Global Disability Justice 

R  e  s  o  u  r  c  e  s    t  o    h  e  l  p    r  e  a  c  h    s  u  r  v  i  v  o  r  s     

Un point de vue décolonial pour faire face aux mentalités individualistes « modernes » et libérales, des mentalités inadaptées à l’interdépendance de la vie quotidienne.

 

Qu’est-ce que la décolonisation ?

Si le colonialisme de peuplement est l’élimination des autochtones, la décolonisation est l’élimination structurelle et juridique des privilèges et de la domination des colons (Dr Nick EstesThe Red Nation). [1]

Ces textes, ou « petits guides de sensibilisation à la décolonisation/décolonialité », renvoient vers des liens anglophones. Les lecteur-icEs non anglophones doivent installer une extension sur leur navigateur pour la traduction automatique, afin d’apprendre, désapprendre et partager des idées pour décentrer et détourner le pouvoir de la colonialité, pour défier le centrisme occidental dans les disciplines et pratiques dominantes. Les approches décoloniales proposent que la violence coloniale ne se limite pas à un passé lointain – c’est-à-dire le colonialisme – mais persiste sous forme de colonialité : des modes de pensée racialisés et une association à une domination mondiale eurocentrique.
Dans ces textes, le terme Autochtone fait référence aux premier-Es habitantEs de toute terre avant le colonialisme. Vous pouvez retrouver les épisodes précédents mis à jour I et II.

Les militantEs pour le climat dans les pays du Nord ne sont peut-être pas encore suffisamment conscientEs de l’ampleur avec laquelle leurs discours font l’objet de moqueries parmi les mouvements pour le climat dans les pays du Sud ?

Il pourrait être utile de consacrer du temps à l’exploration des racines beaucoup plus profondes de la crise climatique, des sujets qui paraissent plus problématiques et conflictuels – en terme de privilèges – qui ramènent à ces modèles historiquement enracinés dans l’accumulation de capitaux de la suprématie blanche, d’un impérialisme implacable et d’un patriarcat impitoyable. La lutte pour la justice climatique est une lutte complexe qui s’attaque aux racines des injustices du colonialisme, du racisme, du capitalisme et à toutes les formes d’oppression.

Suite à des décennies de luttes, les arguments de longue date avancés par les groupes autochtonesTreaty Council – et d’autres acteurs en première ligne du changement climatique sur le rôle central de la colonialité dans la compréhension et la réponse à la crise sont référencés dans le dernier rapport du GIEC – depuis 2022 – qui a reconnu et désign:

(1) le « colonialisme » comme un moteur historique et actuel de la crise climatique et

(2) la colonialité comme un frein aux actions climatiques, mais aussi comme

(3) un problème persistant qui exacerbe la vulnérabilité des communautés à celle-ci.

Le mouvement climatique blanc dominant ne parvient pas à s’engager suffisamment dans les questions de justice climatique et ne prend pas au sérieux les appels à la décolonisation, marginalisant encore plus celles et ceux qui subissent les impacts les plus graves du changement climatique et, ce faisant, limitent la capacité à comprendre la crise et à élaborer de véritables solutions à long terme. Une perspective décoloniale apporte la nuance nécessaire pour reconnaître ces déséquilibres tout en révélant comment ils sont soutenus par la colonialité et contribuent à l’inaction climatique, en reliant le retard climatique à la colonialité et en montrant comment elle agit comme une barrière discursive et politique à l’action climatique. Vous pouvez saisir cette insensibilité/désensibilisation occidentale -qui est quotidienne – en observant comment un militant blanc qui passe 30 jours dans un arbre fait couler bien plus d’encre dans les milieux gauchistes que des dizaines de milliers d’enfants handicapés ségrégués, puis exploités à vie dans des ESAT en France, et privés de leurs droits les plus fondamentaux. L’écologie sociale, à la base, est une science censée apporter des outils à l’environnementalisme. Sans aucun sous-entendu athéiste réactionnaire, si l’écologie est une science à la base, l’environnementalisme n’est qu’une religion en France.

Pourtant, depuis plus de 500 ans, les blanc-hEs ne cessent de vouloir développer les autres en fonction de leur propre retard. CertainEs n’ont-iElles pas encore compris que la décolonisation est pour tout le monde et essentielle pendant que nous continuons à faire face aux multiples oppressions que l’ordre social actuel autorise ? (Samie Blasingame ; 2023)

Dans les imaginaires socio-climatiques occidentaux eurocentriques, qui accordent une préférence au point de vue européen et au mépris de tous les autres, les idées décoloniales sont invisibles et les récits libéraux d’optimisme technologique, dominent (Death, 2022 – [open access]).

Ce voyage commence par le démantèlement actif du colonialisme et de l’impérialisme en nous et par la compréhension de la manière dont ces forces cultivent une conscience oppressive (George J. Sefa Dei, Indigeneity and Decolonial Resistance – [open access]). Une approche épistémologique a comme visée critique de déconstruire cet eurocentrisme et son universalité par la communication interculturelle décoloniale, par une pluriversalité à partir des savoirs historiquement niés qui ont survécu par l’oralité. Éradiquer ce fardeau colonial qui cimente la déshumanisation et renverser les structures de pouvoir épistémologiques et théoriques en place sur fond de colonialité qui, de la même manière, soutiennent le centrage occidental de la communication (#CommunicationSoWhite & #RhetoricSoWhite).

Les inégalités mondiales existent parce que les sociétés du Nord ont créé des institutions et des mentalités individualistes « modernes » qui sont une source, plutôt qu’une solution, des inégalités mondiales. Un monde plus équitable nécessite de cultiver des mentalités adaptées à l’interdépendance de la vie quotidienne. Une perspective décoloniale – ancrée dans les perspectives épistémiques des pays du Sud – souligne sans cesse ce caractère colonial des mentalités individualistes modernes dans la mesure où ces mentalités reflètent et reproduisent la violence coloniale, raciale et carcérale globale, où celles et ceux qui sont en position de pouvoir maintiennent ce statu quo discriminatoire de la suprématie blanche.

Pourtant, il existe déjà un large et important mouvement en cours autour de la décolonisation des connaissances et des pratiques dans les pays du Sud. Ce travail de décolonisation doit être connecté au discours sur le changement climatique, en établissant des liens avec les hiérarchies de pouvoir qui sont un héritage du colonialisme et qui produisent divers niveaux de vulnérabilité dans les sociétés du Sud. Ces recherches pourraient aboutir à différentes mesures d’adaptation qui tiendraient compte de ces différents niveaux de vulnérabilités et permettraient de répondre aux besoins spécifiques des marges et des plus vulnérables, tant au sud qu’au nord.

L’insuffisance des échanges avec les études ethniques et autochtones nous empêche d’imaginer une alternative à l’État-nation racial/carcéral/colonial et le développement d’un cadre de décolonisation/décolonialité. La décolonialité (différente de la décolonisation) est une pratique et un processus consistant à perturber constamment les héritages d’iniquités et de déshumanisation qui maintiennent la hiérarchie mondiale du pouvoir.

