : Gayatri Chakravorty Spivak a suggéré la nécessité d’une « critique persistante de ce que l’on ne peut pas ne pas vouloir » pour décrire l’approche remettant en question les formes institutionnelles de pouvoir et de discours qui nous entourent et qui dominent notre imagination (Danius, Jonsson et Spivak, 1993 : 20). Les études critiques sur le handicap sont confrontées à un dilemme similaire dans leur théorisation de l’État. Comment serait-il possible de désirer autre chose que ce que tout le monde dit que nous ne pouvons pas ne pas vouloir ? (Dinesh Wadiwel)

L’imagination est néanmoins une condition préalable à la libération.

Notre imagination est limitée par la supprématie blanche.

Impérialisme : Domination politique et économique d’une nation ou d’un groupe sur un autre. La construction d’un empire, c’est-à-dire la domination politique, économique et sociale d’un pays ou d’un peuple par un État étranger. Il est surtout associé aux empires européens qui ont régné sur de vastes étendues de la planète de la fin du XVe au XXe siècle par l’esclavage, le pillage des ressources et le génocide. Après la décolonisation au milieu du XXe siècle, de nombreux anciens empires se sont tournés vers le « néo-impérialisme » ou le « néocolonialisme », dominant leurs anciennes colonies culturellement et économiquement sans statut colonial formel.

Inclusion radicale: Dans sa pratique, la justice des personnes handicapées est radicalement inclusive. La justice des personnes handicapées bouleverse le cœur des paradigmes colonisateurs en remettant en question ce qui est considéré comme « normal », en ne voulant pas simplement rejoindre les rangs des colonisateurs, mais en cherchant plutôt à démanteler les rangs et les systèmes qui les maintiennent (Mingus, 2010). En mettant l’accent sur les points communs des groupes ciblés de manière intersectionnelle, une forme d’interdépendance radicale fondée sur les conceptions autochtones est ravivée de manière critique.

Une attention croissante est accordée à l’égalité, à la diversité, à l’inclusion et à la représentation. Des mesures qui sont souvent confondues à tort avec la décolonisation – sans réflexion critique, la représentation peut devenir toxique et symbolique, les gens pourraient être inclus dans des espaces qui ne sont pas sûrs pour eux, des espaces historiquement et à plusieurs reprises conçus pour les nuire et les exclure.

Les gens ne reçoivent des droits et de l’inclusion qu’en échange de la conformité, de la normalisation, de l’autosuffisance, de la réduction au silence de la dissidence et de l’effacement des différences. « La personne handicapée n’est intégrée que lorsque le handicap est effacé » (Stiker 2000 : 152). Et lorsque cet effacement n’est pas réalisé, l’intégration n’est souvent pas poursuivie du tout.

Les initiatives d’Équité, de Diversité et d’Inclusivité (DEI: Diversity, Equity, Inclusivity) en médecine sont généralement descendantes, sans affronter le colonialisme, l’impérialisme, le pouvoir et les racines historiques qui façonnent les inégalités dans les soins de santé modernes alors que les perspectives décoloniales sont ascendantes et placent la vie contemporaine dans le contexte de l’histoire et visent à redistribuer le pouvoir et les ressources pour élever et restaurer les connaissances marginalisées et les perspectives autochtones sur la santé et la guérison.

Une communauté diverse et inclusive qui centre les plus vulnérables aux dommages est essentielle pour envisager et adopter l’abolition. L’abolition peut aussi commencer avec nous car la transformation en nous-mêmes est essentielle.

« J’en ai assez que le handicap soit simplement « inclus » dans les agendas et les vies des personnes valides uniquement lorsque cela leur convient. Je veux que nous exploitions les pouvoirs transformateurs du handicap, au lieu de nous contenter d’accéder au système actuel, ou de la maison en feu comme le dirait la regrettée Grace Lee Boggs, et de ne rien faire pour changer ce système. Nous ne voulons pas simplement rejoindre les rangs des privilégiés, nous voulons remettre en question et démanteler ces rangs et nous demander pourquoi certaines personnes sont constamment au bas de l’échelle […] Je ne veux pas seulement un accès technique et logistique. Je ne veux pas seulement l’inclusion, je veux un accès libérateur et un accès à l’intimité. Je veux que nous puissions non seulement faire partie d’espaces, mais que nous puissions nous engager pleinement dans des espaces. Je ne veux pas seulement que nous ayons une place à la table de quelqu’un d’autre, je veux que nous puissions construire quelque chose de plus magnifique qu’une table, avec nos complices. Je veux que nous puissions être compris et que nous puissions participer ensemble à une lutte fondée sur des principes, que nous puissions être humains ensemble. Pas seulement apaisés ou écoutés poliment. » -Mia Mingus

Il est important de souligner la différence entre la diversité néolibérale et les politiques d’inclusion qui s’approprient le terme de décolonisation venu du Sud. Nous devons nous décentrer activement en Europe et veiller à ce que les efforts de décolonisation continuent de promouvoir des revendications qui entraînent un changement systémique global et pas seulement un siège à la table des colonisateurs pour les groupes minoritaires. Un système colonial inclusif reste un système colonial. » Les politiques de diversité et d’inclusion peuvent être utiles aux efforts mondiaux de décolonisation si elles deviennent un outil au service du droit à l’autodétermination des peuples opprimés à travers le monde. » – Extrait de la brochure « Decolonial Europe Day« .

Un point de vue inclusif du handicap parmi les peuples autochtones du monde entier reconnaît et valorise la diversité culturelle et linguistique. Les communautés non autochtones peuvent apprendre des populations autochtones des moyens de rompre avec les conceptualisations déficitaires du fonctionnement et des différences individuelles.

Les conceptions libérales de la diversité en psychologie peuvent même servir à fétichiser la différence et à mettre en place un inclusionnisme symbolique au détriment d’une prise en compte significative de la colonialité du pouvoir (voir Malherbe & Dlamini, 2020).

En fait, les conditions d’inclusion des personnes handicapées dans la société dominante nécessitent leur assimilation (par l’éducation spécialisée, la réadaptation et les technologies d’assistance), leur élimination (par la ségrégation, l’institutionnalisation, l’incarcération) ou leur annihilation complète (euthanasie, avortement des fœtus handicapés) (Campbell 2009 ; Siebers 2008 ; Snyder et Mitchell 2006).

Nous devons cependant aller au-delà de l’accès en soi. Nous ne pouvons pas permettre que la libération des personnes handicapées se résume à une question de logistique. Nous devons comprendre et pratiquer une accessibilité qui nous rapproche de la justice, et pas seulement de l’inclusion de la diversité […] L’accessibilité ne consiste pas seulement à permettre aux personnes handicapées d’entrer dans le système, elle concerne les changements qui se produisent lorsque des personnes handicapées sont impliquées. L’accessibilité n’est pas une charité, c’est un moyen de renforcer nos mouvements et d’être plus efficaces (Katie tastrom).

Indigénisation : La décolonisation ou l’indigénisation du dialogue sur la différence nécessite une reconnaissance des concepts autochtones impliquant l’interdépendance de l’esprit, de la communauté et de la réciprocité (Avery & First Peoples Disability Network, 2018 ; John Gilroy et al., 2018 ; Shakespeare, 2002, 2013).

Injustice épistémique: Une personne subit une injustice épistémique si elle n’est pas adéquatement crue ou comprise parce qu’elle appartient à un groupe social non-dominant (p. ex., femmes, minorités sexuelles, Autochtones, personnes racisées comme non-blanches, personnes handicapées ou neurominorisées). L’injustice épistémique mine l’agentivité épistémique, soit la participation à l’échange et à l’élaboration de connaissance.

Miranda Fricker définit « l’injustice épistémique » comme une forme d’injustice « faite à quelqu’un spécifiquement en sa qualité de connaisseur » (Fricker, 2007 : 1). Autrement dit, l’injustice épistémique dans la pratique diminue stratégiquement la capacité d’une personne à être un connaisseur et à être reconnue comme un connaisseur dans des espaces particuliers.

Injustice herméneutique: l’injustice herméneutique (ou injustice d’interprétation), désigne le fait pour un individu ou un groupe de ne pas pouvoir rendre compte de son expérience, en raison d’une lacune dans le langage commun ; cette lacune est elle-même produite par une marginalisation épistémique. L’injustice épistémique désigne la remise en question de la capacité d’un individu de se positionner comme producteur de savoir dans le discours. Les catégories de personnes dont la parole est discréditée sont par exemple les femmes et les membres de certains groupes ethniques et minorités. (Wikipédia) Beaucoup trop de personnes souffrent de l’absence de mots pour parler d’un phénomène qui a de nombreux impacts dans leur vie.

Innocence blanche : Dans son analyse de la société néerlandaise, Gloria Wekker a introduit le concept d’« innocence blanche » pour désigner un « être au monde » particulier qui repose sur le non-savoir et, plus précisément, sur le fait de na pas vouloir connaître la violence du colonialisme/colonialité et ses effets sur la vie quotidienne. « Cela est fortement lié aux privilèges, aux droits et à la violence qui sont profondément désavoués », affirme Wekker dans son analyse intersectionnelle des archives culturelles néerlandaises. Son étude décortique les forces qui composent une série de paradoxes dans l’auto-représentation des Néerlandais blancs, notamment le manque d’identification aux migrants, la revendication d’être une victime innocente de l’occupation allemande ou l’effacement complet de la présence impériale des Néerlandais dans le monde (Wekker 2016).

Institution : L’institution se trouve au cœur des politiques d’exclusion sociale, et le succès de ces sites repose à la fois sur des fonctions répressives et idéologiques : Elle est répressive dans la mesure où ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se conformer aux normes et à la discipline de la société capitaliste peuvent en être expulsés. Elle est idéologique dans la mesure où elle constitue un monument visible pour tous ceux qui se conforment actuellement mais ne peuvent pas continuer à le faire – si vous ne vous comportez pas bien, l’institution vous attend. (Oliver 1999, 165) (Dans Disability Incarcerated)

L’institutionnalisation des personnes handicapées était et est une forme d’injustice reproductive profondément ancrée dans la philosophie eugéniste. Malgré les inquiétudes eugénistes quant au coût de l’enfermement de l’ensemble de la classe déficiente, les concepts d’hérédité et les notions de danger attachées aux corps handicapés ont naturalisé la pratique de l’enfermement pendant des décennies, avec des conséquences qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. L’institutionnalisation faisait et fait partie du spectre des stratégies utilisées pour renforcer les idéologies validistes ancrées dans l’eugénisme qui considèrent la sexualité, la reproduction et la parentalité des personnes handicapées comme indésirables.

… une apparence normalisée, un espace qui fonctionne comme une institution. La normalisation, comme l’ont insisté les spécialistes des études sur le handicap, ne devrait jamais être l’objectif (McRuer 2006 ; Michalko 2009 ; Snyder et Mitchell 2006).

Voir Désinstitutionnalisation.

Interdépendance, réciprocité, relationalité: Les valeurs communes de vie communautaire et de solidarité de groupe, ancrées dans le concept philosophique d’ubuntu (Afrique), whānau (Aoatearoa, NZ)… par exemple, différencient également les peuples africains (et autochtones) des sociétés euro-américaines « modernes ». Les communautés autochtones ont tendance à se concentrer sur des ontologies holistiques et interdépendantes (Battiste, 2013), tandis que les constructions occidentales ont tendance à utiliser des binaires hiérarchiques tels que « bon/mauvais », « clair/obscur », « développé/en développement », « civilisé/sauvage » et « valide/non valide ». Cette association de termes (et d’êtres) établit des épistémologies impliquant un positionnement préférentiel. Le binaire impose une valorisation dans laquelle l’un des termes (êtres) est préféré, comme « bon », « clair », « développé », « civilisé » et « valide ». L’autre terme (être) prend alors la position inférieure ou négative comme le montrent les termes « mauvais », « en développement », « sauvage », « handicapé ».

L’articulation de l’interdépendance pour le mouvement pour la justice des personnes handicapées est une pratique politique centrée sur la différence qui s’oppose simultanément aux processus de normalisation et aux myriades de formes de carcéralité et de violence sanctionnées par l’État (Sins Invalid, 2019).

L’interdépendance reconnaît que notre survie est liée, que nous sommes interconnectés et que ce que vous faites a un impact sur les autres.

Un principe philosophique et pratique impliquant une approche intersubjective qui établit que les relations entre tous les êtres vivants, y compris celles entre les êtres humains et d’autres êtres sensibles, ainsi qu’entre les êtres humains eux-mêmes, sont tissées dans leur nature fondamentale.

S’appuyant sur les dix principes de la justice des personnes handicapées (Sins Invaid, 2015) et actualisant les concepts de solidarité, de coopération et d’entraide de Kropotkine (1902), des militants handicapés de couleur, gays, trans et non identifiés au genre, ont lancé des projets politico-pratiques quotidiens de la résistance collective et la libération se sont formées autour de l’interdépendance (Mia Mingus, 2010). La vision de ces militants se concentre donc sur la pratique consciente de cette philosophie comme antidote collectif à divers types de violence, tels que l’exploitation capitaliste, le conflit de classes, le patriarcat hétéronormatif, la discrimination sociale, l’agression interpersonnelle, l’incarcération de masse, le vol de terres autochtones, la guerre, l’intolérance religieuse et la destruction des ressources naturelles.

Nous devons mettre fin au racisme pour mettre fin au capacitisme, et nous devons mettre fin au capacitisme pour mettre fin au racisme. Ni l’un ni l’autre n’est possible sans l’autre. Nous sommes interconnectés. Les systèmes qui nous nuisent en sont conscients et profitent de notre ignorance volontaire et de notre manque de solidarité. (T Lewis)

La démocratie naturelle telle qu’on la retrouve dans les communautés autochtones est le produit de la dynamique communautaire qui découle de l’interdépendance et de la réciprocité de tous les êtres, humains, non humains et spirituels. Les individus sont alors définis en fonction de leur place au sein de leur communauté et de leur adhésion à leurs responsabilités en fonction de leurs capacités. Comme les différences existent chez tous les êtres et font partie de l’existence, les individus sont encouragés à trouver un équilibre avec elles. Trouver un équilibre n’est pas considéré comme une tâche nécessairement individuelle, mais implique souvent l’éthique de réciprocité de tous les êtres, humains, non humains et spirituels. Les populations autochtones signalent souvent que les différences, même graves, font partie de la réciprocité de l’enseignement et de l’apprentissage découlant de la compréhension de l’Esprit (Ward, 2021). L’orientation spirituelle autochtone est peut-être l’une des plus difficiles à comprendre pour les cultures occidentales, car l’élément principal de toutes choses est l’Esprit et devient ainsi l’orientation principale de l’existence pour tous les êtres, faisant de la sagesse plutôt que des connaissances académiques, la priorité. L’équilibre est donc un produit de l’esprit, tandis que le changement constant est une fonction principale impliquée dans l’existence autochtone. La sagesse qui naît de la différence est donc d’une grande valeur, car chaque membre de la communauté possède des qualités et des capacités uniques qui lui permettent de comprendre la réalité de manière plus complète et plus complète, tout en disposant de diverses façons de trouver des solutions et de relever les défis. Les communautés autochtones embrassent traditionnellement cette diversité de sagesse et l’exploitent pour permettre une richesse d’expériences vécues qui ne seraient pas autrement accessibles (Deloria, 2001, 2006).

Voir aussi Ubuntu

Internationalisme : « Pour être efficaces, les solidarités antiracistes doivent conjuguer un éventail de relations historiques aussi large que celui créé par le colonialisme lui-même. » (Patrick Wolfe, 2016)

Intersectionnalité (injustices, oppression, analyse, échecs): L’intersectionnalité est une pratique d’inclusion radicale qui centre les personnes marginalisées au sein des communautés opprimées (Garza, 2020 ; Ransby, 2018) et nécessite l’intégration de la guérison dans les mouvements de libération. L’intersectionnalité a été reconnue comme un outil analytique essentiel dans la recherche, aidant les universitaires, les gestionnaires, les éducateurs, les prestataires de soins de santé, les décideurs politiques et bien d’autres à comprendre la complexité des risques pour la santé et des réponses en matière de soins de santé ; de diversité et d’inclusion dans les écoles, les lieux de travail et les communautés ; et des inégalités dans tous les domaines des sciences sociales.

L’intersectionnalité est basée sur les concepts du féminisme noir et du féminisme féminin, tels que ceux avancés par le Combahee River Collective dans sa déclaration fondatrice de 1977. Les femmes noires, qui sont confrontées à la fois au sexisme et au racisme, étaient souvent incapables de prouver leurs arguments devant les tribunaux, car la discrimination à l’égard des femmes noires ne cadrait pas parfaitement avec la loi sur la discrimination, car les lois étaient rédigées comme si une personne ne pouvait être discriminée que sur la base d’une seule caractéristique. Ce problème a inspiré Kimberlé Crenshaw à inventer le terme d’intersectionnalité. Plus récemment, Moya Bailey a créé le terme misogynoir pour décrire le sexisme et le racisme uniques que les femmes noires sont obligées de subir (Katie Tastrom).

L’intersectionnalité signifie de ne laisser « personne de côté », et se concentrer sur la libération de celles et ceux qui vivent en marge de la société.