La politique climatique internationale est à la traîne dans la priorité accordée à la protection des plus vulnérables aux impacts du changement climatique. L’histoire du handicap et du changement climatique nous oblige à nous concentrer sur la violence structurelle, sur la colonialité et non sur la vulnérabilité. Les personnes handicapées ne peuvent pas être des « pertes attendues » ou « acceptables » dans la crise climatique.

1 – Quelques rappels importants.

- Sabelo Ndlovu-Gatsheni : les trois termes – colonisation, colonialisme et colonialité – s’ils sont correctement compris et clarifiés, aident à mieux comprendre l’empire et les dégâts que le colonialisme a causés sur les économies africaines et même sur la vie des AfricainEs (Gatsheni, sur les péchés du colonialisme).

- Ramón Grosfoguel : il y a une différence entre ces deux concepts : le colonialisme fait référence aux administrations coloniales typiques. La colonialité sont les structures de ce colonialisme mises en avant après 700 ans d’expansion coloniale européenne et d’établissement d’une administration coloniale partout dans le monde. Il y a eu des structures mises en place qui perdurent jusqu’à nos jours et restent invisibles dans notre bon sens, dans nos manières de vivre, dans nos manières d’être et nous ne savons pas d’où elles viennent. Une partie de la spiritualité décolonisatrice consiste à traiter cette distinction et rendre visibles toutes ces structures de l’histoire coloniale qui sont avec nous et qui nous constituent, non seulement les structures extérieures du système dans lequel nous vivons mais aussi notre structure intérieure : dans nos cœurs, nos esprits, notre spiritualité.. sans même que nous le sachions. Nous devons rendre cela visible pour le rendre conscient afin que nous puissions y faire face et essayer de surmonter le traumatisme et les problèmes de suprématie, de domination ou de croyances égocentriques.

- N. Maldonado-Torres : la colonialité est différente du colonialisme et la décolonialité est différente de la décolonisation. « Le colonialisme et la décolonisation sont généralement décrits comme des réalités passées ou des épisodes historiques et la colonialité et la décolonialité font référence à la logique, à la métaphysique, à l’ontologie [étude de l’existence] et à la matrice du pouvoir créées par les processus massifs de colonisation et de décolonisation. »

- Les Européens ont appelé leur sauvagerie « modernité ». Les « Autres » l’ont appelée « colonialisme/colonialité ». Le concept de « Modernité/colonialité » a été utilisé pour la première fois par Aníbal Quijano et développé plus tard par Walter Mignolo.

- Dans ce processus de conquête et de colonisation de la fin du XVe siècle qui a donné naissance à la modernité/colonialité – où se situe le déni communicationnel, toujours en vigueur, qui sous-tend l’annulation ontologique [l’étude de l’existence] des personnes et des peuples, une épistémologie de l’ignorance radicale, une imposition de codes culturels étrangers, une invisibilité systématique de celles et ceux qui étaient soumis-Es, une sous-évaluation extrême de l’altérité, une réduction au silence de sa parole, l’ignorance de son histoire – l’incommunication et la déshumanisation vont de pair. Ce projet « civilisationnel » occidental et ses prétentions canoniques construites sur de telles fondations s’est progressivement consolidé jusqu’à établir une structure de relations hiérarchiques et inégales, au sein et entre les pays, des fondations qui sont ensuite devenues presque normalisées. Un savoir basé sur l’épistémè [façons de connaître] moderne orienté vers des finalités utilitaires, objectivistes [2] et une évolution historique progressive qui conduisent à des tentatives répétées d’homogénéisation de la pensée.

- La théorie décoloniale, communément attribuée à des chercheurs latino-américains tels que Mignolo (2000, 2018), Quijano (2000, 2007) et Maldonado-Torres (2011), se sont inspirés de Fanon (1963) dont l’analyse sur la race et la persistance du colonialisme au-delà de la fin des administrations coloniales formelles est toujours d’actualité. Alors que le monde universitaire marxiste met l’accent sur une réflexion critique axée sur le capitalisme, la centralisation des classes et le processus d’accumulation du capital, les spécialistes de la décolonisation reconnaissent que le capitalisme perpétue des relations de pouvoir inégales entrelacées avec les inégalités historiques et structurelles du pouvoir colonial. L’expansion mondiale du capitalisme reposait sur la naturalisation de la domination et de l’oppression coloniales (raciale, culturelle, linguistique, religieuse, de genre, pour n’en nommer que quelques-unes) pour justifier l’exploitation de personnes et de lieux non européens. Quijano (1993, 2000) explique ces relations de pouvoir comme constituant une matrice de pouvoir colonial fondamentale pour l’établissement d’une modernité capitaliste hégémonique, qui perpétue l’effacement et l’oppression des peuples, des savoirs et des modes de vie.

- Les luttes contre la matrice actuelle du pouvoir colonial pour les conditions de vie, le savoir, et son contraire, la décolonisation, la décolonialité, le décolonial ont une « signification » qui entraîne une humilité et une responsabilité politique et épistémique, nécessitant de désapprendre la modernité rationnelle qui nous (dé)forme et apprendre à penser et à agir de manière cohérente. Le décolonial n’indique pas un point d’arrivée, mais un processus dynamique permanent, toujours en devenir et en refonte étant donné la permanence et la capacité de reconfiguration de la colonialité du pouvoir (Catherine Walsh).

- Les critiques décoloniales ont une ambition explicitement émancipatrice : contrer l’effacement et démanteler la matrice coloniale du pouvoir qui soutient la modernité coloniale/capitaliste (Mignolo 2000 ; Tuck & Yang 2012 ; wa Thiong’o 1986). Les approches décoloniales face à la crise climatique répondent à la nécessité d’une justice cognitive mondiale pour parvenir à une justice climatique mondiale (Burman 2017), qui engagent des approches autochtones et décoloniales pour visualiser l’avenir et des transitions justes ( Whyte 2018 ; Wilson 2018) et résister aux violences extractives et cession des terres justifiées au nom de solutions climatiques (DeBoom 2021 ; Gomez-Barris 2017 ; Tilley 2020).

- Walter Mignolo (2007) décrit la théorie de la décolonisation comme « une autre pensée qui cherche à inaugurer, « une autre logique » et « une autre langue » qui a le potentiel de libérer.

- La décolonisation a commencé dès l’arrivée des colonisateurs. Nos ancêtres ont toujours résisté et cela n’a pas commencé avec la théorie des universitaires (Prof Ann Lopez).

- Le tournant décolonial a été déclenché par les riches contributions d’intellectuels tels qu’Aimé Césaire, Frantz Fanon, Chela Sandoval, Sylvia Wynter, Gloria Anzaldúa, Linda Tuhiwai Smith, Enrique Dussel, Linda Martín Alcoff, Nelson Maldonado-Torres, Walter Mignolo et Lewis Gordon dans leur tentative d’exposer et de critiquer ce que l’on appelle (1) la colonialité du pouvoir, (2) la colonialité du savoir et (3) la colonialité de l’être [3]. Nous devons certaines de ces premières formulations les plus importantes à des auteurs tels qu’Aimé Césaire et Frantz Fanon. Ce sont les penseurs clés de ce qui pourrait très bien être considéré comme ce tournant décolonial en théorie et en critique.