L’intersectionnalité est une approche utile pour intégrer le handicap et d’autres aspects de l’identité d’une personne avec des facteurs contextuels. L’intersectionnalité est née dans la littérature féministe noire (Combahee River Collective, 1995) pour conceptualiser la manière dont de multiples systèmes d’oppression (par exemple, le racisme, le sexisme, le classisme, le handicap…) façonnent de manière unique les expériences des gens en fonction de leur identité (Collins & Cale, 2020 ; Crenshaw, 1989). Ainsi, un cadre intersectionnel offre une solution à l’échec des modèles de handicap précédents à prendre en compte de manière globale d’autres identités hétérogènes, et présente l’avantage supplémentaire d’incorporer une considération explicite du rôle du pouvoir et de l’oppression.

L’intersectionnalité est un concept développé par la spécialiste de la théorie critique de la race Kimberlé Crenshaw pour donner un sens aux formes spécifiques de racisme et de sexisme auxquelles sont confrontées les femmes noires. Crenshaw a soutenu que les femmes noires sont confrontées à une double exclusion, souffrant à la fois de racisme et de sexisme, et sont souvent marginalisées par les mouvements antiracistes privilégiant l’expérience des hommes noirs et les mouvements féministes donnant la priorité aux femmes blanches. Les femmes noires sont ainsi rendues invisibles même dans les politiques de lutte contre la discrimination et de libération.

Bien que Crenshaw soit créditée d’avoir popularisé le terme « intersectionnalité », elle a clairement indiqué qu’elle s’appuyait sur des courants existants de la pensée féministe noire, citant des influences telles qu’Angela Davis et le Combahee River Collective.

Ces penseurs soutiennent que nous ne pouvons pas donner un sens aux expériences des femmes noires en considérant la noirceur et la féminité séparément ; elles doivent être comprises comme des identités sociales toujours interdépendantes ou intersectionnelles.

« L’intersectionnalité n’est pas une théorie de la différence. C’est une théorie de l’oppression. » – Audre Lorde

Les essais de Liat Ben-Moshe et Linda Steele font ressortir trois idées clés aux juristes, aux praticiens et aux étudiants : l’importance de la méthode intersectionnelle, une analyse critique sur la manière dont le droit est complice des formes actuelles de subordination fondée sur le handicap, en particulier au sein du système juridique pénal, et l’impératif de l’éthique abolitionniste comme réponse nécessaire à la réparation des formes de violence d’État, y compris en particulier les préjudices légalement sanctionnés envers les personnes handicapées. Voir aussi Justice intersectionelle.

Une analyse intersectionnelle est une analyse qui s’intéresse simultanément à de multiples formes d’oppression, non seulement en les énumérant, mais en examinant la manière complexe dont elles s’entremêlent dans les expériences.

L’intersectionnalité explore la dynamique des relations de pouvoir qui existent entre et au sein des populations marginalisées, et explique comment les inégalités dans les relations de pouvoir entre les groupes peuvent créer et maintenir l’inégalité. En tant que cadre fondamental de la recherche, l’intersectionnalité montre que pour comprendre pleinement les expériences uniques des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres en situation de handicap, la recherche doit reconnaître qu’ils constituent un groupe distinct à l’intersection de deux populations marginalisées.

Intersubjectivité Le terme « intersubjectif » fait référence à ce qui est construit et partagé entre les personnes (avec « inter » signifiant entre, comme dans « inter-rail »). Quelque chose est « intersubjectif » s’il dépend des idées et des pratiques de tout un groupe de personnes interagissant de manière complexe. L’« intersubjectivité » décrit tout ce qui est créé et soutenu par ce que les humains pensent, ressentent et font, non pas en tant qu’individus isolés mais en conflit et en conversation en tant qu’êtres sociaux.

[J]

Jim Crow (Lois) : lois anti-flânerie, taxes électorales, dispositions relatives au coucher du soleil et autres mesures adoptées, généralement dans le sud, afin de maintenir la supériorité des blancs, même si l’esclavage a pris fin.

Justice environnementale : Le fondement de la justice environnementale est de centrer et de valoriser l’interconnectivité de tout ce qui existe. Il est important de comprendre notre positionnalité et de nous rappeler de ne laisser personne de côté.. C’est le racisme environnemental, le capitalisme et la négligence qui rendent les communautés vulnérables au déplacement forcé et au surdéveloppement, à l’extraction et à la contamination continus des terres autochtones.

La justice environnementale (JE) est un mouvement populaire qui cherche à reconnecter notre relation avec la Terre et centre le respect et l’intégrité de « nos cultures, langues et croyances sur le monde naturel et nos rôles dans notre guérison », comme le nomment les principes de la JE développés lors du Sommet national sur le leadership environnemental des personnes de couleur. Ces principes EJ sont enracinés dans une analyse de la justice économique et raciale en faveur de la protection de toutes les terres et de tous les corps afin de régénérer la vie, non pas dans un but lucratif, mais pour maintenir notre propre interconnexion les uns avec les autres et tous les êtres (humains et non-humains). JE est un pilier de la justice de guérison en raison de ses enseignements selon lesquels la terre, toute vie animale, végétale et humaine sont sacrées et profondément liées les unes aux autres en dehors de l’exploitation. JE centre l’interdépendance pour nos soins collectifs, notre sécurité et notre résilience. Il s’agit d’une réponse mondiale à l’impérialisme, au déplacement forcé et à l’exploitation économique de nos semences, de nos terres, de nos traditions et de nos médicaments, qui ont un impact profond sur le traumatisme générationnel et la survie de nos communautés. (Page, Woodland)

Justice intersectionnelle : « Parce que je suis abolitionniste, je ne me concentre pas sur les choses les plus faciles, je me concentre sur les personnes qui sont les plus opprimées parce que si j’aide celles et ceux qui sont à la fois sans papiers, racialiséEs et criminaliséEs… si ces gens peuvent avoir accès à des cours, à de l’espace et du temps pour réfléchir à ce que sont leurs espaces dans le monde, alors tout le monde y aura accès. » – Alexis Pauline Gumbs

L’inclusivité radicale de personne « handicapées » et la solidarité active avec ces personnes au sein de chaque mouvement, permet aux organisations de défense des droits des personnes handicapées de travailler à faire progresser la justice intersectionnelle.

Justice reproductive: SisterSong définit la justice en matière de procréation comme le droit fondamental de maintenir l’autonomie corporelle personnelle, d’avoir des enfants, de ne pas avoir d’enfants et de parents les enfants que nous avons dans des communautés sûres et durables.

Les femmes autochtones, les femmes de couleur et les personnes trans-gens se sont toujours battues pour la justice en matière de procréation, mais le terme a été inventé en 1994. Juste avant d’assister à la Conférence internationale sur la population et le développement au Caire, où le monde entier est convenu que le droit individuel de planifier votre propre famille doit être au cœur du développement mondial, un groupe de femmes noires réunis à Chicago en juin 1994. Ils ont reconnu que le mouvement des droits des femmes, dirigé par la classe moyenne et les femmes blanches riches, ne pouvait pas défendre les besoins des femmes de couleur et d’autres femmes marginalisées et des personnes trans-femmes. Nous devions diriger notre propre mouvement national pour répondre aux besoins des femmes, des familles et des communautés les plus marginalisées… en lire plus sur Sister Song.

Justice transformatrice: Un cadre et une approche politiques pour répondre à la violence, aux préjudices et aux abus. Dans sa forme la plus élémentaire, elle cherche à répondre à la violence sans créer plus de violence et/ou à s’engager dans une réduction des préjudices pour atténuer la violence. La justice transitionnelle peut être considérée comme un moyen de « faire les choses bien », d’établir une « bonne relation » ou de créer la justice ensemble, comprise comme une technique pour déraciner les modèles d’injustice dans les communautés. La responsabilité a été au cœur du travail de la justice transformatrice. Elle nécessite une compréhension et une analyse structurelle de toutes les oppressions. Le capacitisme/validisme est une oppression qui n’est souvent pas comprise, les personnes « (poly)handicapées » devraient être autorisées à redéfinir la justice et à reconstruire les communautés.

La justice transformatrice est similaire à la justice réparatrice dans la mesure où elle évite intentionnellement tout contact avec l’État. Ce qui distingue la justice transformatrice de la justice réparatrice, c’est que la justice transformatrice reconnaît également le rôle joué par la société. La justice transformatrice comprend également un aspect de changement des conditions sociétales qui ont contribué au préjudice. Les deux approches reconnaissent que l’État ne favorise pas la responsabilité ou la sécurité (Katie Tastrom).

Les réponses et interventions de justice transformatrice

1) ne s’appuient pas sur l’État (par exemple, la police, les prisons, le système judiciaire pénal, l’ICE, le système de placement familial (bien que certaines réponses de justice transitionnelle s’appuient sur des services sociaux comme le conseil ou les intègrent)) ;

2) ne renforcent ni ne perpétuent la violence comme les normes oppressives ou le vigilantisme ; et surtout,

3) cultivent activement les choses dont nous savons qu’elles préviennent la violence, comme la guérison, la responsabilité, la résilience et la sécurité pour toutes les personnes impliquées.

La justice transformatrice est une approche de décolonisation et d’anti-oppression qui s’attaque à l’oppression des systèmes de domination, tels que le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’âgisme, l’élitisme, le classisme et le capacitisme dans tous les conflits domestiques, interpersonnels, mondiaux et communautaires.

Une description de Mia Mingus sur TransformHarm et de Cara Page & Erica Woodland

[L]

Lat Crit Theory : Branche de la théorie critique de la race qui considère les questions préoccupantes pour les Latinos/as, telles que l’immigration, les droits linguistiques et la multi-identité.

Libéralisme : philosophie politique selon laquelle le but du gouvernement est de maximiser la liberté ; dans le domaine des droits civils, l’opinion selon laquelle la loi devrait imposer une égalité formelle de traitement. Les mythologies du néolibéralisme présentent la pauvreté, un problème structurel, comme le produit d’un échec individuel et moral (Roy et al. 2016). La stigmatisation néolibérale (De Souza 2019) contre la pauvreté racialisée est l’une des façons insidieuses par lesquelles les logiques coloniales se masquent derrière des idées de bon sens de mérite et de dignité. De telles explications ignorent comment les modèles actuels de pauvreté et de privation mondiales peuvent être attribués au capitalisme de caste et de race, aux logiques coloniales, ainsi qu’aux expropriations systématiques et aux échanges écologiquement inégaux qu’ils perpétuent. En effet, le « pacte de richesse » au sein du noyau impérial dépend du maintien de l’expropriation racialisée et genrée du travail invisible et dépendant dans les lieux périphériques (Ajl 2021 ; Fraser 2021). 

Liberatory Harm Reduction (réduction libératrice des préjudices) : Liberatory Harm Reduction est une philosophie et un ensemble de pratiques basées sur l’autonomisation qui nous apprennent à nous accompagner les uns les autres alors que nous transformons les causes profondes des dommages dans nos vies, en utilisant des stratégies concrètes pour réduire les conséquences négatives sur la santé, les lois et la société qui résultent d’expériences de vie criminalisées et stigmatisées. La réduction libératoire des préjudices se concentre sur la transformation des causes profondes de l’oppression qui sont à l’origine du risque actuel de maladie, de décès et d’incarcération […] Aux États-Unis, l’histoire de l’évolution de la réduction des risques est antérieure à la crise du sida. Une partie de la réduction libératoire des préjudices est venue de Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera et d’activistes comme Miss Major Griffin-Gracy, Trans Women of Color, qui étaient des travailleuses du sexe et vivaient dans la rue et qui ont créé des logements partagés, des échanges de seringues et des informations sur la sécurité du travail du sexe. La réduction libératoire des préjudices est née de la création par les Black Panthers de programmes de petits-déjeuners gratuits pour nourrir une révolution, et de la prise de contrôle de l’hôpital Lincoln du Bronx par les Young Lords pour exiger – et finalement créer – des programmes de traitement de la toxicomanie accessibles à la communauté. Cela vient des prestataires clandestins d’avortement, des combattants de la résistance autochtone et des militants du sida […] La réduction libératrice des préjudices est née parce que les personnes travaillant dans le commerce du sexe, les personnes de couleur,  queer, transgenres, non conformes au genre et bispirituelles, handicapées, les sans-abri et grosses ont sauvé nos propres vies. (Shira Hassan)

Liberté épistémique : Selon Ndlovu-Gatsheni (2021), les siècles de violence commis au nom de l’empire cognitif de la colonialité indiquent l’impératif de la liberté épistémique. Pourtant, si elle doit servir d’ouverture vers d’autres libertés, la liberté épistémique ne peut pas constituer une fin en soi (Ndlovu-Gatsheni 2018). La liberté épistémique est un projet profondément personnel qui implique d’apprendre à désapprendre et à réapprendre pour créer et construire (Tlostanova, 2015 ; Tlostanova & Mignolo, 2012). Cela nécessite le développement d’une attitude décoloniale de la part des sujets créateurs de connaissances, ainsi que la conviction que chacun est un connaisseur et un producteur légitime de connaissances (Maldonado-Torres, 2016 ; Ndlovu-Gatshenin, 2018). Cette attitude décoloniale implique une ouverture aux connaissances qui existent en dehors des canons européens et nord-américains, ainsi qu’un engagement à travailler au-delà des frontières épistémiques (source: The routledge International Handbook of Community Psychology).

Ce que Ngugi wa Thiong’o et Chinweizu entendaient par « colonisation de l’esprit » a des implications directes sur les luttes pour la liberté épistémique. Comment des personnes à l’esprit colonisé peuvent-elles même penser à se libérer de l’invasion coloniale de leur univers mental ? Cette réalité rend très complexe et difficile la décolonisation du XXIe siècle, qui confronte la colonialité dans le domaine du savoir. (S. Ndlovu Gatsheni; Epistemic Freedom In Africa)

[M]

Manifest Destiny (Destinée manifeste): idéologie du milieu du XIXe siècle selon laquelle l’expansion territoriale des États-Unis était inévitable et juste.

Marxisme : Doctrine politique, sociale et économique de Karl Marx, en particulier l’idée selon laquelle le capitalisme exploite les travailleurs et promeut l’égalité.

Matrice du pouvoir colonial : le concept de « matrice du pouvoir colonial » est un réseau complexe de hiérarchies multiples et hétérogènes, opérant à l’échelle mondiale, régionale et locale, qui exercent différentes formes de domination et d’exploitation (Grosfoguel, 2006 ; Ciocchini et Greener, 2021, p. 8).

Mind-set : État d’esprit ou attitude, souvent inconscient(e) (colonial mindset = mentalité coloniale).

Medical Industrial Complex (MIC): le « complexe médico-industriel » (CMI) est un système énorme dont les tentacules vont au-delà des simples médecins, infirmières, cliniques et hôpitaux. C’est un système axé sur le profit, avant tout, plutôt que sur la « santé », le bien-être et les soins. Ses racines sont profondes et son histoire et son présent sont liés à tout, y compris l’eugénisme, le capitalisme, la colonisation, l’esclavage, l’immigration, la guerre, les prisons et l’oppression reproductive. Il ne s’agit pas seulement d’un élément majeur de l’histoire du validisme, mais de tous les systèmes d’oppression. (Mingu15) […] De la médicalisation forcée utilisée aujourd’hui dans les prisons à la manière dont les termes « criminel » et « handicapé mental » sont encore utilisés de manière interchangeable. Du manque de services culturellement compétents à la diabolisation et à l’effacement de la guérison et des pratiques autochtones.

Le MIC fait référence aux établissements de santé publics interconnectés, aux industries médicales privées, aux politiques étatiques et aux sciences universitaires structurées et dirigées par la suprématie blanche, le racisme scientifique, l’eugénisme et le capitalisme. Sa fonction principale est de générer un profit maximum en ciblant, en exploitant, en contrôlant et en éliminant des personnes, des conditions et des comportements spécifiques marqués comme médicalement non viables, indésirables et/ou inintelligibles (source: Cara Page; Erica Woodland)

Mad Studies : Un domaine d’études qui se connecte et se chevauche avec les études critiques sur le handicap. Les études folles étudient comment les expériences qualifiées de « maladie mentale » et/ou de « déficit neurologique » sont historiquement et socialement déterminées par les normes culturelles (c’est-à-dire bipolaire, autisme). Le mot « fou » est un mot récupéré emprunté au mouvement Mad Liberation ou Psychiatric Survivors de la fin des années 1960 et 1970.

« Mad » ne doit être utilisé qu’avec la permission de la communauté ou de la personne à laquelle il est fait référence, ou en ce qui concerne les théories mentionnées.

Modèles du handicap : Les militants et les universitaires en faveur du handicap ont développé le langage « modèles de handicap » afin de nommer les différentes réponses culturelles au handicap. Chaque modèle a sa propre histoire et est unique dans chaque contexte culturel.