- Le tournant décolonial élargit la portée de la colonisation pour examiner sa logique interne et ses après-vies en constante adaptation, faisant allusion au fait que la lutte pour la décolonisation reste largement inachevée aujourd’hui (Nelson Maldonado-Torres (2011).

- Le système-monde moderne qui a commencé à se former avec la colonisation de l’Amérique « latine » (Abya Yala) a en commun trois éléments centraux qui affectent la vie quotidienne de la totalité de la population mondiale : la colonialité du pouvoir, le capitalisme et l’eurocentrisme (Walter Mignolo, 2000).

La décolonisation et/ou la décolonialité renvoient à la violence de l’euro-modernité et soulignent la colonialité – l’expansion transhistorique de la domination coloniale et la perpétuation de ses effets à l’époque contemporaine. Un point de vue décolonial, ancré dans les perspectives épistémiques du Sud, met sans cesse l’accent sur cette colonialité, sur ces mentalités individualistes modernes et la mesure dans laquelle elles reflètent et reproduisent cette violence coloniale et les multiples crises associées. L’approche décoloniale met en lumière l’une des voies possibles pour parvenir à une décolonisation épistémique en s’éloignant de ce point d’universalisation de la pensée occidentale, de ce côté sombre et destructeur de la modernité, de sa logique de séparation qui sous-tend la criminologie dans son engagement pernicieux et actif à réduire au silence et à minimiser les connaissances non occidentales (Agozino 2003 ; Carrington et al. 2016 ; Kitossa 2012), en entretenant la violence intellectuelle de la colonialité à travers la discrimination et le refus de toute manière alternative de penser, de connaître et d’être au monde. Ces manières différentes de connaître et d’être permettraient non seulement à la recherche criminologique de rompre avec ses fondements coloniaux et eurocentriques, mais pourraient également faire émerger des possibilités alternatives de justice et d’organisation sociale (Chris Cunneen & Juan Tauri 2016 ; Escobar 2018 ; Moosavi 2018).

Bien que le paysage de l’érudition décoloniale et de l’engagement intellectuel ait une tradition assez bien développée et solide parmi les chercheurs du Sud – d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Afrique – ces pratiques consistant à fusionner l’activisme politique et social avec l’érudition dans le contexte plus large de la psychologie est sans doute toujours hanté par les conséquences de la « blessure coloniale ». (PsySSA | 2018)

Ces idées décoloniales sont invisibles en occident parce que la colonialité est normalisée.

Les questions que nous devons constamment nous poser :

- Comment la colonialité opère-t-elle pour transformer les corps et les esprits « handicapés » en entités invisibles ?
- Comment la pensée décoloniale peut-elle aider à remettre en question ces idéologies de « normalité » ?
- Comment le capacitisme et le racisme créent une mauvaise politique climatique ?
- Pourquoi la colonialité est considérée comme un frein aux actions climatiques ?

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2 – La colonialité n’est pas quelque chose que l’on résout en changeant de gouvernement

Penser que les gouvernements peuvent réaliser, voire provoquer la décolonisation sans transformer radicalement les notions mêmes d’autorité et de pouvoir est une erreur que même Evo Morales expose clairement.

Pour des théoriciens comme Mignolo, il n’y a aucun espoir de réformer les processus étatiques car les États constituent une dimension fondamentale de la matrice coloniale du pouvoir. « Se dissocier de la matrice coloniale du pouvoir est ce que j’appelle la décolonialité, mais ce n’est pas une tâche que les États pourraient accomplir. Par conséquent, décoloniser l’État (ou démocratiser l’État) n’a pas de sens » (Mignolo, 2017). L’État a été construit sur un capacitisme raciste et colonialiste et ne nous sauvera pas, parce qu’il a été créé pour nous tuer (Care Work, Leah Lakshmi Piepznia-Samarasinha).

Le décolonial ne vient pas d’en haut mais d’en bas, des marges et des frontières, des peuples, des communautés, des mouvements, des collectifs… qui remettent en question, interrompent et transgressent les matrices du pouvoir colonial dans leurs pratiques d’être, d’action, d’existence, de création et de pensée (Catherine Walsh). Pour C. Walsh, la décolonialité part de la déshumanisation et des luttes des « peuples subalternisés », ce qui implique de rendre visibles les luttes contre la colonialité à partir de ces personnes, de leurs pratiques sociales épistémiques et politiques, en cherchant ces personnes les plus radicales qui vous poussent à bout.. et apprendre avec elles.

Pour les Français et les colons confus au sujet de la démocratie, la démocratie occidentale est un artifice et un dispositif du pouvoir colonial-impérial que l’Occident a établi à partir de la conquête de l’Amérique en 1492 (Breny Mendoza dans « Le féminisme décolonial à Abya Yala », The Question of the Coloniality of Democracy ; 2021)

Voilà de quoi il s’agit.

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3 – Le colonialisme hante le passé, le présent et le futur

Ces textes s’efforcent de rendre visibles les corps et les esprits des personnes marginalisés, une contribution substantielle au « projet inachevé » de cette pensée décoloniale, où les modes de pensée et les discours déshumanisants sur les populations handicapées, de part leur position UNIQUE dans les dessous de la modernité/colonialité, sont largement négligés, effacés et omis dans ces études et les mouvements pour la justice sociale.

Ces textes sont écrits en solidarité avec la majorité mondiale marginalisée et avec les personnes qui se retrouvent dans ces situations inintelligibles, et dont on ne peut pas parler couramment.

Face au blanchiment de tous ces sujets qui ne relèvent pourtant pas d’un intérêt minoritaire, mais qui sont les problèmes les plus saillants de nos sociétés et de la majorité mondiale marginalisée, des problèmes qui nécessitent en fin de compte des dissensions, des confrontations et des perturbations pour être résolus, qui peuvent même être un processus violent (Fanon, 1963 ; Smith, 2012), des questions qui peuvent entraîner un coût personnel considérable, un travail qui peut être aussi fatal pour les personnes qui choisissent de le faire.

Les discours du Nord – eurocentriques – sur le handicap contrastent fortement avec cette nécessité de prévenir les handicaps et les génocides massifs dans les pays du Sud, ne serait-ce pour comprendre et analyser l’impact handicapant durable du colonialisme.

Ces textes visent à combler des lacunes importantes dans la recherche dominante blanche – mais aussi dans la pensée décoloniale et sa condamnation du paradigme de « la découverte et de la nouveauté » de l’Occident – à travers le prisme du « handicap », et remettre en question les orientations individualistes évidentes envers le handicap dans le modèle médical discriminatoire et les perspectives de psychologie positive qui imprègnent la science psychologique, ces idéologiques qui permettent à une minorité privilégiéEs de se développer, tout en désactivant et en marginalisant la majorité mondiale.

Ces textes visent aussi à redonner confiance aux personnes qui pensent en silence que ces milieux censés travailler pour la justice sociale, environnementale… comme la majorité de la société qui comprend encore le handicap à travers ce regard blanc, sont « IRRESPIRABLES« . Si vous soulevez cet oubli constant – dans les mouvements censés travailler à la justice sociale – cette occultation constante, cette omission constante à prendre en compte le capacitisme, ou lorsque vous osez parler de vos/votre propre(s) handicap(s), un regard « vers le bas » ou « vers le côté » met en lumière leur réel souci de la sécurité et de la vie des millions de personnes handicapées noires et autochtones. Tout cela ne suscite que peu d’inquiétude, peu d’intérêt, tout cela est normal.

Cela ne devrait plus être un secret pour personne que les blanc-hEs sont conditionnéEs à être « gentil-lEs » et à accepter la colonialité. Nous sommes toujours dans le patriarcat, dans une suprématie blanche, dans une société transphobe qui déteste le handicap, dans une société qui nous oblige de supposer que nous sommes « uniEs » et que nous devons être « poliEs » et nous « entendre » avec la suprématie blanche, des comportements qui ne font qu’obscurcir les divisions qui doivent être affrontées avant toute chose.

Le désir d’être parfait, d’éviter les conflits à tout prix sont des caractéristiques de la culture de la suprématie blanche, depuis la police du ton jusqu’à l’utilisation des larmes blanches comme arme, qui finalement soutiennent la suprématie blanche.

Jackie Wang explore la manière dont cette politique de l’innocence sert à limiter la lutte sociale. L’alliance n’est pas l’absence de conflit, c’est l’acceptation des tensions qui construit la compréhension et renforce la solidarité. Les nombreux-sEs gauchistes qui sont en position de pouvoir qui disent que nous « divisons » quand nous contestons cette suprématie blanche omniprésente, ne font que travailler au maintien de ce statu quo discriminatoire. Ces textes aspirent à perturber ce statu quo néolibéral en fournissant des informations cruciales sur les processus de marginalisation et les théories radicales du changement social.

La décolonisation, c’est remettre en question ce statu quo (Samie Blasingame, 2023).

De manière plus direct, les spécialistes de la lutte antiraciste et anticoloniale n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour lier le capacitisme structurel et le racisme structurel au colonialisme. Les défenseurs des droits – et les ontologies et épistémologies – des personnes handicapées NoirEs et Autochtones établissent depuis des décennies des analogies entre la discrimination raciale et la discrimination fondée sur le handicap, comme l’ensemble des circonstances historiques à travers lesquelles iElles comprennent cette réalité. Les spécialistes de la théorie critique de la race et les spécialistes du droit du handicap n’ont cependant pas non plus encore pleinement compris comment le racisme et le capacitisme structurel contribuent à exacerber TOUS les préjudices sociaux, la violence et la discrimination envers les personnes à la fois handicapées et racialisées négativement. Ces disciplines bénéficieraient d’une analyse plus complète des intersections de la race et du handicap, ces choses que nous considérons comme distinctes sont en réalité les deux faces d’une même médaille idéologique. L’intersectionnalité permet une telle analyse.

De manière plus provocante, si le cadre juridique, social et politique mis en place par les institutions coloniales des colons blancs a depuis longtemps compris le lien entre la race et le handicap de manière intersectionnelle, et que l’une ne peut exister sans l’autre, les chercheur-sEs et militantEs antiracistes, antifascistes, écologistes… devraient peut-être faire de même et s’y attaquer plus attentivement (Jamelia Morgan ; On the Relationship Between Race and Disability – [open access]). Cette interaction du racisme et du capacitisme a de profondes racines historiques. La colonisation n’est pas une « histoire lointaine » et « en retrait », c’est un héritage dont nous devons nous éloignons progressivement :

c’est une réalité vivante.

Le capacitisme est un système complexe de déresponsabilisation socialement construit qui recoupe/et est tout aussi omniprésent que d’autres systèmes d’oppression. Alors qu’une grande attention est accordée à la « propagation progressive du fascisme, du capitalisme, du racisme, du système moderne/de genre et à la naturalisation de l’éthique de la guerre et de la mort » qu’induit ce paradigme, beaucoup trop peu d’attention n’a été accordée à la propagation du capacitisme :

un silence colonial stricte.

Considérer certaines personnes comme des êtres inférieurs autorise l’esclavage, le génocide, la brutalité policière et la privation économique systématique des populations marginalisées. Le capacitisme forme et alimente la violence, l’oppression et l’incarcération, mais continue d’être ignoré et ne fait toujours pas parti de l’agenda des milieux censés travailler pour la justice sociale. Il est temps de mettre en lumière les expériences d’un groupe qui a été largement invisibilisé dans tous ces mouvements […] Le handicap a été utilisé pour justifier et permettre l’imposition de l’esclavage… ; permettre et défendre le génocide et l’expulsion… ;… et légitime… l’incarcération de personnes qui ont subi des violences basées sur le genre/la race/la classe/le handicap ». Dans cette interview, Talila « TL » Lewis explique comment le capacitisme in/forme et alimente le racisme, le capitalisme et toutes les autres oppressions (Talila lewis ; 2018) […] Ce n’est que lorsque les défenseur-sEs seront capables de nommer le racisme, le classisme, le capacitisme, l’audisme et d’autres formes d’oppression comme étant essentielles à la perpétuation de la criminalisation et de l’incarcération de masse que nous pourrons commencer à mettre fin aux cycles générationnels de violence et guérir nos communautés (Duda, 2017 ; R. W. Gilmore & Kilgore, 2019). (« Disability Justice in the Age of Mass Incarceration, Talila Lewis).

A l’époque coloniale, les personnes handicapées et racialisées étaient institutionnalisées pour contenir la résistance et empêcher la « pollution » de la population dans son ensemble. Le retrait des enfants de leur famille et de leur communauté est justifié depuis des siècles sur la base du handicap, tout comme le retrait des enfants sur la base de la race et du sexe. Les autorités coloniales, avec l’aide de missionnaires, ont créé des institutions pour contenir et contrôler les sujets colonisés considérés comme dissidents et anormaux (Helen Meekosha, 2010 ; Decolonising disability : thinking and acting globally).

Les études à l’intersection des Disability Studies et des Critical Race Theory#DisCrit ou ici est un terme abrégé pour Disability Studies et la Critical Race Theory inventé par Annamma et al. (2016) pour comprendre comment les conceptions de la normalité sont soutenues par l’interdépendance du racisme et du capacitisme – permettent de contrer cette domination du Nord dans les tendances universalisantes et totalisantes des écrits sur le handicap qui a entraîné la marginalisation des expériences des Noirs et des Autochtones et la surreprésentation des élèves issus de minorités dans l’éducation spécialisée et le pipeline école-prison. L’expérience de la colonisation, du colonialisme et de la colonialité dans les pays du Sud a été à la fois handicapante et dévastatrice pour ses habitantEs.