Selon Olkin (2002), il existe traditionnellement trois catégories significatives de modèles de handicap qui varient en fonction de la causalité ultime de la différence de handicap. (1) Le modèle moral présente le handicap comme une faute éthique, une conséquence du mal ou une sorte de test de foi. (2) Le modèle médical met l’accent sur les processus biologiques/physiologiques à l’origine des différences de handicap. (3) Enfin, le modèle social met l’accent sur la nature socialement construite du handicap et suggère que les barrières environnementales et sociales sont à l’origine de la plupart des limitations liées au handicap. Bien que le modèle moral soit le plus ancien et le plus largement utilisé dans l’histoire de l’humanité, le modèle médical a dominé les approches du handicap en Occident depuis le milieu du XIXe siècle, principalement à mesure que l’accent sociétal était davantage orienté vers les idéologies eugénistes et darwinistes sociales (Olkin, 2002). L’avènement du modèle social a coïncidé avec l’ère américaine du mouvements de défense des droits civiques dans les années 1960 et 1970 et contrastaient nettement avec les composantes oppressives des modèles médicaux et moraux (Fleischer et al., 2012). Le modèle social s’alignait sur les efforts visant à désinstitutionnaliser/dépathologiser le handicap, à promouvoir l’intégration du handicap dans les communautés et à cultiver l’autodétermination et la fierté de la communauté des personnes handicapées (Linton, 1998). Le modèle social a servi de catalyseur important pour l’activisme en faveur des personnes handicapées qui a donné naissance à la Rehabilitation Act (1979), à l’Americans with Disabilities Act (ADA, 1990) et à la Individuals with Disabilities in Education Act (IDEA, 2018). Le modèle sociopolitique amplifie la nature minoritaire du handicap et la légitimité politique d’être le plus grand groupe minoritaire du monde (Hahn, 1988). De même, le modèle affirmatif amplifie le caractère innovant, la créativité et les qualités génératives des expériences de handicap, qui devraient être exploitées pour mieux comprendre la diversité de l’expérience humaine (Swain et French, 2000). Il existe une constellation de modèles critiques de handicap (Annamma, Connor et Ferri, 2013 ; Campbell, 2009 ; Grech, 2012) qui remettent en question la nature « juste comme ça » de la capacité. En bref, les priorités de ces modèles sont de révéler comment les capacités structurelles sont finalement désactivées par l’extraction, l’exploitation et le déplacement des ressources (voir Dirth et Adams, 2019). (source: Indigenous Disability Studies, J. T. Ward)

Patricia Berne explique que « le modèle médical du handicap suppose que le “problème” se situe dans les corps, et que la solution consiste à modifier ou à éliminer nos corps ». À l’inverse, le modèle social du handicap postule que les obstacles à l’accessibilité ne se situent pas à l’échelle individuelle, mais que ce sont la culture capacitistevalidiste, eugéniste et le capitalisme racial qui créent le handicap.

Les modèles décrits ci-dessous sont parmi les modèles les plus couramment mentionnés dans les études sur le handicap et l’activisme en faveur du handicap :

  • Modèle biomédical/Médical : Le modèle médical (apparu au XIXe siècle) est profondément enraciné dans l’hypothèse eugéniste selon laquelle la biologie est le destin. La prédominance du modèle individuel/médical légitime l’exclusion et l’inaccessibilité du handicap en décrivant le problème comme émanant d’un corps ou d’un esprit qui n’est pas à la hauteur des normes de la vie moderne. Avant et entre les deux guerres mondiales, la médecine a progressé pour pouvoir guérir et prévenir de nombreuses causes courantes de décès prématurés, comme les infections. L’industrie médicale s’est développée avec l’idée que le handicap était une maladie ou un bris et qu’il fallait un traitement médical. Lorsque la guérison n’était pas possible, la personne était soit blâmée, soit considérée comme morte dans une meilleure situation. Ce modèle prévaut aujourd’hui sous de nombreuses formes. Remarque : Les soins de santé sont un droit humain important pour tous, en particulier pour les personnes handicapées, et les soins de santé ne doivent pas nécessairement être le modèle médical. Le modèle médical de compréhension du handicap est né du cadre eugéniste, et il façonne beaucoup de conversations et d’approches contemporaines du handicap aujourd’hui. Ce handicap est un «problème» dans leur corps qui doit être fixé ou géré par la médecine et la science pour vivre une vie «normale».
  • Modèle social du handicap : Créé par des personnes handicapées, le modèle social soutient que les humains mangent naturellement dans une variété de corps-esprits, qui sont modifiés et façonnés par notre environnement. Les corps-esprits que nous considérons comme précieux ou dévalorisés sont des décisions sociales et politiques. Les sociétés décident quels corps-esprits sont normaux ou anormaux (handicapés), puis créent des systèmes et des espaces adaptés uniquement à ceux jugés normaux. Cela conduit à son tour à l’exclusion, aux abus et à la violence envers les corps-esprits qui ont été étiquetés comme handicapés. Le modèle social soutient que rien n’est « mauvais » avec les personnes handicapées corps-esprit, mais que c’est la société inaccessible qui est le problème qui doit être résolu. Selon le modèle social, le handicap est une conséquence des barrières environnementales, sociales et comportementales qui empêchent les personnes souffrant d’une déficience d’une participation maximale à la société. Ce modèle est centré sur les obstacles sociaux qui empêchent les personnes handicapées de participer activement à toutes les institutions politiques et sociales. Ce modèle place la source du problème sur la société. Les solutions doivent être axées sur le changement social et pas seulement sur l’individu handicapé. Ce modèle met l’accent non seulement sur l’état physique ou environnemental, mais aussi d’autres obstacles à caractère social tels que les préjugés, les stéréotypes.
  • Modèle monétaire du handicap : Le modèle monétaire du handicap de Marta Russell théorise que si les personnes handicapées – la population excédentaire – sont largement considérées comme un « fardeau » pour l’économie, en réalité, au fil du temps, le capital et l’État ont construit des systèmes pour récupérer cette population perdue comme source de production financière. Russell situe ces systèmes comme se manifestant par la collecte de fonds caritatifs, la priorisation des soins visant à « réparer » les personnes handicapées pour qu’elles deviennent des travailleurs, et par des politiques qui développent le secteur privé par le biais de soins de santé privés à but lucratif financés par des programmes de soins de santé publics soumis à des conditions de ressources. (source : Health Communism)

Le modèle social se préoccupe de la réalisation des droits civiques et de la législation anti-discrimination et a joué un rôle important dans la prise en compte de l’exclusion des personnes handicapées dans le débat mondial. Bien qu’utile en tant qu’outil explicatif, il est en fin de compte basé sur les expériences des « universitaires handicapés blancs, urbains et instruits dans des environnements industrialisés » (Grech, 2009 : 775). Le paysage des droits est donc problématique lorsqu’il est appliqué au Sud global – il s’agit d’une invention occidentale, fondée sur des valeurs, des normes et des contextes occidentaux.

L’expression « perspective sociale sur le handicap » a été inventée au Royaume-Uni dans les années 1970 par un groupe de militants handicapés, parmi lesquels le célèbre Vic Finkelstein. Dans les années 1980, l’universitaire britannique Mike Oliver a popularisé cette perspective sous le nom de « modèle social », comme on l’appelle encore aujourd’hui.

Modernité : idéologie qui mélange les intérêts capitaliste avec le colonialisme et la colonialité, sous l’hypothèse erronée qu’il n’existe qu’une seule façon mondiale de poursuivre le développement.

Modernité/colonialité: colonialité et modernité se trouvent sur les faces opposées d’une même pièce. La colonialité nous rappelle quotidiennement qu’en cette période « postcoloniale », nous vivons toujours dans des conditions coloniales. Pour que la colonisation réussisse, il était important que les colonialistes capturent l’esprit des colonisés. Non seulement ils ont restructuré les systèmes de connaissances des peuples africains, mais ils se sont aussi lancés dans une mission visant à effacer et/ou à dévaloriser leur histoire, leur culture, leurs expressions et leurs modes d’être.
Ce que ces récits laissent de côté, c’est donc à quel point le monde moderne est spécifiquement un monde colonial moderne. Ce monde colonial moderne n’est pas simplement un monde capitaliste que le colonialisme ait facilité par une « accumulation primitive », mais un monde dans lequel la colonialité est continue avec la reproduction du capitalisme (Gurminder K. Bhambra, 2021).

Multiculturalisme : point de vue selon lequel les institutions sociales devraient refléter de nombreuses cultures.

[N]

Nationalisme : point de vue selon lequel un groupe minoritaire devrait d’abord se concentrer sur ses propres affaires et intérêts.

Nativisme : Opinion selon laquelle les États-Unis devraient donner la priorité à leur citoyenneté actuelle et limiter l’immigration.

Néocolonialisme : « L’idéologie et la pratique de maximiser les profits et la richesse au profit d’une poignée de personnes au sommet d’une hiérarchie raciale, en extrayant cette richesse » de la nature (y compris la terre, les ressources et les personnes). Les personnes racialisées sont contraintes d’assimiler ou sont exclues de la richesse et des services accumulés. Le terme (néo) (colonial) montre que la dynamique coloniale mondiale persiste après la colonisation par le complexe militaro-industriel, la politique étrangère euro-américaine et le capitalisme en tant que système économique, socioculturel et politique. » (Réseau européen contre le racisme (ENAR), 2021)

Le néocolonisation est défini les processus politiques et économiques qui configurent des structures de pouvoir asymétriques et des relations économiques entre les pays du Nord global (la plupart d’entre eux étant d’anciennes puissances coloniales) et les pays du Sud global (anciennes colonies), malgré leur souveraineté juridique.

Dénote la poursuite de la domination impériale du Sud global par le Nord global après la fin du colonialisme formel. Au milieu du XXe siècle, les empires européens ont officiellement baissé leurs drapeaux dans les pays d’Afrique, d’Asie, des Caraïbes et du Pacifique. La domination culturelle, économique et militaire s’est toutefois poursuivie jusqu’à nos jours, sous la forme de bases militaires, de régimes d’endettement punitifs, d’opérations secrètes de l’État et bien plus encore. Le terme a été popularisé par le premier président du Ghana indépendant, Kwame Nkrumah, dans son livre Neo-Colonialism : The Last Stage of Imperialism.

Néolibéralisme : Malgré l’exercice sans fin que constitue l’attribution d’un sens au néolibéralisme, le terme est régulièrement utilisé pour désigner la constellation de relations socio-économiques et politico-culturelles qui sont devenues un statu quo au cours de l’ère post-keynésienne. 

Cette période a été largement marquée par l’escalade du libéralisme économique (« Richesse des nations », Reaganomics, Thatchérisme, l’OMC, etc.) et des politiques d’ajustement structurel (Bretton Woods,  Consensus de Washington, Banque mondiale, FMI, etc.), ainsi qu’une montée des théories sociopolitiques procapitalistes promouvant l’austérité, la privatisation, la déréglementation et une prétendue « ouverture » des marchés et des frontières.

L’idéologie du néolibéralisme réfute l’existence d’injustices structurelles et rejette la responsabilité des problèmes sociaux généralisés sur les individus. En conséquence, les dernières décennies ont vu une augmentation spectaculaire des politiques néolibérales partout dans le monde, qui privatisent désormais les services sociaux, bouleversent les droits civils durement acquis et conduisent à des formes plus aiguës de dislocation, de misère et de destruction de l’environnement.

Les influences économiques et philosophiques du néolibéralisme reposent ainsi sur la convergence de deux croyances culturelles principales :

1) Que « l’individu » et la compétition obtiennent la suprématie sur tout le reste.

2) Que le « travail », la « production », la nature et même le temps soient mesurés en termes monétaires.

En fin de compte, le néolibéralisme agit comme un voile qui obscurcit les relations sociales systémiques de pouvoir dans sa quête de couronner chaque personne maître de son propre destin. Il devient ainsi un discours extrêmement influent, mais dissimulé et diffus, qui persuade les gens de nier leur interdépendance les uns avec les autres, ainsi qu’avec l’environnement. Ce faisant, l’idéologie néolibérale force également les gens à croire que la compétition, ainsi que l’angoisse de la pauvreté, sont naturelles et nécessaires. En résumé, le néolibéralisme est une configuration de pratiques discursives et matérielles globalisant un individualisme extrême afin de transformer le monde en marché. (source: globalsocialtheory.org)

Neurodiversité et Neurodivergence : La neurodiversité est l’idée selon laquelle tous les cerveaux et corps-esprits connectés sont divers dans leur façon de fonctionner – il n’y a pas deux cerveaux ou systèmes nerveux identiques, et tous les types de pensée doivent être considérés comme des variations naturelles. En effet, la société a besoin de différentes façons de penser pour résoudre des problèmes complexes. La neurodivergence est un terme (nommé par la blogueuse et activiste multi-neurodivergente Kassianne Sibley) lorsque certains cerveaux et corps-esprits sont pathologisés et discriminés. Ces termes proviennent de communautés autistes, qui ont accueilli des personnes ayant d’autres cerveaux/corps-esprits marginalisés pour les utiliser, y compris, mais sans s’y limiter, les personnes souffrant de troubles cognitifs, de lésions cérébrales, d’épilepsie, de troubles d’apprentissage et de santé mentale.

No Body Is Disposable (personne n’est jetable) : En s’unissant et en insistant sur la valeur de ceux dont les corps sont traités comme jetables par les structures politiques et économiques, et en dénonçant l’injustice, les militants trouvent la liberté, la joie et l’énergie pour le changement social (Clare, 2018).

Nonreformist reforms (réformes non réformistes) : Des réformes qui s’attaquent à la racine d’un problème et ne maintiennent pas le statu quo. L’idée de réformes non réformistes a été reprise par les abolitionnistes du complexe carcéral industriel (PIC) et comprend des changements au système judiciaire pénal qui retirent au PIC son pouvoir, son autorité, son équipement, sa légitimité et ses ressources, réduisant ainsi la capacité du système à recourir à la violence et au contrôle social. La réforme non réformiste est un cadre courant dans les mouvements d’abolition du PIC, consacré au principe selon lequel nous ne devons pas soutenir des réformes que nous devrons démanteler plus tard (comme la construction de prisons « pour la santé mentale » ou le soutien à la surveillance électronique et à d’autres formes de contrôle communautaire). Voir, par exemple, Prison by Any Other Name: The Harmful Consequences of Popular Reforms (Maya Schenwar et Victoria Law, 2020). (Source : Let’s This Radicalize You)

Si un système de violence est éliminé, nous savons que l’État trouvera le moyen de le transformer en un nouveau, comme l’illustre l’expansion du système carcéral (PIC) au moment même où l’esclavage prenait fin. Si un système de violence est éliminé, nous savons que l’État trouvera le moyen de le transformer en un nouveau, comme l’illustre l’expansion du système carcéral au moment même où l’esclavage prenait fin. (Erica Woodland)

L’histoire l’a montré : remplacer un système de violence par un système apparemment plus gentil et plus doux, reste toujours le même  système qui cible et cherche à éliminer les plus vulnérables : les handicapés, les neurodivergents et les survivants d’un traumatisme. Si nous échouons dans ce type de solutions, nous serons perdants à long terme.

Certain-Es soutiennent parfois qu’il vaut mieux faire quelque chose que rien, mais les réformes réformistes renforcent la force des systèmes carcéraux.

Voir aussi Réformes abolitionnistes.

Normalité : La société occidentale a historiquement et fondamentalement créé des obstacles à l’acceptation de la diversité pour ne pas mettre en lumière les histoires qui interrogent et rendent visibles ces relations entre le colonialisme, le capitalisme et la formation de l’État (gestion des frontières), qui sont enracinées dans la blancheur, pour ne pas comprendre comment la suprématie blanche et l’extraction capitaliste sont les éléments fondamentaux de tous les projets coloniaux.

Au cœur du néolibéralisme se trouve une culture bourgeoise où la construction de la normalité est célébrée et où le handicap est dévalorisé. Pour Dan Goodley (2014), le handicap est intrinsèquement dévalorisé par le discours médical et repose sur des hypothèses culturelles de normalité et de ce que signifie être humain. La médecine est conceptualisée comme une institution de pouvoir qui fabrique des discours catégorisant les variations physiques, comportementales et intellectuelles à travers la notion normative de pathologie. Pour Cameron (2011), la normalité se construit à travers la performance culturelle de la vie quotidienne, qui est directement liée à un ensemble de normes sociétales et émerge des sociétés néolibérales.

Le concept actuel de normalité trouve ses racines dans des idées préconçues de l’ère moderne dont les postulats s’appuient sur la pensée de philosophes convaincus de la souveraineté de la raison et de l’individualité, et dont les principes intellectuels s’enracinaient dans la croyance qu’il existe une seule manière « supérieure » d’être, d’exister, d’habiter et d’interpréter le monde (Horkheimer & Adorno, 1994 ; Patiño García, 2015). Cette conviction arbitraire s’appuie historiquement sur des lois esthétiques, anatomiques et fonctionnelles dictées par le système capitaliste selon le concept de productivité et d’efficacité du travail (Ferreira, 2008 ; Oliver et Barnes, 2012). D’un point de vue idéologique et socio-économique, la nature arbitraire de ces croyances a déclenché une série de pratiques culturelles et matérielles oppressives et discriminatoires qui s’abattent sur des personnes considérées comme échappant aux canons de la « normalité » (Foucault, 2002). La normativité a donc de fortes racines historiques et doit être encadrée et analysée selon des référentiels historiques et géopolitiques, rattachés à ce que l’on peut appeler une normativité coloniale.