Des stratégies de pouvoir et de contrôle reposant sur la violence ont été développées dans les guerres coloniales à l’étranger et intégrées dans un cadre de « démocratie » pratiquée dans l’état-nation/racial/carcéral/colonial. Les défenseur-sEs doivent aborder les systèmes juridiques et carcéraux avec une profonde compréhension des inégalités passées et présentes au sein de ces systèmes qui n’exigent rien de moins que l’abolition.

Nous avons la responsabilité de nous recentrer sur la colonialité comme une question sociale, comme un problème crucial..

Nous serions bien mieux si vous compreniez que c’est du bas vers le haut, et arrêtiez de centrer celles et ceux qui se trouvent au milieu et qui prétendent être en bas, parce qu’iElles ne sont pas riches.

Malgré le fait que les personnes handicapées constituent la « plus grande minorité » du monde, le handicap est longtemps resté un sujet oublié et décrié de la recherche universitaire, trop largement omis dans la rhétorique sur l’intersectionnalité, qui prend généralement en compte la race et le genre, avec une certaine considération d’autres identités. Le handicap, parce qu’il est souvent isolé d’autres problèmes et expériences, est largement incompris et invisibilisé. Ce n’est que plus récemment que le handicap est devenu plus visible en tant qu’identité pertinente dans les discussions sur l’intersectionnalité, qui comprend que l’achèvement de la libération et des visions noires – l’élévation de leurs expériences – et du leadership des Noirs les plus marginaliséEs, ne pourra aboutir sans une solidarité avec les personnes handicapées. Les organisations qui se qualifient d’intersectionnelles doivent faire cet effort pour qu’elles puissent adhérer véritablement à ce cadre.

Le déballage des privilèges ne peut pas se limiter à la race, à l’identité de genre, au statut socio-économique ou d’immigration. Il est impossible de parvenir à la justice sans penser la justice pour les personnes handicapées, et impossible de s’attaquer aux violences de l’État sans s’attaquer au capacitisme structurel et son incapacité à assurer l’égalité d’accès à l’éducation, à la justice, à des soins, à l’emploi, au logement et aux ressources pour les personnes de couleur ET les personnes handicapées. Les nombreux récits et statistiques montrent que les conversations importantes et nécessaires sur la justice raciale qui se produisent ne peuvent être pleinement atteintes sans la justice pour les personnes handicapés au centre.

Vous avez peut être ce privilège de vous éduquer sur le capacitisme ou le racisme plutôt que d’en faire l’expérience… Ce choix systématique de ne pas penser le handicap en l’ignorant, en le séparant des trios théoriques dominants « genre, race et classe », supposent implicitement sa non-existence, le plaçant dans une zone de « non-être », une fuite de la responsabilité envers la différence et l’appartenance. Fanon nous montrait que parce que l’humanité est basée sur la relationnalité, le principal effort de la domination raciale/coloniale est d’emmener la personne noire/colonisée en dehors de cette relation humaine fondamentale. Cela signifie que les (sujets) coloniséEs peuvent être considérés comme extérieurs à l’humanité, non-humains.

La responsabilité de la personne qui possède une forme de privilège normatif que d’autres n’ont pas, est de libérer de l’espace pour les personnes qui ont été exclues. Le rôle de l’allié est d’œuvrer au démantèlement de ses propres privilèges en en rendant compte et en s’engageant auprès des personnes défavorisées, c’est-à-dire des personnes qui ont été ignorées et dévalorisées par le discours dominant et séparées en raison de leur différence par rapport à une norme.

Pourquoi tant d’entre nous peuvent-ils s’engager sans effort dans une discussion nuancée sur le racisme, le sexisme, le capitalisme, le cis-hétéropatriarcat et l’impérialisme, tout en étant complètement INCAPABLES d’identifier le capacitisme et la suprématie blanche ?

- Si vos intentions anticarcérales s’arrêtent aux limites de la justice pour les personnes handicapées, alors vous êtes totalement complices de ces violences contre lesquelles vous êtes censéEs lutter. Pour que nous soyons plus efficaces, les perspectives décoloniales abolitionnistes doivent porter sur l’analyse structurelle et la résistance à TOUTES les formes d’oppression et la compréhension nécessaire du Leadership (anticolonial) des personnes les plus impactées qui connaissent le mieux ces systèmes (2e principe de Disability Justice). Il n’y a pas de révolution ni de transformation possible sans les oppriméEs. Comment peuvent-iElles savoir ce qui est nécessaire ? (Paulo Freire)

- Si vos intentions de libération se terminent aux limites de la justice pour les personnes handicapées, vous êtes totalement complices de la perpétuation de ces violences policières ou autres au sein même de votre propre communauté. Nous sommes tous-tEs perdantEs et complices des systèmes d’exploitation si nous occultons la moindre oppression.

- Si vous ne nommez pas la suprématie blanche et ne vous attaquez pas au racisme et au capacitisme dans vos actions, vous avez perdu la bataille.

- Si vous ne vous attelez pas à démanteler le capacitisme, vous ne pourrez jamais lutter contre les génocides industriels qui sont, ni plus ni moins, des processus invalidants de masse.

- Si vos luttes « écologistes » ne se tiennent pas responsables de faire un travail interne de lutte contre la racisme et le capacitisme, vous ne parviendrez jamais à une justice climatique et sociale.

La colonialité prospère en faisant taire et en étouffant celles et ceux qu’elle cherche à contrôler.

La colonialité mondiale fonctionne comme une matrice de pouvoir invisible qui façonne et entretient des relations de pouvoir asymétriques entre le Nord et le Sud. (Sabelo Ndlovu-Gatsheni)

La colonialité est un problème clé du monde moderne.

S’engager dans l’environnementalisme sans comprendre la colonialité comme un frein à de véritables actions climatiques signifie se déconnecter de la réalité et refuser de faire face aux plus grands défis (Tara Nair van Ryneveld, Mine Islar ; Antipode – [open access]). Cela conduit à un environnementalisme impuissant et sans inspiration (Ojala 2012). Une multitude d’écrits des plus passionnants sur l’environnementalisme sont très loin de ce « courant dominant », institutionnel et superficiel et comprend le lien inextricable entre la colonialité et « l’extractivisme », compris comme le système économique hégémonique actuel qui favorise l’extraction illimitée de ressources naturelles (Grosfoguel & Rodriguez, 2018), conduisant à la destruction écologique. (spssi – [Open Access])

Les Blanc-hEs ont modifié les conditions climatiques mondiales à un point tel que, ironiquement, la biosphère est devenue une menace existentielle. Ce n’est que lorsque l’on examine les dimensions coloniales et racistes de la crise climatique qu’il devient clair que le changement climatique d’origine humaine n’a pas été causé de la même manière par tous-tEs. Au lieu de cela, les causes sont enracinées dans la façon coloniale de penser, une pensée que les Blanc-hEs ont introduite au niveau mondial et qu’iElles pratiquent encore aujourd’hui, à une époque où la modernité semble manquer de réponses aux problèmes qu’elle a créés.. La colonialité, le racisme et la crise climatique sont liés les uns aux autres. La crise climatique actuelle, aux dépens du BIPoC à l’échelle mondiale, est le résultat de plus de 500 ans de pratiques coloniales, 500 ans de racisme environnemental.

Il est désormais largement admis que les faits et les informations sur les risques liés au changement climatique, pris seuls, ne favorisent pas le changement, mais engendrent un sentiment d’impuissance croissant. En séparant les critiques environnementales d’un côté et les critiques anti-esclavagistes et anticoloniales d’un autre, l’environnementalisme blanc dominant incarne une écologie coloniale. L’absence de dialogues et d’alliances entre ces deux mouvements est précisément ce qui alimente ce feu moderne qui dévore le monde (M. Ferdinand, Une écologie décoloniale ; p194). Le néocolonialisme est la pire forme d’impérialisme. Pour celles et ceux qui la pratiquent, cela signifie un pouvoir sans responsabilités et pour celles et ceux qui en souffrent, cela signifie une exploitation sans réparations (Kwamé Nkrumah). Les excuses sont la première étape vers la reconnaissance des violations coloniales. Cependant, elles sont muettes et même traumatisantes si elles ne sont pas accompagnées d’une justice réparatrice, de réparations, de comémorations et de guérisons (Afalab).

D’une manière générale, les sociétés libérales, y compris les universités, leurs arts libéraux et leurs sciences, s’efforcent de créer un monde à la mesure de changements juridiques ambigus et incomplets qui reportent perpétuellement et éliminent complètement toute responsabilité sérieuse et toute forme de justice et de réparations, des institutions soi-disant engagées dans des programmes radicaux tout en gardant les peuples autochtones, noirs et bruns hors de cet espace. C’est presque comme si l’académie était la cachette idéale pour les gens allergiques à la responsabilité (Dr BlackDeer). Il y a une tendance paternaliste et une tache croissante au sein de la gauche occidentale qui, par ignorance, se distancie de toute expression militante de résistance, consistant à exprimer sa solidarité avec les pays du Sud uniquement lorsqu’ils en sont des victimes et non comme des agents de leur propre libération.

La majorité des blanc-hEs ne peuvent pas entendre que la suprématie blanche a causé la crise climatique.

Le changement climatique n’est pas quelque chose qui « arrive tout seul » : il est causé et enraciné dans les mentalités et les systèmes coloniaux capitalistes de la suprématie blanche. La cause profonde du changement climatique est la mentalité coloniale selon laquelle la terre est quelque chose qui doit être utilisée, exploitée, plutôt que comme un partenaire et une mère. Une approche coloniale (eurocentrique), auto centrée sur les luttes blanches, éco-anxieuse, est activement néfaste parce qu’elle est utilisée pour exclure et opprimer davantage les peuples autochtones. Les systèmes coloniaux font de leur mieux pour les effacer, les supprimer, les ignorer, les exclure, les faire taire, en limitant leur accès à l’électricité, au temps, à l’énergie, à l’argent nécessaires pour agir… Les écofascistes imputent souvent les problèmes environnementaux à « la surpopulation, l’immigration et la surindustrialisation », préconisant la violence envers les réfugiés, les personnes de couleur et d’autres populations marginalisées comme solution environnementale.

Les gouvernements et les entreprises doivent aussi intervenir et écouter les communautés les plus touchées par leurs inactions. Nous devons résister à un activisme climatique blanc basé sur l’anxiété et des visions apocalyptiques d’extinction, des mouvements auto-centrés sur les luttes blanches qui ouvrent la voie à l’écofascisme. Les faux récits sur la surpopulation omniprésents et dominants dans le mouvement environnemental, sont un pont idéologique vers l’extrême droite. Cette réponse blanche au changement climatique étouffe littéralement les peuples autochtones et de couleur qui sont en première ligne de la crise climatique, en centrant leur propre anxiété climatique blanche et en occultent les luttes climatiques des BIPOC (S. Brown-Davis, Aotearoa NZ).

Nommer et comprendre toutes ces choses est difficile. Si les barrières peuvent être techniques ou économiques, elles sont aussi socialement construites. Bien que la révolution industrielle soit utilisée comme un point de référence dans la plupart des prises de décision et de la communication scientifique, la contribution de la colonisation à l’industrialisation et donc au changement climatique rapide est encore trop rarement mentionnée ou absente.

Ceci est très préoccupant dans la mesure où l’héritage du colonialisme continue d’influencer des modes de pensée qui contribuent à maintenir les inégalités et à perpétuer les lacunes de la justice. La décarbonisation à elle seule ne suffit pas à ouvrir une voie juste vers un avenir durable et ne décolonise pas non plus les relations de pouvoir qui ont contribué à la crise actuelle.

Il est impossible de lutter contre les effets du changement climatique sans s’attaquer à la colonialité, trop souvent confondue avec le colonialisme. La colonialité est abordée, non seulement comme une cause historique de la crise climatique, mais aussi comme un obstacle à des mesures efficaces contre le changement climatique et ses conséquences. Des centaines d’articles de recherche sur la vulnérabilité au changement climatique révèlent que les publications existantes privilégient les facteurs climatiques au détriment du contexte, des inégalités sociales et de la colonialité.

Ce que ces récits laissent de côté, c’est donc à quel point le monde moderne est spécifiquement un monde colonial moderne. Ce monde colonial moderne n’est pas simplement un monde capitaliste que le colonialisme ait facilité par une « accumulation primitive », mais un monde dans lequel la colonialité est continue avec la reproduction du capitalisme (Gurminder Bhambra, 2021).

Quand vous voyez des personnes se qualifier de révolutionnaires, parler toujours de détruire, détruire, détruire… mais jamais de construire ou de créer, elles ne sont pas révolutionnaires, elles ne comprennent rien à la révolution. La révolution c’est créer (Kwame Ture, 1971). C’est la construction qui engendre la destruction, l’inverse n’est jamais vrai.

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4 – Ne travaillons plus pour la suprématie blanche, abolissons le fait d’être tout le temps occupéEs

Est-ce qu’une théorie des « otages de la blancheur » lors d’un examen critique des innombrables atrocités passées et présentes, du privilège omniprésent des blanc-hEs et de l’affaiblissement continu des savoirs autochtones permettrait aux apprenant-Es de déconstruire plus facilement leur esprit captif blanc ? Cette incapacité à déconstruire et à nommer la blancheur – suprématie blanche – en tant qu’idéologie et structure de pouvoir sous-jacente aux inégalités raciales nationales et mondiales sape tous les efforts visant à améliorer les résultats sociaux, sanitaires et économiques des sociétés et des nations à grande échelle.