Foucault (1975) explique que la « vérité », telle qu’énoncée par les autorités de l’Église et de l’État, consiste à établir une « norme » en éliminant et en corrigeant les « déviants » ou les « délinquants ». La relation concurrente entre ces deux concepts illustre comment la vérité repose sur l’établissement de la norme, et sur l’établissement ultérieur d’un anormal qui ne correspond pas à ladite vérité. Par conséquent, un processus de « normalisation » s’établit qui s’appuie sur des technologies et des systèmes de surveillance pour cimenter un ordre social qui respecte ladite norme.

La reconnaissance de l’histoire positionne les constructions de « normes », de « déviance » et de « délinquance » comme des archétypes coloniaux utilisés pour emprisonner, discipliner et punir les peuples colonisés (Shaun Grech, 2015).

L’hégémonie de la normalité est, comme d’autres pratiques hégémoniques, si efficace en raison de son invisibilité (Sara Hendren).

Le concept d’humains « normaux » et « idéalisés » qui pensent et agissent « correctement » est basé sur des idées de colonialisme, qui peuvent être considérées comme une version de l’impérialisme (Tuhiwai Smith, 2012). Des lois, des théories et des histoires ont été élaborées sur la base de ces idées, qui prétendent que les peuples autochtones étaient des « sauvages » non civilisés, pas humains ou pas pleinement humains, ce qui signifie qu’ils n’étaient pas capables d’inventer, de produire ou d’imaginer quoi que ce soit de civilisé, y compris la création de l’histoire elle-même. De tels arguments ont été utilisés pour justifier la colonisation et l’impérialisme continus, ainsi que la domestication, l’extermination et, plus tard, les politiques d’assimilation et de génocide. Afin de « civiliser » et de christianiser les peuples autochtones, ces derniers doivent continuer à être contraints d’adopter un système éducatif fondé sur ces idées occidentalisées. En outre, la science occidentale maintient un système hiérarchique qui catégorise et valorise les êtres, y compris les plantes et les peuples, en fonction de leur position hiérarchique présumée (Tuhiwai Smith, 2012). Conformément à cela, les personnes ayant des capacités culturellement préférées peuvent être valorisées, tandis que celles qui n’ont pas de telles capacités peuvent être étiquetées « handicapées » et se voir attribuer un positionnement inférieur qui comporte beaucoup de bagages négatifs.

Ce faisant, un biais en faveur de ce que les constructions occidentales définissent comme la « norme idéale », comme celui propagé par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) développé par l’American Psychological Association (APA), ne sert que les intérêts des élites impériales. En effet, lorsque le DSM-5 a été lancé, aucune personne autochtone n’a été consultée lors de son élaboration (Bohanna et al., 2018 ; Bohanna et al., 2013 ; Fitts et al., 2019). La Society of Indian Psychologists a confirmé ce constat et a souligné que le DSM-5 utilisait les données de personnes majoritairement blanches, de classe moyenne, en bonne santé et instruites, issues de bonnes familles, excluant les membres amérindiens, ce qui, à son tour, augmente les faux positifs et les erreurs flagrantes dans le diagnostic des Amérindiens souffrant de handicap ou de problèmes de santé mentale (American Psychiatric Association, 2013 ; Gray, 2012).

Les concepts autochtones d’équilibre et de bien-être nous apprennent que les différences individuelles sont naturelles et créent des opportunités d’équilibre individuel et communautaire menant au bien-être. Lorsqu’elles sont comprises de cette manière, les différences peuvent être comprises comme des saisons, chacune ayant sa propre sagesse. Dans de nombreuses tribus amérindiennes, les membres qui seraient considérés comme « différents » en termes de compacité d’apprentissage ou d’apparence seraient considérés comme un « don » et non comme un handicap (Nielsen, 2012 : 3)

L’obligation d’être valide, tout comme l’hétérosexualité obligatoire, insiste sur le fait que ce qui est à la fois moral et désirable dans les contextes sociaux néolibéraux du capitalisme tardif est nécessairement hétéronormatif et non handicapé. (N. Erevelles)

Celles et ceux « qui possèdent le potentiel de stigmatiser les gens sont appeléEs les « normaux ». (Titchkosky; 2000) La normalité est le lieu non marqué à partir duquel les gens voient la stigmatisation du handicap ». De plus, la création de sujets dépend de l’organisation de la différence afin de solidifier les notions de personnes particulières en tant que citoyens exemplaires.

NPIC (Non Profit Industrial Complex) : Dans The Revolution Will Not Be Funded: Beyond the Non-profit Industrial Complex, Dylan Rodríguez définit le NPIC comme « l’incorporation industrialisée de campagnes et de mouvements libéraux et progressistes pro-étatiques dans un spectre d’organisations à but non lucratif sous la tutelle du gouvernement ». En d’autres termes, un réseau d’institutions, de politiques et de relations publiques et privées qui renforcent les valeurs néolibérales coercitives du capitalisme. Le NPIC occulte la cause réelle des problèmes et canalise toutes les ressources vers des choses qui ne s’attaquent pas aux causes profondes des problèmes et qui aggravent souvent la situation. Le NPIC ne fait que proposer des pansements, car les organisations à but non lucratif ne peuvent pas perturber l’État lorsqu’elles ont besoin de son approbation. Il existe de nombreuses façons de travailler en dehors du NPIC. L’entraide mutuelle est un cadre. L’entraide mutuelle est en contradiction directe avec un modèle dans lequel un professionnel privilégié contraint quelqu’un qui a moins de pouvoir à faire des choses qui n’aboutiront probablement pas à un réel changement.

[O]

Objectivité: dans cette vision du monde eurocentrique, la seule véritable connaissance découle d’approches quantitatives « scientifiques », impliquant une expérimentation fondée sur l’observation et la mesure physiques. La subjectivité est rejetée parce qu’elle n’est pas objectivement mesurable. Seul ce qui est matériel et quantifiable est considéré comme une base de connaissance valable. L’objectivité constitue le fondement du modèle médical du handicap, dans lequel la déficience est objectivée, quantifiée et catégorisée. Cela a de profondes implications pour les personnes handicapées, qui sont considérées comme des objets d’enquête médico-scientifique (Tremain, 2001), leur statut de détenteurs de connaissances étant nié et leurs connaissances expérientielles rejetées. Ces caractéristiques de l’eurocentrisme ont justifié la colonisation des peuples autochtones et ont permis aux colonisateurs d’ignorer et de minimiser l’existence de diverses visions du monde autochtones. La suppression de la vie et de la culture autochtones est devenue l’élément central des stratégies des colonisateurs vers la création d’une civilisation universelle et eurocentrique (Heather Norris ; Indigenous worldviews of impairment and relational interdependance, 2014).

Comme l’a succinctement déclaré Fanon, « pour l’autochtone, l’objectivité est toujours dirigée contre lui » (1967, p. 61).

Ontologie : conception philosophique de ce qu’est la réalité. Lorsque vous tentez de comprendre la nature de la pauvreté, par exemple, vous commencerez par un ensemble d’hypothèses qui sous-tendent et éclairent votre compréhension de la nature de la pauvreté et de l’appauvrissement.

Des travaux épistémologiques et ontologiques sont nécessaires pour faire face à l’universalisation et à l’eurocentrisme dans la façon dont le climat est présenté et compris, filtré à travers la science et le regard coloniaux, l’évaluation différentielle de la vie et des systèmes humains et non humains à travers les espaces eurocentriques et autres.

Oppression liée à la santé mentale : L’oppression liée à la santé mentale est la suppression systémique de la décharge émotionnelle et l’invalidation de l’esprit des personnes opprimées. Il s’agit d’une tentative de contrôler les gens en imposant des normes de conduite, invalidant ainsi leur processus, catégorisant les gens selon des diagnostics, faisant pression sur les gens « pour qu’ils fassent quelque chose » et punissant toute tentative de libération. L’oppression liée à la santé mentale opprime les personnes systématiquement « oubliées », laissées de côté et reléguées aux marges. Ce qu’il fait également, c’est maintenir l’impérialisme, la suprématie blanche, le capacitisme, la fatphobie et la transphobie en renforçant et en cachant la fonction de ces mouvements très oppressifs : amener les gens à se conformer.

Oppressions structurelles/systémiques: Lorsque la plupart des gens pensent au racisme/capacitisme, ils pensent probablement aux insultes raciales/capacitistes, ou aux crimes haineux ou à d’autres actes ouvertement racistes/capacitistes. Il existe cependant d’autres formes de racisme moins évidentes mais finalement encore plus destructrices.

Le capacitisme est une forme d’oppression structurelle. Cela signifie qu’elle est souvent invisible, en particulier pour les personnes qui n’en sont pas victimes. Le capacitisme/validisme affecte tout, des attitudes culturelles comme la honte, la stigmatisation et la peur, les obstacles institutionnels, la participation à la vie quotidienne… Malheureusement, il est aussi très présent dans des espaces qui sont censés être sûrs et progressistes.

« Moins vous pensez à votre oppression, plus votre tolérance à son égard grandit. »

La discrimination structurelle à laquelle sont soumis les corps présentant une diversité fonctionnelle conduit à la normalisation des inégalités de traitement, consolidant les stigmates qui placent ce groupe comme étant au-dessous des corps dans les normes établies par une société d’exclusion. (CAMPBELL, 2009, p. 22)

Ce qui a aggravé les luttes décoloniales est le fait que le racisme a atteint sa forme la plus dangereuse là où il est invisible et institutionnalisé. Il a donc besoin de nouveaux outils d’analyse pour le démasquer, sinon on tombe dans le piège néolibéral et le mythe d’un monde post-racial et postcolonial. Prises ensemble, toutes ces attitudes décoloniales sont nécessaires dans la lutte décoloniale pour mettre en œuvre une décolonisation épistémologique et établir un nouvel humanisme (Ndlovu-Gatsheni 2013).

Orientalisme : Les usages contemporains émergent du livre Orientalism d’Edward Said de 1978. Ce travail a rassemblé et développé les critiques en langue arabe existantes sur le contexte impérial et les implications des représentations culturelles occidentales de l’Orient. Said a soutenu que les représentations occidentales de « l’Est » ont eu tendance à représenter un ensemble complexe et changeant de cultures comme homogènes, statiques et – surtout – comme sous-développées, non civilisées et irrationnelles. Même si « l’Orient » peut être présenté comme séduisant et même comme un objet de désir, il est également présenté d’une manière qui le représente à la fois inférieur et dangereux.

À travers de telles représentations, « l’Occident » est sous-entendu comme étant à l’opposé de « l’Est » : avancé, civilisé et rationnel. Said montre comment l’image de soi de l’Occident dépend donc d’images « orientalisées » de l’Autre. Pour Said, l’orientalisme fait partie intégrante du cadre idéologique qui soutient l’impérialisme occidental ; c’est une manière de connaître l’Autre qui démontre l’infériorité naturelle de l’Orient, et donc la nécessité de la domination occidentale. Il rassure l’Occident sur le bien-fondé de son projet.

[P]

Papal Bulls (Bulles papales) : Bulles papales qui jettent les bases de la doctrine de la découverte.  Voir Doctrine de la découverte, Destinée manifeste.

« Nous avons pesé toutes les prémisses avec la méditation qui convient, et notons que puisque nous avions autrefois, par d’autres lettres de notre part, accordé entre autres choses la libre et ample faculté au susdit roi Alphonse – d’envahir, de rechercher, de capturer, de vaincre et de soumettre tous les Sarrasins et païens quels qu’ils soient, et autres ennemis du Christ où qu’ils soient placés, ainsi que les royaumes, duchés, principautés, dominions, possessions et tous les biens meubles et immeubles qu’ils détiennent et possèdent et de réduire leurs personnes à un esclavage perpétuel, et d’appliquer et s’approprier, ainsi qu’à ses successeurs, les royaumes, duchés, comtés, principautés, domaines, possessions et biens, et les convertir à son usage et à leur profit – en ayant obtenu ladite faculté, ledit roi Alphonse, ou, par son autorité, l’infant susmentionné, a justement et légalement acquis et possédé, et possède, ces îles, terres, ports et mers, et ils appartiennent et appartiennent de droit audit roi Alphonse et à ses successeurs. (extrait de Bulle papale Dum Diversas 18 juin 1452)

Paradigme: système de croyance en vigueur dans une discipline qui contrôle ce qui est considéré comme possible, pertinent et valide.

Paternalisme: En ce qui concerne la perception du handicap, Magaña et al. (2019) discutent du rôle du paternalisme, établi comme structure de pouvoir à l’époque coloniale par l’intermédiaire de l’Église catholique espagnole. Le paternalisme, affirment-ils, est toujours évident dans la perception des personnes handicapées comme ayant besoin de protection et d’isolement à la maison et comme n’étant pas en mesure de participer activement à l’école ou à la société.

La législation colombienne, par exemple, reflète toujours cette vision en ne considérant pas les personnes handicapées comme des « individus indépendants et productifs ayant le potentiel de participer pleinement » (ma traduction). Une autre valeur culturelle imposée aux peuples autochtones par les colons, et toujours pertinente dans la façon dont le handicap est compris dans la société colombienne aujourd’hui, est celle du respeto, qui souligne la nécessité pour les gens de respecter ceux qui ont le pouvoir. En conséquence, expliquent Magaña et al. (2019), les parents d’enfants handicapés sont encouragés à accepter sans réserve les points de vue des professionnels concernant le handicap de leur enfant, ce qui peut inclure par exemple le diagnostic posé ou le traitement proposé.

Les racines de ce mot sont « paternelles », signifiant « paternel » et se rapportent donc à la manière dont un père peut avoir la responsabilité et le contrôle sur ses enfants. Dans le discours politique, il est largement utilisé comme un terme négatif pour souligner la manière dont l’action des adultes peut être niée ou sapée par des institutions comme l’État ou d’autres agents puissants, prétendant agir dans leur meilleur intérêt ou savoir ce qui est le mieux pour eux, ce faisant, les traitant comme des enfants.

Patriarcat : Système de croyances et de pratiques dans lequel les hommes dominent et contrôlent les femmes. L’un des systèmes de pouvoir les plus influents de notre société qui centre, privilégie et donne la priorité à la masculinité. Le patriarcat est pratiqué de manière systémique dans les manières et les méthodes par lesquelles le pouvoir est distribué dans la société (emplois et postes de pouvoir attribués aux hommes dans le gouvernement, la politique, la justice pénale, etc.) tout en influençant également la manière dont nous interagissons les uns avec les autres sur le plan interpersonnel (attentes en matière de genre, dynamique sexuelle, prise d’espace, etc.).

En tant que construction coloniale, le patriarcat opère de manière puissante et hiérarchique en exerçant et en renforçant la suprématie binaire de genre et la suprématie blanche. Nous le voyons, par exemple, dans la manière dont la masculinité cis blanche exerce un pouvoir non seulement sur les femmes, les personnes trans et les enfants, mais aussi sur d’autres formes de masculinité (trans, racialisées, pauvres, handicapées, etc.).

Populisme : Mouvement qui se concentre sur les gens ordinaires ou les travailleurs.

Positionnalité: Une tradition dans les milieux décoloniaux, la déclaration de positionnalité (en tant qu’agent de la colonialité/colonialisme) et la confession des privilèges comme moyen de révéler une dynamique de pouvoir inégale dans la production de connaissances est devenue une pratique réflexive de plus en plus encouragée dans les relations internationales et d’autres disciplines.

Positivisme : Le positivisme est une approche de connaissance qui valorise l’objectivité et la neutralité (Willig, 2001). La décontextualisation et l’anhistoricité sont des principes positivistes.

Depuis l’invasion et la conquête coloniales, les peuples autochtones ont enduré une longue histoire de voir leurs corps, leurs cultures, leurs traditions et leurs croyances objectivées, essentialisées, pathologisées et finalement opprimées par les institutions coloniales et les systèmes de connaissances eurocentriques. À tel point que les systèmes de connaissances autochtones ont été jugés non scientifiques et dépourvus de « l’objectivité » et de la « rigueur » communément associées aux épistémologies positivistes et sans valeurs de l’ère des Lumières. Déshumanisés et traités comme des objets d’étude passifs, les peuples autochtones ont pris l’habitude d’être négligés en tant qu’« agents eux-mêmes, capables ou intéressés par la recherche, ou possédant des connaissances expertes sur eux-mêmes et sur leurs conditions » (Smith, 2012 : xi). Les systèmes de savoirs autochtones ont été largement marginalisés parce qu’ils seraient déficients en « objectivité » et en « rigueur » attribuées aux épistémologies positivistes et sans valeurs de l’ère des Lumières.

Post Colonial Disability Studies (Études postcoloniales sur le handicap) : Le colonialisme et le racisme sont essentiels à la compréhension du handicap. Certains spécialistes des études postcoloniales sur le handicap affirment que le handicap n’est pas seulement une identité, mais aussi une condition sociale résultant de l’impérialisme. Les études postcoloniales sur le handicap se concentrent sur la manière dont le handicap ne peut être séparé non seulement du colonialisme, mais aussi du racisme, du génocide, de l’esclavage, de la migration et de la guerre. Enfin, les études postcoloniales sur le handicap explorent les manières décoloniales de connaître et d’être des personnes handicapées.

Postcolonialisme : Un nombre croissant d’universitaires autochtones suggèrent que le « post » dans la période postcoloniale est confronté à de réelles contraintes ; la colonisation n’est pas terminée et, par conséquent, les canons de l’érudition postcoloniale sont incapables de refléter la dépossession généralisée et continue des peuples autochtones, en particulier lorsqu’ils sont placés dans l’État colonial des colons blancs (Hart, 2003). Les peuples autochtones ont donc ouvertement remis en question le « post » pour saisir la poursuite de la colonisation : leurs expériences de violence coloniale, y compris la dépossession de leur terre, de leur culture et de leur langue avec l’intensification de la mondialisation néolibérale (DeSouza & Cormack, 2009). Ceci est parfaitement illustré par l’éminent chercheur aborigène australien Victor Hart, qui affirme que :

Les études postcoloniales sont en train de devenir une manière de dissimuler une période dangereuse dans la vie des peuples autochtones et surtout de dissimuler le « comment » et le « pourquoi » liés au génocide passé et présent des peuples autochtones. (Hart, 2003, p. 14)

Postracial : La condition d’être au-delà de la race ; une époque où la race n’a plus d’importance. (voir racisme daltonien)

Postmodernisme : Critique du modernisme, un système antérieur fondé sur la pensée et la philosophie des Lumières, et du capitalisme.

Poststructuralisme : Critique du structuralisme, un mouvement antérieur qui visait à déterminer les éléments structurels de base des systèmes sociaux, notamment dans les sciences sociales et comportementales.

Praxis: Le concept de praxis est ici défini comme un principe de transformation et de synthèse produit lorsque la contradiction théorie-pratique est résolue. La praxis représente le fondement pour développer une conscience critique et pour transformer le présent en une action en quête de liberté. La praxis en tant que principe transformateur transcende la contradiction théorie-pratique et favorise la définition des interactions entre action et réflexion. (Psychology of Liberation) La « praxis » reflète l’interrelation entre théorie et pratique et offre la possibilité de générer une théorie solide et une pratique efficace. La praxis dans les études sur le handicap est par principe familière à la discipline du travail social car la formation en travail social est elle-même basée sur le modèle de la praxis, c’est-à-dire l’apprentissage à partir de la théorie et du travail sur le terrain. Grâce à cette méthode, il est possible pour les professionnels d’acquérir des compétences théoriques et pratiques. Le processus action-réflexion-action est un outil puissant pour garantir que nous restons enracinés dans notre pouvoir de possibilités avec un engagement envers la dignité, la justice, le plein potentiel, l’inclusion et l’intégralité des principales parties prenantes des personnes « handicapées ».

Paulo Freire (1972) décrit la praxis comme un processus à la fois de « réflexion » et d’« action » permettant la « transformation » de l’ordre mondial.

L’eurocentrisme présente des limites épistémologiques qui empêchent la « réflexion » sur la nature du problème exploré (comme colonial), limitant finalement la praxis. Rabaka (2014) dans Concepts of Cabralism : Amilcar Cabral and Africana Critical Theory expose en profondeur le paradoxe des théories critiques occidentales qui examinent les « problèmes sociaux » et les « structures de pouvoir », tout en les reproduisant. Rabaka (2014) explique que la recherche « critique » occidentale n’est pas critique tant qu’elle n’est pas « pleinement consciente de la suprématie blanche » (p. 264).

En conséquence, une réflexion anhistorique et eurocentrique du capacitisme et le « traitement » de la « différence » produit ensuite une action – ou plutôt une inaction – qui ne remet pas en question les processus, projets et systèmes historiques qui créent et perpétuent l’oppression.

Rabaka (2014) ajoute que les théories critiques européennes et américano-européennes, en particulier dans la façon dont elles s’orientent pour aborder les « problèmes sociaux », le font d’une manière anhistorique qui continue de soutenir « l’apartheid épistémique » des tours d’ivoire occidentales, dans leurs analyses d’oppression (handicap, race, genre). Cet eurocentrisme, en particulier dans le débat socio-économique, consiste à examiner les problèmes sociaux sans prêter attention aux histoires qui les créent et les entretiennent. S’appuyant sur Amilcar Cabral, Rabaka (2014) explique que ce n’est qu’en « éradiquant les problèmes sociaux » ou en « retournant à la source » via la reconnaissance et l’engagement dans l’histoire du colonialisme que l’on peut aborder les problèmes sociaux de manière critique (p. 104).

L’eurocentrisme ancré dans les théories critiques entrave le processus de « réflexion » sur la nature du « problème social » exploré. Par conséquent, les « actions » proposées ne facilitent pas la praxis libératrice car elle ne peut remettre en question l’ordre mondial colonial sans le reconnaître. Les analyses eurocentriques limitent la réflexion et favorisent le discours qui préconise des réformes technocratiques,…élargissant finalement le système carcéral.

Le féminisme noir est aujourd’hui l’une des orientations théoriques critiques les plus importantes dans le monde en raison de sa capacité unique à créer un véritable lien entre la théorie et la pratique. En tant que perspective décoloniale radicale, elle a apporté de nouveaux concepts et théories pour comprendre la multiplicité des oppressions et pour développer de nouvelles stratégies de libération.

Praxis abolitionniste : Alors que le processus d’effacement reproduit et préserve la colonialité, la praxis libératrice nécessite une reconnaissance de qui est le subalterne – dans la société, dans l’histoire, en politique, dans la culture et dans le discours (Darder, 2019). Le discours critique soucieux de « révéler » et de « transformer » les structures de pouvoir, tout en omettant une analyse de la colonialité, ne fait que perpétuer une « fausse générosité » (Freire, 1972, p. 44). Freire (1972) discute de l’importance de la « générosité » en tant que pratique centrale du maintien de l’oppression, car elle permet aux systèmes de domination de rester intacts. Il explique qu’« un ordre social injuste est la source permanente de cette « générosité » » (Freire, 1972, p. 44). La discussion sur les déséquilibres de pouvoir ou la reconnaissance, à elle seule, n’est pas intrinsèquement libératrice, car elle néglige un engagement vital avec la colonialité de pouvoir. Cette omission sert à obscurcir l’ampleur de l’hégémonie coloniale mondiale. La reconnaissance de l’ordre mondial comme colonial laisse la praxis abolitionniste comme le seul point d’entrée possible sur la voie de la libération et, finalement, de la décolonisation.

L’incapacité à nommer l’agenda colonial, la manière dont il a fonctionné et la manière dont il contribue à favoriser l’expansion coloniale, sert à maintenir le système intact.

Préfiguration : Une forme de pratique politique qui implique l’expérimentation intentionnelle de modes de vie et de relations avec les autres qui feraient partie de la société future souhaitée par le groupe. La « résurgence autochtone », selon Coulthard (2014), « est fondamentalement une politique préfigurative » (p. 159), où la préfiguration fait référence à la mise en œuvre, dans le présent, du futur souhaité.

La politique préfigurative est le plus souvent associée à des expériences d’organisation anti-hiérarchiques et consensuelles et contre-normatives dans la vie communautaire qui tentent de construire et de mettre en œuvre aujourd’hui les types de relations mutuelles et non exploitantes avec les autres humains et la nature non humaine – y compris des pratiques de prise de décision démocratique, de responsabilité mutuelle et de formes de propriété réinventées – qui pourraient exister dans une société utopique. Cela implique le rejet de l’utilisation des « outils du maître » pour réaliser des objectifs sociaux et politiques et tente plutôt de « construire un nouveau monde dans la coquille de l’ancien ».

PIC (Prison Industrial Complex, complexe carcéral industriel) : Terme utilisé pour désigner la relation symbiotique (c’est-à-dire étroite et mutuellement bénéfique) entre l’État et les institutions corporatives qui composent le système carcéral. Les intérêts de l’État et des entreprises en matière de contrôle social et de maximisation des profits se combinent dans un réseau en constante expansion de police, de tribunaux, de camps de détention pour migrants et de prisons, souvent gérés par des entreprises privées et réglementés par la loi.

Le PIC est basé sur un ensemble d’intérêts créés et maintenus pour soutenir le capitalisme, le patriarcat, l’impérialisme, le colonialisme, le racisme, le capacitisme et la suprématie blanche.

Voir La Prison est-elle obsolete? d’Angela Davis.

Privilège : Droit ou avantage, souvent non écrit, conféré à certains mais pas à d’autres, généralement sans examen ni motif valable. La relationalité et la violence ont suscité une observation il y a des décennies sur la façon dont l’attachement aux privilèges rend inévitablement la vie des autres plus vulnérable à la violence (Cherrie Moraga, 1993).

Chaque système bénéficie de l’extraction de profits et de statut de « l’autre » soumis.

Le privilège est un avantage ou un droit spécial, non mérité, qu’une personne est née ou acquiert au cours de sa vie. Elle est soutenue par les institutions formelles et informelles de la société et conférée à tous les membres d’un groupe dominant, en vertu de leur appartenance à un groupe.
Le privilège implique que partout où il existe un système d’oppression (comme le capitalisme, le patriarcat ou la suprématie blanche), il existe un groupe opprimé et également un groupe privilégié, qui bénéficie des oppressions que ce système met en place. Le privilège et le pouvoir sont étroitement liés : le privilège donne souvent à une personne ou à un groupe un pouvoir sur les autres.

Privilège blanc: Les privilèges blancs sont les avantages avec lesquels on naît quand on est blanc-hEs. Le terme « privilège blanc » a été utilisé pour désigner les privilèges spécifiques que possèdent les groupes blancs en raison de leur blancheur et de leur identité blanche.

Ces pouvoirs invisibles dongt les personnes bénéficiant (privilèges raciaux, capacitistes, sexistes…) ont des conséquences et des effets psychologiques néfastes de ce pouvoir sur celles et ceux qu’il opprime et, surtout, sur celles et ceux qui l’exercent. Un manque d’empathie et une incapacité à faire preuve de compassion apparaissent chez les individus détenant un pouvoir sociopolitique et culturel. Cette expression met par ailleurs en avant le fait que le racisme reste une relation entre groupes sociaux, l’avantage des uns dépendant du désavantage des autres.

Terme popularisé par la chercheuse Peggy McIntosh, l’expression de « privilège blanc » renvoie à l’ensemble des avantages invisibles mais récurrents dont bénéficient les personnes blanches uniquement parce qu’elles sont blanches.

Psychologie critique: La psychologie de la libération est née en Amérique latine dans les années 1980. Il s’agit d’une psychologie critique axée sur l’action, qui prend parti pour les populations opprimées du continent. Le créateur de cette approche, Ignacio Martín-Baró, a pratiqué la psychologie dans le contexte de la guerre civile salvadorienne, devenant lui-même victime de la répression de l’État. Les conséquences des conflits sociaux sont depuis lors devenues un thème important de la psychologie de la libération. D’autres domaines d’intérêt ont été la psychologie sociale communautaire, mettant l’accent sur le rôle des mouvements sociaux, ainsi que sur les commentaires et critiques sociaux et politiques.

La critique décoloniale et la criticité qui sont au cœur de la psychologie de la libération permettent d’interroger ce qui est conçu comme naturel, normal et statique.

La psychologie critique tente de corriger les erreurs de la psychologie dominante, mais les façons dont les différentes psychologies critiques ont compris et tenté cette tâche ont grandement varié selon les travailleurs et les endroits. La psychologie critique est née en grande partie de ce que l’on a appelé la « crise de la psychologie sociale » datant de la fin des années 1960 jusqu’aux années 1970. La psychologie sociale dominante, anglophone (et surtout nord-américaine), largement expérimentale, a été critiquée comme étant largement inadaptée aux besoins et aux contextes humains réels, et parce qu’elle supposait à tort que ses méthodes permettaient la découverte de principes, de processus et même de lois fondamentaux du comportement humain, qui pourraient être généralisés à toutes les situations. À cette critique, en grande partie issue de la psychologie sociale, se sont ajoutées des préoccupations connexes, par exemple concernant les abus de la psychologie et la médicalisation de la détresse dans le système de santé mentale (anonyme, années 1970 s.d.).

Dans le processus même de discussion sur les réductions des soins de santé et la pénurie de lits dans les établissements psychiatriques, par exemple, conduisant à un « recours accru » aux forces de l’ordre, on assiste à un effacement des racines historiques de la psychiatrie dans l’application du droit colonial ( Kanani, 2011). La psychiatrie est positionnée comme « innocente » dans le projet de criminalisation, plutôt que comme une discipline typiquement coloniale qui a été chargée non seulement de rationaliser la violence, mais aussi de l’infliger aux peuples racialisés/colonisés (Joseph, 2015).

Une orientation vers la libération prétend que nous devons incarner la responsabilité décoloniale envers les communautés marginalisées. En tant qu’alliés et complices des communautés qui sont des agents de changement, les psychologues doivent « ancrer leurs connaissances dans l’expérience vécue (expérience vécue), la réalité quotidienne et la récupération de la mémoire historique des individus et des communautés opprimés » (Comas-Díaz & Torres Rivera, 2020, p. 8) dans le but d’actualiser la justice transformatrice et la guérison intergénérationnelle, caractéristiques clés d’El Mundo Zurdo (Gloria Anzaldúa). Pour réparer les souffrances et les injustices systémiques, les psychologues doivent s’engager dans des actions qui renforcent, élèvent et soutiennent les communautés, tout en co-créant les conditions qui affirment leur pouvoir. Cette conceptualisation de la psychologie de la libération relie une perspective intersectionnelle critique (Comas-Díaz, Hall et Neville, 2019 ; Neville et al., 2021) avec un point de vue décolonial (Reyes Cruz et Sonn, 2011) vers l’abolition où la justice ne repose pas sur la dualité ou dialectique de l’injustice, de la rareté et de la précarité. Au lieu de cela, la libération est l’abolition, l’abolition est la justice, et la justice est l’affirmation de notre coexistence pour prospérer (Jesica Siham Fernández).

Montero et ses collègues (2017) proposent quatre piliers pour une psychologie orientée vers la libération qui servent de prescription pour l’abolition:

Le premier pilier est la désillusion face à la perspective eurocentrique de la psychologie. Deuxièmement, un engagement critique réactif qui vise à perturber la recherche et les théories psychologiques hégémoniques. Troisièmement, reconstruire la psychologie en incluant des perspectives réduites au silence et des groupes en marge. Et enfin, des conditions émancipatrices, qui s’alignent sur l’abolition.

Psychologie décolonialeL’existence de la psychologie dépend en grande partie de l’ancrage institutionnel de la discipline dans l’ordre colonial capitaliste racial (voir R. Roberts, 2015), ce qui rend sa dissociation de la modernité euro-américaine une tâche délicate, voire impossible. Les disciplines universitaires et de santé comme la psychologie sont des produits coloniaux, et nous ne devons pas nous faire d’illusions quant à leur potentiel décolonial. La psychologie n’a jamais déterminé ni dirigé les luttes décoloniales. Le plus souvent, une psychologie décoloniale centrée sur l’Afrique exigera que les psychologues cherchent leur impulsion et leur inspiration au-delà de leur discipline.

Décoloniser la psychologie signifie nommer et rendre visibles les structures durables du pouvoir colonial, de la violence et des injustices qui ont façonné la vie des peuples du Sud, en dissociant intentionnellement les systèmes de connaissances coloniales modernes, en annulant les conséquences néfastes du colonialisme et de la colonialité inhérentes aux Épistémologies WEIRD/euro-américaines et « modernes ».

Depuis sa création, les sciences et la pratique psychologiques ont été principalement encadrées par des épistémologies eurocentriques. En conséquence, les opprimés ont intériorisé la conviction que leur culture et leurs valeurs sont inférieures à celles des groupes dominants. L’infusion d’un angle de décolonisation dans la psychologie est un moyen pour le domaine de devenir plus inclusif et pertinent pour la majorité numérique dans le monde entier.

Le travail est décolonial dans la mesure où il s’appuie sur la compréhension locale comme un outil de résistance contre l’imposition impérialiste de formes hégémoniques. Les perspectives décoloniales mettent les psychologues au défi de considérer le côté obscur colonial de ces façons d’être modernes.

Le travail est décolonial dans la mesure où il situe la source des blessures au-delà de la psychopathologie individuelle pour se concentrer plutôt sur les dommages que la violence coloniale a causés et les réalités culturelles des sujets ou sociétés colonisées.

Les perspectives décoloniales mettent les psychologues au défi de guérir le traumatisme psychologique de la violence coloniale, de résister à la mentalité coloniale et à son reflet dans les illusions de la suprématie blanche, et d’éclairer des alternatives durables aux manières d’être individualistes modernes.

Un élément crucial du projet de décolonisation est d’étudier les « processus et mécanismes » (Dutta et al., 2016, p. 6) à travers lesquels les structures inégales et oppressives sont internalisées en tant qu’expériences individuelles (Bathia et Priya).

Des perspectives décoloniales qui permettent de révéler les formes internes de colonialité qui produisent l’oppression et la souffrance sociale.