Ce sentiment d’urgence banche – un sentiment croissant – nous maintient déconnectéEs, nous sommes occupéEs tout le temps. Cela ne nous sert pas et la suprématie blanche adore ça. L’activité et le fait d’être tout le temps occupéE est l’un des outils de la suprématie blanche. Ce sentiment d’urgence fait que nous ne nous reconnectons pas à un niveau plus profond. Cela ne laisse aucun temps au discernement, à la réflexion ou à de véritables réparations/responsabilisations. Nous sommes occupéEs à organiser des réunions inutiles, des planifications qui nous occupent jusqu’au prochain trimestre parce que la suprématie blanche sait que lorsque nous sommes épuiséEs, nous restons obéissantEs, et lorsque nous sommes surmenéEs, nous avons tendance à rester silencieux-sEs, nous repoussons sans cesse pour ne pas remettre en question, nous ne prenons pas du recul et du temps pour approfondir. Nous devenons suivistes. Il est difficile « de garder votre esprit et votre œil sur ce que vous savez être complexe, que tout le monde souhaite simplifier » (James Baldwin)… alors que la révolution est une science (Kwame Ture).

On nous apprend malheureusement à identifier la suprématie blanche comme étant des groupes violents alors que les caractéristiques de cette suprématie blanche et cet occidentalisme sont institutionnalisées comme étant à la fois normales et supérieures à d’autres identités et coutumes ethniques, raciales et régionales, des méthodes inconscientes utilisées par les groupes eurocentriques dans toute la société pour imposer leur capital culturel. Cette théorisation de la suprématie blanche qui n’est pas considérée comme violente conduit à une normalisation de la discrimination systémique et à la violence physique. Tema Okun (2022, 2021) décrit la culture de la suprématie blanche comme une constellation de caractéristiques situées dans les normes et standards banals de la vie quotidienne qui « nous forgent tous-tEs à internaliser les attitudes et les comportements qui ne nous servent pas », des normes hégémoniques qui perpétuent et servent les intérêts de la suprématie des Blanc-hEs. La suprématie blanche n’est pas un artefact de l’histoire ou une position extrême, mais le fondement de l’évolution continue des pratiques de race et de racisme dans les État-nations de colons.

Nous ne pouvons pas dissocier le débat sur la colonialité des logiques suprémacistes blanches. Les processus de colonisation en cours continuent de s’enliser dans ce que Tuhiwai Smith (2010) identifiait il y a longtemps comme les trois principaux piliers de la logique de la suprématie blanche : l’esclavage, le génocide et l’orientalisme. Ces logiques sont des caractéristiques continues des processus associés au colonialisme euro-moderne qui sont étroitement liés aux flux de capitaux occidentaux. Le corps colonisé a été historiquement asservi, niant son humanité et le rendant jetables, un processus que Césaire (1972) décrit comme une « chosification ».

Nous ne souffrons pas parce que nous n’avons pas suivi les règles mais parce que nous les respectons.

L’un des pièges les plus faciles dans lequel tomber lorsque nous examinons le fonctionnement du racisme est celui selon lequel racisme = personnes blanches. C’est un piège dans lequel il est facile de tomber, car si l’on considère la suprématie blanche comme la forme dominante de racisme sur la planète (en raison de l’impérialisme européen des derniers siècles), cela peut parfois conduire à la croyance erronée que tous-tEs les Blanc-hEs sont racistes, du fait d’être blanc-hE. L’hypothèse de cette croyance est que le racisme est un trait de caractère, et en tombant dans ce piège, nous ne comprenons pas que le racisme – la suprématie blanche – est une force sociale, un système qui nous entoure tous-tEs (Barauu, 2023).

Quand est-ce que les gauchistes se rendront compte qu’iElles font autant partie du problème de la blancheur et de la suprématie blanche que les « blanc-hEs » de la droite politique, des libéraux et des centristes ? Comprenez vous que la suprématie blanche, ce n’est pas un requin, mais c’est l’eau ! (Kyle « Guante » Tran Myhre, comment expliquer la suprématie blanche à unE suprémaciste ?).

Sans affronter et nommer ce qu’est vraiment cette suprématie blanche : un système mis en place pour soumettre, déshumaniser et finalement se disculper en rejetant la faute sur ses victimes, nous ne pourrons imaginer à quoi ressemblerait le monde d’aujourd’hui si l’Europe occidentale n’avait pas pris l’initiative de conférer un statut de sous-Homme à certainEs afin de soumettre le monde entier à sa propre image, pour perpétuer deux de ses marques les plus grossières : la pitié et le mépris. Ces processus coloniaux ont été nécessaires pour distinguer celles et ceux qui devaient être soumisEs à l’esclavage, au génocide et à la colonisation. C’est pourquoi nous devons nous recentrer sur des perspectives non occidentales, anticoloniales, pour ne pas faire de la décolonisation une métaphore.

Charles Mills (1997) décrit la suprématie blanche comme « le système politique sans nom qui a fait du monde moderne ce qu’il est aujourd’hui ».

Il note que si la suprématie blanche a façonné la pensée politique occidentale pendant des centaines d’années, elle est rarement nommée. De cette manière, la suprématie blanche est rendue invisible alors que d’autres systèmes politiques – le socialisme, le capitalisme, le fascisme – sont largement nommés, abondament identifiés et étudiés. Une grande partie de son pouvoir est tiré de son invisibilité. La résistance blanche à nommer la suprématie blanche nous empêche d’examiner ce système. Si nous ne pouvons pas l’identifier, nous ne pouvons pas l’interrompre. La mentalité de la suprématie blanche affecte tous les coins du globe et a des impacts de grande envergure dans tous les aspects de la société. L’élimination de la mentalité de la suprématie blanche et de son influence doit être notre priorité afin de remédier avec succès à cet héritage colonial.

Layla Saad, dans son livre « La suprématie blanche et moi », prévient que la suprématie blanche est maintenue et défendue par toustEs celles et ceux qui détiennent le privilège blanc. La suprématie blanche se manifeste par le silence blanc et protège à tout prix le système en place en gardant le silence sur les questions de race. Dévoiler le pouvoir et les privilèges est inconfortable et c’est sûrement la raison pour laquelle ce sujet n’est pas abordé. La plupart des Blanc-hEs ne veulent pas reconnaître et remettre en question leur complicité en se réfugient dans leur confort blanc individuel. Comme le souligne la théorie critique de la race, le racisme est une pratique courante, adoptée par les État-nations, les gouvernements et les institutions, qui reflète les intérêts économiques, sociaux, politiques ou culturels des groupes dominants de la société (Feagin, 2006). Un des principes clés de la théorie critique de la race (#CRT) qui est de reconnaître le racisme systémique mais aussi réduire les préjugés raciaux, peut constituer une menace pour de nombreux occidentaux, qui ne voient la violence que lorsqu’elle est mise en œuvre contre les Blanc-hEs (ou les infrastructures blanches/propriété, etc.) pour ne pas voir la violence quotidienne et globale endurée par les Noirs et les personnes de couleur.