La psychologie décoloniale crée un espace et des méthodes permettant aux communautés opprimées et appauvries d’imaginer radicalement leur existence en dehors des frontières superposées de la colonialité, du néolibéralisme, du racisme et d’autres systèmes d’oppression.

Contrairement à la psychologie hégémonique qui se fonde sur des milieux blancs/occidentaux, éduqués, industriels, riches et réputés démocratiques (WEIRD), les perspectives décoloniales se concentrent sur les expériences de la majorité marginalisée des personnes vivant dans les milieux anciennement colonisés ou racialement marginalisés du Sud global. Une perspective décoloniale centrée sur l’Afrique/les africainEs considère les contextes africains comme des points de vue épistémiques privilégiés et tourne la lentille analytique pour repenser les expressions psychologiques de la modernité WEIRD à partir de ce point de vue.

[R]

Race: Quijano soutient que « l’idée de race » constituait « l’instrument de domination sociale le plus efficace » jamais inventé. Les théoriciens de la CRT rejettent l’idée de la race en tant que catégorie biologiquement fixée. La race est plutôt définie comme une construction sociale. Sur les questions de race et de suprématie blanche, nous vivons toujours dans un monde façonné par les idées des Lumières (Jamelle Bouie).
La race est une façon de penser basée sur l’idée que des groupes de personnes partagent des caractéristiques physiques et/ou culturelles héréditaires. Ceux-ci sont supposés fixes et immuables, et ces groupes sont différenciés hiérarchiquement. Des idées tirées de la biologie, de la culture, du nationalisme et de la religion sont tissées ensemble pour généraliser à des populations entières. Plutôt que d’être une identité, comme le disait le penseur afro-américain pionnier W.E.B. Du Bois, la race peut être comprise comme un « insigne » imposé à ceux qui sont obligés de le porter (Du Bois, 1940). Politiquement, la race s’adapte au temps et aux circonstances. De manière générale, il s’agit d’un outil de gestion des différences humaines à des fins d’exploitation et de domination qui sert à maintenir la suprématie blanche (Lentin, 2018). En tant qu’outil de pouvoir, la race entre en vigueur dans les régimes de colonisation, d’esclavage et d’apartheid, mais aussi sur le marché du travail, dans les politiques migratoires, etc. Il est mis en œuvre au sein des États, des gouvernements et des institutions, telles que la police, l’éducation, les soins de santé et la protection sociale, pour gérer les personnes et les délimiter.
Voir  #UnderstandingRace sur www.alanalentin.net

Racial ableism : Il y a un manque de reconnaissance des liens entre le racisme et le capacitisme au sein de notre société. On pense souvent que le capacitisme est une forme et un système d’oppression totalement distincts. Toutefois, cela ne tiendrait pas compte des expériences de personnes de couleur qui souffrent de handicaps et d’antécédents, car elle est souvent utilisée comme moyen de justifier une discrimination à l’égard des minorités et des groupes ethniques.

Voir Capacitisme racial, Discrit.

Racialisation : La racialisation fait référence aux processus historiques et contemporains par lesquels une personne, un groupe de personnes, ou un contexte, une situation ou un problème est amené à être « une question de race » (Murji et Solomos, 2005). La racialisation est une façon de parler de la race en action ; les pratiques, les discours et les modes de pensée qui conduisent à ce que des groupes et des individus soient traités de manière discriminatoire, exploitante ou violente en raison de présupposés sur qui ils sont et leur place dans la société par rapport à la norme raciale. La racialisation implique donc une relation entre autochtones et non-autochtones, blancs et non-blancs, colonisateurs et colonisés. Il est utile de parler de racialisation positive et négative. Cela nous permet de considérer les Blancs comme étant racialisés plutôt que comme « sans race ». Un exemple de racialisation dans la pratique est le traitement différentiel réservé aux citoyens australiens et aux résidents d’origine indienne qui ont tenté de rentrer en Australie pendant les confinements dus au Covid-19 en 2021. Des interdictions similaires n’ont pas été imposées aux ressortissants des États-Unis et d’Europe, malgré des risques de santé équivalents.

Le terme racialisation trouve son origine dans le livre du psychiatre martiniquais, anticolonialiste et panafricaniste Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs (Fanon & Markmann, 1967). Il y oppose l’expérience d’être racialisé à celle d’être humanisé. Pour Fanon, l’expérience vécue d’être noir à l’époque coloniale moderne signifie être objectivée. Il explique l’incapacité des peuples noirs colonisés à développer une compréhension d’eux-mêmes en dehors des visions négatives que leur prête le colonisateur. Ainsi, pour Fanon, être racialisé signifie ne pas être considéré comme pleinement humain.

Supposons que nous comprenions que la fonction première de la racialisation est de gérer les différences dans le but de maintenir les niveaux d’inégalité et de faciliter l’exploitation de certains groupes, par exemple les travailleurs migrants ? Dans ce cas, l’utilité et l’endurance des courses cessent d’être un mystère. Au lieu d’aborder le racisme comme un problème de mauvaises attitudes individuelles ou de manque d’éducation, les antiracistes peuvent mieux utiliser notre temps en analysant et en exposant comment et pourquoi la race devient importante dans des situations d’inégalité et d’exploitation. Ruth Wilson Gilmore et Craig Gilmore ont attiré l’attention sur la manière dont l’État gère activement les catégories raciales. Ils appellent ce processus la racialisation (racialisation process).

La racialisation est un processus qui invente et attribue des caractéristiques raciales, crée des catégories raciales et place les gens au sein de celles-ci. Bien qu’il soit possible de parler d’individus qui racialisent les autres par leurs actions et leurs attitudes, il est préférable de considérer la racialisation comme un processus structurel plutôt qu’individuel. Il ne s’agit pas seulement d’actes individuels consistant à donner à des personnes ou à des choses (par exemple la criminalité, les renseignements) ayant un caractère racial, mais implique plutôt un processus collectif systématique. Ainsi, par exemple, le fait que mes enfants d’origine mixte soient considérés comme blancs par une personne isolée ne les rend pas automatiquement blancs. Cependant, le fait qu’ils aient une peau plus foncée et des cheveux plus bouclés que leurs camarades de classe et qu’ils soient susceptibles d’être jugés comme non blancs et traités différemment peut être considéré comme faisant partie d’un processus de racialisation qui fait qu’il est vrai qu’ils ne sont pas blancs. La racialisation peut être considérée comme la fonction première de la suprématie blanche.

L’anti-racialisme est une forme de déni racial, « caractérisée par une amnésie historique, à travers laquelle les histoires du colonialisme et de l’esclavage ne sont pas considérées comme importantes pour la manière dont la race fonctionne dans l’Europe contemporaine » (Boulila, 2019, p. 1408).

Voir #UnderstandingRace sur www.alanalentin.net

Racialisation différentielle: Processus par lequel les groupes raciaux et ethniques sont perçus et traités différemment par la société dominante.

Racisme : Si les relations racistes étaient uniquement le fait des gens du passé, le racisme ne serait pas aussi redoutable qu’il l’est aujourd’hui. On pourrait le considérer comme un élément de la poubelle historique et un vestige d’une société cruelle. Si le racisme n’était que le problème des « mauvais Blancs », alors les mauvais Blancs d’aujourd’hui sont soit plus nombreux que les « bons Blancs », soit plus puissants que ceux-ci. La question devient alors : qui sont ces mauvais Blancs ? La position d’un bon Blanc doit être de déclarer que le racisme concerne toujours les « autres Blancs », peut-être « ces Blancs de la classe ouvrière ». C’est un alibi général pour créer le « raciste » comme étant toujours l’autre, le soi étant une exception. Comme il existe très peu de Blancs qui se croient réellement racistes, alors fondamentalement personne n’est raciste et le racisme disparaît plus vite que nous ne pouvons le décrire. Nous vivons dans une situation où le racisme prospère en l’absence de racistes (Racisme sans racistes; Bonilla Silva, 2003). Il doit y avoir une explication alternative : en général, les Blancs recréent leur propre suprématie raciale, malgré les bonnes intentions. (Léonard, 2004, pp. 143-44)

Audre Lorde (2007, p. 115) définit le racisme comme «la croyance en la supériorité inhérente d’une race sur toutes les autres et ainsi le droit à la domination». Comme la science, les systèmes juridiques justifient également les hiérarchies raciales et hiérarchisent la blancheur (Harris, 1993). 

L’une des principales contributions de la Critical Race Theory (CRT) est le fondement théorique et le soutien juridique de l’idée selon laquelle le racisme est une caractéristique endémique et permanente. « Une prémisse centrale du CRT est que le racisme est un élément normal et ordinaire de notre société, et non une aberration » – Adrien Wing

Si le racisme est l’idéologie pour situer des personnes spécifiques dans des endroits subordonnés, alors le capacitisme est la manière dont cet objectif est atteint : en situant l’apprentissage, la pensée et les comportements des Noirs et des POCs comme « moins que » et « inférieurs ». – Dr. Subini Ancy Annamma

La géographe afro-américaine et abolitionniste Ruth Wilson Gilmore écrit que le racisme est « la production et l’exploitation sanctionnées par l’État et/ou légales des vulnérabilités différenciées des groupes à une mort prématurée » (Gilmore, 2007). En d’autres termes, le racisme met les gens en danger en fonction de la manière dont ils sont traités en tant que groupe par l’État ou d’autres institutions au fil du temps. Cette façon de voir le racisme met l’accent sur les expériences réelles des personnes confrontées au racisme. Le racisme les touche parce que des conditions politiques, économiques et sociales indépendantes de leur volonté compromettent leur qualité ou leur longévité (Brooks, 2006). Le racisme se manifeste de multiples manières (voir les autres définitions).

Racisme daltonien (color blind racism, Daltonismo Racial): Croyance qu’il faut traiter toutes les personnes de manière égale, sans aucun égard vis à vis de leur race.

L’idéologie du daltonisme – ou être « aveugle » à la couleur – prétendre ne pas remarquer la race dans le but de ne pas paraître raciste, affirme que mettre fin à la discrimination nécessite simplement de traiter les individus de la manière la plus égale possible, sans tenir compte de la race, de la culture ou de l’origine ethnique. Le daltonisme, en ignorant les façons cumulatives et durables par lesquelles la race façonne inégalement les chances et les opportunités de vie des personnes de différents groupes, renforce et maintient en fait un statu quo inégal. En laissant en place les inégalités structurelles, le daltonisme est devenu le « nouveau racisme ». Il ignore également les attributs culturels que les gens valorisent et méritent de voir reconnus et affirmés.

La conviction que le racisme n’est plus un problème et que nous avons tous des chances égales. Les personnes qui souscrivent aux explications des daltoniens prétendent qu’elles ne voient pas la couleur de la peau des gens et croient que tout le monde est égal. Le daltonisme nous empêche de voir les causes historiques de l’inégalité raciale et la façon dont l’inégalité raciale persiste dans notre société. Il est essentiel de noter que le racisme daltonien ne permet pas aux communautés de couleur de célébrer leurs traditions héritées ou leur fierté culturelle, ni d’évaluer les barrières historiques qui n’ont pas accordé à la plupart des groupes le privilège de la blancheur.

« Le daltonisme racial est la nouvelle musique raciale sur laquelle tout le monde danse, le ‘nouveau racisme’ est subtil, institutionnalisé et apparemment non racial. » – Emilio Bonilla-Silva.

Racisme environnemental: Le racisme environnemental est l’impact disproportionné des dangers environnementaux sur les personnes de couleur. La justice environnementale est la réponse au racisme environnemental. Le mouvement pour la justice environnementale ne cherche pas simplement à redistribuer les dommages environnementaux, mais à les abolir.

Racisme institutionnel: Le problème le plus important auquel sont confrontées les personnes de couleur est le racisme institutionnel et culturel qui se traduit par une discrimination dans l’accès aux services, aux biens et aux opportunités. Le racisme institutionnel implique des politiques, des pratiques et des procédures d’institutions qui ont un effet négatif disproportionné sur l’accès des minorités raciales aux biens, aux services et aux opportunités et sur la qualité de ces biens. Le racisme systémique est la base du racisme individuel et institutionnel ; c’est le système de valeurs qui est ancré dans une société qui soutient et autorise la discrimination. Le racisme institutionnel et systémique établit des barrières séparées et indépendantes. Le racisme institutionnel ne résulte pas nécessairement d’une action ou d’une intention humaine. Ainsi, la discrimination raciale peut se produire dans les institutions même lorsque l’institution n’a pas l’intention de faire des distinctions sur la base de la race. Dans le contexte du racisme, le pouvoir est une condition préalable nécessaire à la discrimination. Le racisme dépend de la capacité à accorder ou à refuser des avantages sociaux, des installations, des services, des opportunités, etc., à une personne qui y a droit, et qui est refusé en raison de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale. La source du pouvoir peut être formelle ou informelle, légale ou illégale, et ne se limite pas aux concepts traditionnels du pouvoir. L’intention n’est pas pertinente ; l’accent est mis sur le résultat du comportement. (source: ejnet.org)

Le racisme institutionnel est étroitement lié au racisme systémique. Selon Kwame Ture et Charles Hamilton dans leur livre Black Power, le racisme institutionnel est un concept qui attire l’attention sur les conditions systémiques qui produisent des actions et des attitudes racistes (Ture & Hamilton, 1969). Cela va à l’encontre de la thèse des « quelques pommes pourries », l’idée selon laquelle le racisme est simplement le fait d’actions ou de croyances d’individus ignorants ou extrémistes. Au contraire, c’est l’institution elle-même qui produit et cautionne ces attitudes et comportements.

Racisme inversé : N’existe PAS. Il existe des hypothèses et des stéréotypes à propos des Blancs. Cependant, ces hypothèses et stéréotypes sont des exemples de préjugés raciaux. Les expressions de telles hypothèses ne constituent pas du racisme parce qu’elles ne sont pas appuyées par le pouvoir ou l’autorité nécessaire pour affecter les croyances largement répandues à propos du groupe, ou pour affecter l’autorité, les privilèges et l’accès aux ressources et au pouvoir des Blancs.

Un terme utilisé par les Blancs pour nier leur privilège blanc. Celles et ceux qui nient utilisent le terme « racisme inversé » pour désigner le comportement hostile des personnes de couleur à l’égard des Blancs, et en particulier les programmes d’action positive qui accorderaient prétendument un « traitement préférentiel » aux personnes de couleur par rapport aux Blancs. Le « racisme inversé » n’existe pas.

Le concept de « racisme inversé » a été inventé par le ségrégationniste George Wallace lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 1968. Le terme était le fondement idéologique de la « Stratégie du Sud », qui utilisait le ressentiment raciste des classes blanches non dirigeantes contre le Mouvement de libération des Noirs pour éloigner les Blancs du parti démocrate. L’effort a été couronné de succès : dix millions de Blancs ont voté pour Wallace, et Midwest.

Racisme scientifique : Le racisme scientifique est une idéologie qui s’approprie les méthodes et la légitimité de la science pour défendre la supériorité des Européens blancs et l’infériorité des personnes non blanches dont le statut social et économique a été historiquement marginalisé. Comme l’eugénisme, le racisme scientifique est né de :

– le détournement des progrès révolutionnaires de la médecine, de l’anatomie et des statistiques aux XVIIIe et XIXe siècles.
– la théorie de Charles Darwin sur l’évolution à travers le mécanisme de la sélection naturelle.
– les lois de l’héritage de Gregor Mendel.

Les théories eugénistes et le racisme scientifique ont été soutenus par la xénophobie, l’antisémitisme, le capacitisme, le sexisme, le colonialisme et l’impérialisme contemporains, ainsi que par les justifications de l’esclavage, en particulier aux États-Unis.

Racisme structurel: La normalisation et la légitimation d’un ensemble de dynamiques – historiques, culturelles, institutionnelles et interpersonnelles – qui profitent régulièrement aux Blancs tout en produisant des résultats négatifs cumulatifs et chroniques pour les personnes de couleur. Le racisme structurel englobe l’ensemble du système de domination blanche, diffusé et infusé dans tous les aspects de la société, y compris son histoire, sa culture, sa politique, son économie et l’ensemble du tissu social. Le racisme structurel est plus difficile à localiser dans une institution particulière car il implique les effets de renforcement de multiples institutions et normes culturelles, passées et présentes, reproduisant continuellement d’anciennes formes de racisme et produisant de nouvelles formes de racisme. Le racisme structurel est la forme de racisme la plus profonde et la plus répandue – toutes les autres formes de racisme émergent du racisme structurel. Par exemple, nous pouvons constater un racisme structurel dans les nombreux facteurs institutionnels, culturels et structurels qui contribuent à réduire l’espérance de vie desn oirs par rapport aux blancs. Il s’agit notamment d’une exposition plus élevée aux toxines environnementales, d’emplois dangereux et d’un parc de logements insalubres, d’une exposition plus élevée et de conséquences plus mortelles en cas de réaction à la violence, au stress et au racisme, de taux plus faibles de couverture des soins de santé, d’accès et de qualité des soins, et de refus systématique de la part des autorités. la nation pour réparer ces choses.

Aux Etats unis, dans les années 1990, les communeutés noires se sont démenées pour éloigner les dirigeants à prédominance blanche de l’idée selon laquelle le racisme ne concernait que les gens en cagoules blanches (KKK) et les skinheads, en essayant de leur faire comprendre les bases mêmes du fonctionnement du racisme institutionnel.

Ce terme est parfois utilisé de manière interchangeable avec le terme « racisme systémique ».

Racisme systémique : Le sociologue américain Joe Feagin décrit le racisme systémique comme une « réalité matérielle, sociale et idéologique bien ancrée » dans des sociétés comme l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie (Feagin, 2006). Elle opère au sein de « relations de groupe, d’institutions, d’organisations, de structures de pouvoir » (Feagin & Elias, 2013). Le terme racisme systémique est utilisé pour attirer l’attention sur le fait que le racisme n’est pas seulement une question d’attitudes, de croyances ou de comportements individuels, mais que ceux-ci sont façonnés par leurs interactions au sein des systèmes racistes. Le racisme systémique donne naissance à des institutions qui reproduisent des relations de pouvoir hiérarchiques et asymétriques entre des groupes racialisés différents, désavantageant naturellement les personnes racialisées négativement.

Radical : Radical est un mot provenant du latin tardif radicalis et du latin radix signifiant racine. Radical signifie aller à la racine du problème, chercher les racines de la façon dont l’oppression est maintenue pour tenter d’y mettre fin. Mais… les personnes marginalisées sont les dernières auxquelles on pense pour articuler son discours soi-disant radical.

Réflexivité critique : Parce que nous sommes constamment confrontéEs à une société blanche paternaliste qui se parle à elle-même et avec qui les personnes les plus impactées n’ont pas encore acquis cette légitimité à être reconnues comme des êtres pouvant s’engager dans une auto-réflexivité: La réflexivité critique est définie comme la capacité à réfléchir sur sa propre perspective et ses présuppositions et hypothèses de longue date dans le but de comprendre comment ces aspects de l’identité sont socialement construits via une réflexion critique. L’acte de réfléchir à la façon dont une personne navigue dans le monde en comprenant la localisation, la positionnalité et l’intersectionnalité. L’acte de remettre en question et de remettre en question ses propres hypothèses, pensées et actions, en particulier en ce qui concerne l’engagement avec les autres et la dynamique de pouvoir qui est intégrée dans ces interactions.

Réformes abolitionnistes : des changements qui réduisent l’état carcéral et nous rapprochent de l’abolition, par opposition aux réformes réformistes.

Réformes réformistes : Des changements qui prétendent réduire l’état carcéral mais qui en fait l’accroissent ou le renforcent.

Responsabilite communautaire : Nous réagissons aux comportements oppressifs comme s’ils étaient localisés au sein de l’individu, plutôt que de les comprendre comme étant liés à des systèmes plus larges. Comprendre ces racines sociales de la violence nous fait prendre conscience que le problème dépasse le cadre individuel et que nous sommes tous-tEs impliqués dans les structures à l’origine des problèmes. Cela nous donne la capacité de nous responsabiliser et de travailler à la transformation des racines.

Ce sont les personnes les plus touchées par la violence, qui en savent le plus sur les personnes impliquées dans la violence, qui comprennent la culture et les ressources de la communauté et qui, en fin de compte, ont le plus à perdre de la violence et le plus à gagner en y mettant fin (Creative Intervention). Plutôt qu’un acte individuel, la responsabilisation est un processus continu visant à modifier, à remettre en question et à perturber les comportements nuisibles et les systèmes qui encouragent ces comportements.

Les stratégies de responsabilité communautaire et de justice transformatrice sont antérieures au maintien de l’ordre et continuent d’être développées pour lutter contre la violence au sein des communautés de couleur, pour lesquelles appeler la police entraîne souvent moins de sécurité et plus de violence. Ces stratégies sont multiples et créatives alors que les gens cherchent et trouvent des moyens d’éduquer et de prévenir la violence, de soigner les survivants de la violence, d’intervenir pour mettre fin aux préjudices, de demander des comptes aux gens et de créer des communautés sûres sans police ni prison (INCITE !). Janae E. Bonsu considère ces communautés comme faisant partie de « nos rêves de liberté collective » et comme une continuation du travail que les femmes noires ont accompli dans le passé (dans Dixon & Piepzna-Samarasinha, 2020, p. 49).

Le mot « communauté » reconnaît que ce ne sont pas seulement les individus mais aussi les communautés qui sont touchés par la violence. La violence interpersonnelle n’est pas seulement un problème individuel, mais un problème communautaire.

Les Blancs choisiront vraiment de tout brûler plutôt que d’avoir une conversation difficile. Les femmes blanches choisiront aussi d’utiliser leurs larmes « blanches » comme une arme plutôt que d’envisager de s’engager dans une véritable responsabilité et c’est pourquoi le monde est ainsi. (DrBlackDeer).

La résolution des conflits et la responsabilité communautaire à travers une lentille féministe queer noire doivent éviter de reproduire des logiques punitives et carcérales, qui sont intrinsèquement racistes, classistes, homophobes, transphobes et misogynes […] La responsabilité communautaire met l’accent sur la croyance dans la capacité des individus à se transformer et à grandir et ne considère pas les individus comme jetables […] une politique féministe queer noire approfondit notre analyse des problèmes, nécessite de centrer les marges dans nos stratégies et nos solutions […] Nous comprenons qu’il ne peut y avoir de solution en dehors du démantèlement complet de l’État colonial (Beyond survival p. 23).

Une communauté diverse et inclusive qui centre les plus vulnérables aux dommages est essentielle pour envisager et adopter l’abolition. L’abolition peut aussi commencer avec nous car la transformation en nous-mêmes est essentielle. Idéalement, l’abolition impulse l’idée de ne pas se focaliser sur les individus, mais axée sur la communauté. Il est donc logique d’abolir les systèmes structurellement violents en tant que communauté plutôt qu’en tant qu’individu.

Les traditions amérindiennes, par exemple, comprennent que les responsabilités au sein d’une communauté interdépendante établissent une démocratie naturelle qui privilégie l’égalité et nie la dévalorisation de tout être.

Selon INCITE !, la responsabilité communautaire est un processus dans lequel une communauté travaille ensemble pour faire les choses suivantes :

  • S’engager en faveur du développement continu de tous les membres de la communauté, et de la communauté elle-même, afin de transformer les conditions politiques qui renforcent l’oppression et la violence.
  • Assurer sécurité et soutien aux membres de la communauté qui sont violemment ciblés, dans le respect de leur autodétermination.
  • Créer et affirmer des valeurs et des pratiques qui résistent aux abus et à l’oppression et encouragent la sécurité, le soutien et la responsabilité
  • Développer des stratégies durables pour lutter contre les comportements abusifs des membres de la communauté, en créant un processus leur permettant de rendre compte de leurs actes et de transformer leur comportement.

Les stratégies de responsabilité communautaire et de justice transformatrice sont antérieures au maintien de l’ordre et continuent d’être développées pour lutter contre la violence au sein des communautés de couleur, pour lesquelles appeler la police entraîne souvent moins de sécurité et plus de violence.

Des ressources sur Critical Resistance.

[S]

Sanisme : Système d’oppression contre les personnes souffrant (ou soupçonnées d’avoir) des troubles de santé mentale ou des troubles psychiatriques. Le sanisme est lié à la pathologisation (définition comme anormale ou malade) de différentes manières de vivre le monde, souvent d’une manière définie comme opprimante via le racisme, le sexisme, le colonialisme, l’hétérosexisme et la normativité de genre. Le sanisme a été utilisé pour justifier l’institutionnalisation, la perte des droits légaux et d’autres violences.

Le sanisme repose sur l’idée fondamentalement erronée selon laquelle la simple existence de la folie menace la sécurité et l’ordre de la société. En conséquence, la question de savoir « que faire » face à la folie suscite des « solutions » qui privilégient les pratiques coercitives et carcérales aux dépens de l’individu en détresse. Le principe du sanisme repose largement sur des perceptions culturelles erronées du danger et du désordre, une sorte d’imaginaire culturel pré-limitatif caractérisé par l’objectif politique central de l’exclusion, justifié par la pathologie et renforcé par l’expertise médicale professionnelle.

Un principe idéologique clé du sanisme : ceux qui peuvent être « guéris » par des interventions biomédicales deviennent des « vivants en bonne santé », capables de retourner au travail, à la vie et à la liberté avec un soutien pharmaceutique. Ces « vivants en bonne santé » sont considérés comme réhabilités, capables de réintégrer la société en tant que membres utiles (c’est-à-dire productifs). Le sanisme représente la préférence imaginée pour les vivants en bonne santé. Le résultat de cette compréhension dualiste de « maladie mentale légère ou grave » est que ceux qui ne peuvent pas répondre aux attentes des psychiatres en matière de réadaptation sont considérés comme irrémédiablement endommagés, et donc catégoriquement dépouillés de leur personnalité, de leur capacité d’action et de leur autonomie.

Sanisme carcéral : Le « sanisme carcéral » – un terme de Liat Ben-Moshe reflétant les préférences et attitudes carcérales qui ont produit et maintenu cette institutionnalisation massive – constitue la preuve de ce que nous avons appelé l’abandon extractif, empruntant à « l’abandon organisé » de Ruth Wilson Gilmore et à l’idée de Marta Russell du « modèle monétaire du handicap » pour comprendre les incitations financières et macroéconomiques à l’origine de l’institutionnalisation.

Sauveur blanc (white savior) : La plupart des sauveurs ne peuvent pas s’identifier aux expériences de ceux qu’ils « aident » et ils ne peuvent pas entendre ces gens parce qu’ils ne disent pas ce que le sauveur veut entendre. Cette idée de sauveur blanc ou de paternalisme est extrêmement importante pour l’agenda impérialiste. L’un des plus grands mythes de la modernité occidentale, du développement capitaliste et de l’eurocentrisme est la conviction que l’enfer colonial imposé aux autres est la voie vers la civilisation (@Jairo_I_Funez).

« Ce monde existe uniquement pour satisfaire les besoins – y compris, et surtout, les besoins sentimentaux – des blanc-hEs […] Le sauveur blanc soutient des politiques brutales le matin, fonde des oeuvres caritatives l’après-midi et reçoit des récompenses le soir […] Le complexe industriel du sauveur blanc (WSIC) n’est pas une question de justice. Il s’agit de vivre une grande expérience émotionnelle qui valide le privilège […] Le « sentiment d’urgence » est un ensemble de tactiques suprémacistes blanches dans lesquelles la vision et la complexité à long terme sont sacrifiées au service de l’opportunisme et, en fin de compte, du renforcement de celles et ceux qui sont au pouvoir. »  — Teju Cole

Sociogénique: Le sociogénique sert à approfondir une épistémologie décoloniale du corps concernée par les multiples sources de souffrance, qui à son tour peut éclairer le chemin vers la guérison, préoccupation première des sciences médicales.

Soins abolitionnistes : La normalisation toujours croissante de l’élimination humaine (aux frontières de la forteresse, de la suprématie blanche mondiale,…), de la violence contre les gênants, les indésirables et les personnes dont les problèmes nous mettent mal à l’aise, ne peut être combattue avec une politique de statu quo. Sous le capitalisme racial, les «soins personnels» ne sont accessibles qu’aux individus privilégiés.

Les soins abolitionnistes peuvent être compris comme le travail reproductif souvent invisible et sous-évalué consistant à réimaginer et à mettre en œuvre des soins au-delà des logiques carcérales de surveillance, de punition et d’abandon d’esprits corporels marqués comme criminels ou pathologiques, en réimaginant des formes de vie au-delà de l’État colonial handicapant, carcéral et colonial.

L’abolition offre à la fois la rigueur et la possibilité de créer le monde que nous voulons si nous nous engageons à l’apprendre et à le mettre en pratique dans notre vie quotidienne, comme une véritable alternative au système carcéral, pour donner naissance au monde que nous voulons : un monde sans police ni prisons. 

Valoriser la vie humaine et les soins réciproques en opposition au soin de soi construit comme un produit de consommation, reproduisant la logique du consommateur capitaliste. Les pratiques quotidiennes de soins, d’entraide, la solidarité et l’amour radical, en dehors de la logique de l’aide humanitaire sont souvent la cible de criminalisation et répression étatique. Le couple soin/contrôle reproduit des frontières violentes.

Les principes de l’abolition se concentrent spécifiquement sur la justice des personnes handicapées et sur la manière dont les personnes handicapées queer et trans de couleur (QTPoC) contribuent à l’abolition des prisons par le biais de formes de soins abolitionnistes.

Les soins de santé sous le capitalisme, et cette incapacité à traiter les causes profondes de la détresse mentale et autres problèmes de santé contribuent à ces mêmes problèmes de santé mentale… en demandant aux travailleurs de la santé, d’accepter (et dans de nombreux cas, d’appliquer activement) cette économie, ou simplement d’essayer d’en atténuer les conséquences.

Une pratique de soins abolitionnistes souligne que nos destins sont liés et que notre libération est interconnectée. Les campagnes de défense guidées par une éthique et une pratique du soin peuvent être des stratégies puissantes pour nous conduire vers l’abolition. (Mariame Kaba)

Dans un collectif ou un groupe, les schémas de douleur peuvent indiquer le traumatisme de masse ou intergénérationnel dans lequel les personnes survivent. Cela nous oblige à nous engager dans des stratégies qui démantèlent les structures, les institutions et les systèmes qui sous-tendent et soutiennent les prisons et la police tout en mettant en place des systèmes de soins, de bien-être et de soutien qui répondent aux besoins humains et permettent aux communautés de s’épanouir. L’abolition nécessite le double travail consistant à s’engager dans ce que les abolitionnistes appellent des « réformes non réformistes » – des stratégies qui réduisent le pouvoir et la portée du système de justice pénale et réduisent notre dépendance à son égard – tout en renforçant simultanément nos compétences, nos capacités et ressources pour des systèmes alternatifs de prévention, de traitement et de réponse aux dommages.

Les communautés bienveillantes sont essentielles pour guérir et interrompre les cycles de violence à l’intérieur et à l’extérieur des espaces de mouvement. Les militantes féministes intersectionnelles cherchent à bâtir des communautés qui apportent un soutien en dehors de l’État, allant au-delà des systèmes policiers et carcéraux.

Subantern Studies: Le terme « subalterne » a été introduit dans le Cahier de prison 25 d’Antonio Gramsci (1934) et, dans son contexte original, il faisait référence au prolétariat, aux paysans et aux personnes « de rang inférieur ». Les subalternes sont une classe de personnes qui ne sont pas reconnues et donc niées par la classe élite, ni la participation à l’histoire et à la culture locales, et qui sont poussées à la marge par la domination hégémonique (Gramsci, 1934).

Les études subalternes résistent à cela en partant et en centrant les histoires de communautés marginalisées et/ou effacées (non documentées dans les historiographies dominantes) des archives coloniales. En lire plus sur Global Social theory.

Subjectivité : « Sujet » est un mot philosophique désignant une personne. Dire que quelque chose est « subjectif », c’est dire que cela dépend de la façon dont les choses apparaissent du point de vue particulier d’une personne. Le terme « subjectivité » fait généralement référence au fait d’avoir un esprit et une perspective sur le monde.

Parler des gens comme de « sujets » fait ressortir leur statut d’êtres avec un point de vue sur le monde socialement formé. Nos façons de penser et de percevoir le monde dépendent de nombreuses manières complexes de nos expériences sociales, qui peuvent différer selon notre « position de sujet », c’est-à-dire où nous nous positionnons dans la société par rapport à diverses lignes croisées (ou « axes ») d’oppression, telles que le genre, la sexualité, la race, la classe sociale et le handicap, ainsi que la situation géographique et historique.

Voir Intersubjectivité

Sud Global (vs. Nord global): Le terme Global Sud (ou Global South) en tant qu’espace géographique et projet politique rappelle continuellement que la colonisation n’a pas cessé lorsque les drapeaux des nations européennes ont été remplacés par ceux des nations colonisées. Le colonialisme et la construction d’empires ont été créés à partir de la conquête de plusieurs siècles de vastes régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine et de l’exploitation de la main-d’œuvre locale, de l’extraction de matières premières, de la participation au génocide des peuples autochtones, de la mise en œuvre de lois économiques et sociales injustes et de l’imposition de lois économiques et sociales injustes. (Bhatia and Priya)

Termes utilisés pour désigner une large distinction entre les nations riches d’Europe (principalement) et d’Amérique du Nord, d’une part (le Nord global), et leurs anciennes colonies, les nations pauvres d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Océanie, d’autre part (Sud global).

Les termes ne correspondent pas à une distinction géographique Nord/Sud précise : l’Australie et la Nouvelle-Zélande, par exemple, font partie du Nord global bien qu’elles soient dans l’hémisphère Sud. Ils visent plutôt à indiquer que le Nord global est riche en raison de son exploitation impériale du Sud global, qui est pauvre en raison de sa colonisation. Le terme « Sud global » est désormais utilisé à la place de l’ancien « Tiers Monde ».

Contrairement aux termes « pays développés » et « pays en développement » courants dans le discours libéral, la distinction Nord/Sud ne positionne pas le Nord comme plus avancé sur la voie du progrès humain.

Supercrip : Eli Clare a partagé le Supercrip ainsi nommé par la communauté des personnes handicapées pour deux expériences différentes de capacitisme :

  • Les personnes handicapées ne sont considérées comme utiles que lorsqu’elles accomplissent des tâches surhumaines (comme escalader une montagne impossible), ou
  • Les gens sont félicités pour la vie quotidienne ordinaire, comme s’habiller ou aller faire du shopping, parce que les attentes des gens à l’égard des personnes handicapées sont très faibles.

Suprématie blanche: La suprématie blanche est un système historique et institutionnellement perpétué d’exploitation et d’oppression des continents, des nations et des peuples de couleur par les peuples blancs et les nations du continent européen ; dans le but de maintenir et de défendre un système de richesse, de pouvoir et de privilèges. Dans le discours public, la « suprématie blanche » fait généralement référence à la croyance selon laquelle les personnes blanches sont supérieures à certains égards, intellectuellement, physiquement et moralement, aux personnes d’autres races.

Cependant, une compréhension plus utile de la suprématie blanche la reconnaît non seulement comme un ensemble d’idées, mais plutôt comme un système. Dans son livre Le Contract Racial, le philosophe Charles Mills soutient que nous devrions considérer la suprématie blanche comme « le système politique sans nom qui a fait du monde moderne ce qu’il est aujourd’hui ». Il s’agit d’un système qui à la fois organise le tri des personnes en différentes catégories raciales et fonctions pour élever ceux qui sont placés dans la catégorie des Blancs (ou, pourrions-nous dire, racialisés en tant que Blancs) au-dessus des autres. Il n’a pas de nom car il n’est pas communément reconnu. Elle est spécifique au monde moderne dans la mesure où, alors que diverses idées/systèmes de catégorisation raciale hiérarchique existaient auparavant (par exemple l’idée d’Aristote selon laquelle les non-Grecs étaient des « esclaves naturels »), la catégorie de « blancheur » a été inventée et promue spécifiquement à travers les projets coloniaux européens à partir des années 1500, en partie pour écraser les rébellions conjointes entre serviteurs sous contrat et esclaves dans les plantations coloniales, et pour justifier les politiques génocidaires envers les peuples autochtones.

Cependant, s’il est important de prêter attention aux spécificités du colonialisme de peuplement américain, la suprématie blanche n’est pas seulement un phénomène américain mais mondial, le racisme étant ancré dans le fonctionnement de la plupart (sinon de la totalité) des États-nations modernes.

Contrairement au fait de considérer la suprématie blanche comme un simple ensemble de croyances explicites, cette compréhension nous permet également de voir comment les idéologies qui prétendent aller au-delà de la race peuvent en pratique contribuer à soutenir la suprématie blanche. Par exemple, les normes de « civilité » qui sont souvent utilisées pour diaboliser la protestation antiraciste, et les idéaux libéraux de « daltonisme » et d’égalité juridique formelle qui ne reconnaissent pas les désavantages systématiques, peuvent être critiqués comme suprémistes blancs dans la mesure où ils naturalisent et reproduisent l’oppression structurelle.

‘Nous devons constamment critiquer la culture patriarcale impérialiste de la suprématie blanche parce qu’elle est normalisée au quotidien par les médias de masse et rendue non-problématique. » (bell hooks)

La plus grosse arnaque de la suprématie blanche a été de convaincre les blanc-hEs qu’elle est une croyance extrémiste (suprématie blanche violente) et marginale et non le fondement sur lequel toute la « civilisation » occidentale a été construite depuis les cinq cent dernières années. » (IndigenousX).

La suprématie blanche est mondialisée en un système sur lequel les privilèges non acquis associés à la blanche signifient des dommages irréversibles et des démarquements pour ceux identifiés comme des personnes de couleur (Allen, 2001, p. 476). La suprématie blanche est un processus et un appareil permettant de rendre capables et handicapés (J. M. Reynolds, 2022).

Les aspects cachés et normalisés de la suprématie blanche qui existent par conception et prévalent dans nos cultures organisationnelles sont moins étudiés. L’intersectionnalité de la culture de la suprématie blanche (WSC – White Supremacy Culture) et du capacitisme est encore moins étudiée et plus invisibilisée et normalisée (voir An-namma, Ferri et Connor 2018 ; Brown 2017, 2021). La culture de la suprématie blanche (WSC) est « l’idéologie répandue ancrée dans les croyances, les valeurs, les normes et les standards de nos groupes (beaucoup, sinon la plupart d’entre eux), de nos communautés, de nos villes, de nos États, de notre nation, nous enseignant ouvertement et secrètement que la blancheur a de la valeur, que la blancheur est une valeur » (Tema Okun). Il nous enseigne que la noirceur n’est pas seulement sans valeur, mais aussi dangereuse et menaçante. Il nous enseigne que les peuples et les communautés autochtones n’existent plus, ou s’ils existent, ils doivent être exotisés et romantisés ou appropriés culturellement alors que nous continuons à violer les traités, les droits fonciers et l’humanité. Le capacitisme ou l’oppression du handicap se manifeste dans le colonialisme des États-Unis et le colonialisme de peuplement, où des nations entières de peuples autochtones ont été étiquetées comme mentalement déficientes ou malades et intellectuellement inférieures aux Blancs (Brown 2021 ; Chin 2021).

« Par « suprématie blanche », je ne veux pas faire allusion uniquement au racisme conscient des groupes haineux suprémacistes blancs. Je me réfère plutôt à un système politique, économique et culturel dans lequel les Blancs contrôlent de manière écrasante le pouvoir et les ressources matérielles, les idées conscientes et inconscientes de suprématie et de droit des Blancs sont répandues, et les relations de domination blanche et de subordination non blanche sont quotidiennement reproduites dans un large éventail d’institutions et de contextes sociaux. »(Ansley, 1997, p. 592)

La domination des Blancs n’est jamais établie une fois pour toutes ; elle est constamment rétablie et reconstruite par des Blancs de tous les horizons. Il ne s’agit pas d’un rapport de pouvoir assuré uniquement par l’esclavage, les lois Jim Crow ou la discrimination à l’emploi. Il ne s’agit pas d’un processus avec un début clair ou une fin prévisible (Bell, 1992). Enfin, elle n’est pas uniquement le domaine des groupes suprémacistes blancs. Elle est plutôt le domaine des gens ordinaires, tolérants, des amoureux de la diversité et des croyants en la justice (Leonardo, 2004, p. 143).

Pour survivre, la suprématie blanche dépend du capacitisme, du racisme, du sexisme, du classisme et d’autres formes d’oppression. Il convient de noter que chacune de ces oppressions est profondément enracinée dans le capacitisme. Cela signifie que les affirmations suivantes sont également vraies (T. Lewis) :
– Rien d’autre que la fin de la suprématie blanche ne mettra fin à toutes les formes de capacitisme.
– Il suffit de mettre fin à la suprématie blanche pour mettre fin au racisme.
– Rien de moins que la fin de la suprématie blanche ne mettra fin au classisme.
– Rien de moins que la fin de la suprématie blanche ne mettra fin au sexisme et au patriarcat.
– Rien d’autre que la fin de la suprématie blanche ne mettra fin au ciblage et à la haine/violence des queers, des trans, des musulmans et des migrants, et ainsi de suite.

Il ne suffit pas aux Blancs de dire « je ne suis pas raciste » ou de dénoncer après coup les violences racistes meurtrières. La suprématie blanche ne mourra pas tant que les Blancs ne la verront pas comme un problème blanc qu’ils doivent résoudre plutôt qu’un problème noir avec lequel ils doivent sympathiser.

Afin de tirer profit des privilèges et des avantages de la suprématie blanche, les Blancs doivent craindre, renier, rabaisser, ignorer, déshumaniser, exotiser, assassiner, incarcérer et se séparer de la majorité de l’humanité.

« … la suprématie blanche est leur construction, une construction dont ils ont bénéficié, et déconstruire la suprématie blanche est leur devoir » (Oluo, 2019).

« La suprématie blanche est le système politique sans nom qui a fait du monde moderne ce qu’il est aujourd’hui. Vous ne trouverez pas ce terme dans les textes d’introduction, ni même d’avancée, de théorie politique […] Mais bien qu’il couvre plus de deux mille ans de pensée politique occidentale et couvre toute la gamme apparente des systèmes politiques, il n’y sera aucune mention du système politique de base qui a façonné le monde au cours des derniers siècles. Et cette omission n’est pas fortuite. Cela reflète plutôt le fait que les manuels et les cours standards ont pour la plupart été écrits et conçus par des Blancs, qui tiennent leur privilège racial tellement pour acquis qu’ils ne le considèrent même pas comme politique, comme une forme de domination. » (Charles W. Mills, Le contrat racial, p. 1)

Suprématie blanche intériorisée : valeurs, normes, hypothèses et idéologie qui affirment la supériorité des Blancs et l’infériorité des personnes de couleur. La suprématie blanche intériorisée opère consciemment et inconsciemment dans l’esprit et le cœur de chaque personne blanche socialisée dans un système de suprématie blanche.

Suprématie chrétienne : Ce terme décrit l’imposition forcée/coercitive du christianisme aux personnes et aux communautés, et le centrage des pratiques et traditions chrétiennes au premier plan par rapport à toute autre religion ou spiritualité. Cela implique la dénonciation et la criminalisation d’autres pratiques spirituelles et/ou religieuses pour affirmer que le christianisme est la seule véritable manière de connaître Dieu/Créateur/Divinité.

Syndrome méditerranéen : En France, le syndrome méditerranéen est un terme désignant le préjugé raciste, consistant pour les soignants à considérer que les personnes de souche nord-africaine, noires, ou bien d’autres personnes d’origine étrangère exagèrent leurs symptômes et leurs douleurs, ce qui entraine une défaillance de la prise en charge médicale de ces populations. Il a aussi été appelé syndrome polonais.

Ce stéréotype se retrouve dans de nombreux pays sous des appellations différentes.

[T]

Terra Nullius : Doctrine britannique selon laquelle les terres coloniales appartenaient à la nation colonisatrice. La colonisation elle-même était fondée sur la doctrine juridique impériale de la « terra nullius », qui signifie littéralement « la terre de personne ». Pour justifier moralement la dépossession des habitants Autochtones de leurs terres, les Aborigènes et les Insulaires du détroit de Torres ont été traités comme des sous-hommes et considérés comme inférieurs par leurs conquérants européens. L’humanité des Aborigènes et des Autochtones a été effectivement niée, et l’impact de la discrimination raciale affectant leurs droits, leurs inclusions et leurs structure sociale  est toujours évident aujourd’hui.

Épistémologiquement, la colonialité fonctionne à travers un contrôle continu des terres justifié par les récits populaires de terra nullius. Ce concept faisait partie de la doctrine de la découverte développée par les colons européens blancs dans les années 1400, issue de l’idée selon laquelle la terre est vide si elle est inoccupée par les chrétiens (Gilio-Whitaker 2019)

Cette idéologie a alimenté la domination des paysages Autochtones, où les colons ont ciblé les terres agricoles et ancestrales sacrées pour créer de la richesse basée sur la propriété foncière et les politiques génocidaires (Gilio-Whitaker 2019). Comme le note Murdock (2020), il s’agit d’une série continue de préjudices structurés dans la vie quotidienne, de sorte que la colonialité n’est pas un événement singulier mais plutôt un « réseau de préjudices » (2020, p. 12). La dépossession continue se produit alors à travers une colonisation profonde, par laquelle la colonisation est ancrée dans les structures institutionnelles, les procédures et les politiques (Rose 1996 ; Maldonado-Torres 2007 ; Bonilla 2020 ; Rivera 2022). La nature quotidienne et apolitique de ces procédures renforce le colonialisme/colonialité (Sultana 2022).

Les récits de Terra nullius perpétuent ensuite la colonialité climatique à travers des armatures obstructives et en permettant l’hyper-capitalisme (Danielle Zoe Rivera and Eliza Breder; Confronting climate colonniality)

Voir aussi Destin manifeste (Manifest Destiny), Doctrine de la découverte (Doctrin of Discovery).

Théorie du changement: En centrant les communautés les plus touchées par l’eugénisme dans la programmation, le travail culturel et bien plus encore, nous travaillerons à la construction de solutions qui transforment les fondements eugéniques de la dépossession, de l’esclavage, du capitalisme racial et de la suprématie blanche.

Tournant décolonial (Deolonial Turn)« Le tournant décolonial consiste à rendre visible l’invisible et à analyser les mécanismes qui produisent une telle invisibilité ou une telle visibilité déformée à la lumière d’un large stock d’idées qui doivent nécessairement inclure les réflexions critiques des personnes « invisibles » elles-mêmes. En effet, il faut reconnaître leur production intellectuelle comme une pensée – et non seulement comme une culture ou une idéologie » (Nelson Maldonado-Torres, On the Coloniality of Being).

Traumatisme : Le traumatisme peut être défini comme « tout événement qui submerge la capacité d’une personne à faire face de manière positive » (Covington, 2016 : 2) et donc quelque chose qui est traumatisant pour une personne peut ne pas l’être pour une autre. Il est essentiel de s’interroger sur la manière dont le traumatisme est défini, qui le définit et comment il est ensuite lié à des systèmes plus larges de pouvoir et d’oppression (Becker-Blease, 2017). Les données de recherche démontrent l’importance d’une prestation de services sensible au genre et tenant compte des traumatismes (Covington 2007 ; Hopper et al., 2010), avec la nécessité de prendre en compte à la fois les expériences et les comportements dans le contexte du traumatisme (Rutter et Eden-Barnard, 2023).

Traumatisme crânien, Lésion cérébrale ; Lesión Cerebral Traumática, LCT (espagnol) ; Traumatic Brain Injury, TBI (English): Lésion cérébrale résultant d’un coup soudain et violent. Les traumatismes crâniens sont classés comme légers, modérés ou sévères et peuvent être focaux ou diffus ; c’est-à-dire à diverses parties du cerveau. Le traumatisme crânien peut avoir diverses conséquences cliniques et nuire ou entraver diverses fonctions cognitives et corporelles telles que : la mémoire, la perception, l’autoperception, la communication et la parole, entre autres ; L’anxiété, la dépression et l’isolement sont également des effets courants. Le traumatisme crânien peut entraîner des handicaps temporaires ou chroniques et, bien que dans la plupart des cas les handicaps causés par une lésion cérébrale soient invisibles, ils peuvent également être visibles comme dans le cas de : paralysie, parésie et strabisme. Il existe deux types d’impacts externes qui provoquent un TBI :
• Lésion cérébrale fermée : la tête heurte un objet ou une surface dure.
• Lacération cérébrale : un objet pénètre et fracture le crâne, blessant le cerveau.12
Utilisations :
• Les accidents d’automobile sont la principale cause de traumatisme crânien.

[U]

Ubuntu : Idéologie traditionnelle africaine de justice et d’équité fondée sur les philosophies de l’humanité, du communautarisme, de la solidarité et de l’interdépendance. Na’im Akbar a comparé métaphoriquement le cosmos africain à une toile d’araignée, expliquant que : « son moindre élément ne peut être touché sans faire vibrer l’ensemble. Tout est connecté, interdépendant. » Depuis des siècles, les Africains célèbrent les valeurs qui relient le passé et le présent ainsi que les humains et la nature. En effet, les femmes du Sud global ne se sont peut-être pas identifiées comme « écoféministes », mais elles ont une longue histoire de conscience écologique et d’obligation morale envers les générations futures.

Universalisme : En relation avec les droits de l’homme, l’idée que les droits (tels que définis dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme) sont innés pour tous les êtres humains et que, par conséquent, leurs normes s’appliquent à tous les êtres humains de la même manière, indépendamment de la situation géographique et du contexte culturel. Le système de connaissances eurocentrique a été mis à l’honneur et construit comme « naturel » et universel. Il était patriarcal, chrétien-centré, sexiste, hétéronormatif et positiviste par nature.

[W]

WEIRD: Western, Educated, Industrialized, Rich and « Democratic »

White Supremacy Culture (WSC, culture de la suprématie blanche) : Tema Okun (2021) fait référence à la culture de la suprématie blanche (WSC) comme étant « l’idéologie répandue ancrée dans les croyances, les valeurs, les normes et les standards de nos groupes (beaucoup, sinon la plupart d’entre eux), de nos communautés, de nos villes, de nos États, de notre nation, nous enseignant ouvertement et secrètement que la blancheur a de la valeur, que la blancheur est une valeur ».

Il nous enseigne que la noirceur n’est pas seulement sans valeur, mais aussi dangereuse et menaçante. Il nous enseigne que les peuples et les communautés autochtones n’existent plus, ou s’ils existent, ils doivent être exotisés et romantisés ou appropriés culturellement alors que nous continuons à violer les traités, les droits fonciers et l’humanité. Il nous enseigne que les gens au sud de la frontière sont « illégaux ». Il nous enseigne que les Arabes sont musulmans et que les musulmans sont des « terroristes ». Il nous enseigne que les personnes d’origine chinoise et japonaise sont à la fois indiscernables et menaçantes, ce qui explique la COVID. Il oppose les autres races et groupes raciaux les uns aux autres tout en les définissant toujours comme inférieurs au groupe blanc. (p. 4)

Voir la description des 15 cractéristiques de la WSC