Dans l’environnement social d’aujourd’hui, il est plus facile de reconnaître et rejeter des actes individuels de comportement raciste, mais difficile de reconnaître le racisme totalisant qui a toujours rendu la colonisation possible, ignorant la richesse et le pouvoir qu’iElles tiennent pour acquis – une sorte d’amnésie sociale dans laquelle les gens peuvent innocemment oublier ce qui a pu se passer dans le passé – qui en réalité, perpétue un racisme systémique beaucoup plus profond.

Si vous ne connaissez pas l’histoire – peu importe à quel point vous êtes intelligent ou réfléchi – vous ne comprendrez jamais pourquoi les choses se produisent dans le présent, vous ne serez jamais en mesure de mettre à jour les mensonges les plus flagrants qui imprègnent notre société, vous ne saurez pas qui vous êtes ni ce que vous faites :

Il n’y a pas d’avenir pour un peuple qui nie son passé (Marcus Mosiah Garvey).

Pour les peuples autochtones, connaître notre histoire fait partie de la « pédagogie critique de la décolonisation (Linda Tuhiwai Smith ; 2012).

Sullivan et Tuana proposent que l’ignorance soit à la fois une lacune dans les connaissances, un oubli épistémique auquel il est possible de « remédier », qui résulte d’un manque de temps pour comprendre et d’un manque de connaissances ou d’un désapprentissage de quelque chose de connu auparavant à des fins négatives. Quelle que soit sa définition, ses impacts sont la marginalisation, la privation et l’exploitation de différents groupes et individus. Cela empêche de vastes populations de la planète de contester, de proposer, d’échanger et de diffuser des idées et des pratiques qui pourraient être bénéfiques dans le présent et dans le futur.

Mia Mingus explique aussi dans ce texte comment l’accès à l’intimité en tant que cadre, est puissant pour un grand nombre de nos vies.

Contrairement à la race ou au genre, le handicap n’est généralement pas considéré comme le résultat de relations de pouvoir sociaux capitalistes, mais plus une tendance à considérer qu’il s’agit d’une question que la médecine doit guérir ou contrôler. Les institutions médicales et sociales ont toujours considéré le handicap comme un problème individuel, une tragédie personnelle. Elles attribuent l’incapacité d’une personne handicapée à participer pleinement à la vie économique de notre société à ses limitations physiologiques, anatomiques ou mentales plutôt qu’une conséquence des forces économiques, sociales (Jean Stewart & Marta Russell) ou historique, qui découle de la pensée désincarnée occidentale.

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5 – Des perspectives pour la décolonisation du programme de psychologie

Historiquement, la psychologie occidentale a échoué à bien des égards, notamment en s’associant à l’eugénisme [4] et en pathologisant diverses identités sexuelles (Benjamin, 2019). Au-delà des événements récents, il existe de nombreuses façons secrètes par lesquelles le domaine de la psychologie, tel qu’elle fonctionne souvent aujourd’hui, laisse tomber les groupes marginalisés de la société. En répondant à la question de Martín-Baró : « Si la psychologie contribue à l’aliénation ou au maintien du contrôle du peuple, à quoi sert la psychologie ? (p. 266, Harris, 1990), en y répondant honnêtement, il apparaît clairement que la psychologie ne sert pas toutes les communautés. La psychologie de la libération fournit un cadre pour comprendre et donner un sens à l’histoire de la psychologie, donner la priorité aux voix opprimées, faciliter un changement positif et œuvrer à la guérison et à la libération collectives (Hannah K. Heitz ; Liberation Psychology & Collective Healing [open access]).

Les perspectives psychologiques décoloniales mettent l’accent mis sur la violence épistémique associée aux modes de vie individualistes modernes/coloniaux et ramènent le prisme analytique aux articulations hégémoniques de la science psychologique. En général, les psychologues WEIRDWestern, Educated, Industrialized, Rich, and Democratic – n’observent pas l’impact des modes de vie individualistes modernes/coloniaux. Au lieu de cela, les connaissances et les pratiques de la science psychologique renforcent et légitiment l’autorité des modes de vie individualistes modernes et leur colonisation de la vie quotidienne. En fait, on pourrait même dire que les psychologues servent généralement de « super-diffuseurs » des modes de vie modernes/coloniaux. La science et la pratique psychologiques sont un site principal de prosélytisme dans la version ultra-individualiste des modes de vie modernes/coloniaux associés au néolibéralisme (Adams et al., 2019 ; Sunil Bhatia & Priya, 2018, 2021). Une analyse décoloniale du concept note comment le langage des « super-propagateurs » individualise généralement les processus politiques et économiques, blâme les victimes de violences historiques et structurelles – voir les caractéristiques ’secrètes’ de la suprématie blanche [5] – et, plus généralement, suscite l’ignorance de la colonialité des entreprises de santé publique (Richardson, 2019 ; Mills, épistémologie de l’ignorance – 2007), une analyse qui utilise le concept de « super-épandeurs » aux agents du développement individualiste moderne/colonial qui propagent des modes de vie non durables qui contribuent à la misère et aux inégalités d’une manière qui porte atteinte à la santé publique globale. Plutôt que la conséquence politiquement innocente d’une innovation purement philosophique, les modes de vie individualistes modernes et coloniaux sont inextricablement impliqués dans la violence raciale.

Comme d’autres disciplines des sciences sociales dans le contexte sud-africain, la psychologie était un site important de la science raciste/coloniale et les psychologues étaient parmi les principaux architectes du système de l’apartheid (Duncan et al., 2001 ; Nicholas, 1990 ; Nicholas & Cooper, 1990 ; Seedat, 1997).

La psychologie eurocentrique dominante et anhistorique nie les impacts de la mentalité coloniale [6] et les conséquences des contextes historiques et culturels. Elle est incapable de comprendre la nécessaire décolonisation, c’est-à-dire ce processus de reconnexion avec le passé pour comprendre le présent, ce qui permet une compréhension holistique du psychisme des individus colonisés, de leur oppression intériorisée, de leur histoire et une remise en question collective des structures d’inégalité.

Le travail est décolonial dans la mesure où il s’appuie sur la compréhension locale comme un outil de résistance contre l’imposition impérialiste de formes hégémoniques. Les perspectives décoloniales mettent les psychologues au défi de considérer le côté obscur colonial de ces façons d’être modernes.

Le travail est décolonial dans la mesure où il situe la source des blessures au-delà de la psychopathologie individuelle pour se concentrer plutôt sur les dommages que la violence coloniale a causés et les réalités culturelles des sujets ou sociétés colonisées.

Les perspectives décoloniales mettent les psychologues au défi de guérir le traumatisme psychologique de la violence coloniale, de résister à la mentalité coloniale et à son reflet dans les illusions de la suprématie blanche, et d’éclairer des alternatives durables aux manières d’être individualistes modernes.

Le concept même de santé globale (publique) est indispensable à une véritable décolonisation.

Depuis que la santé (publique) mondiale (santé internationale, médecine tropicale et médecine coloniale dans ses incarnations précédentes) a été, ab initio, créée pour s’occuper de l’homme (occidental), de l’expansion de l’empire et du projet colonial (ncbi), elle est inextricablement liée à la conception eurocentrique de l’humain et (re)produit inévitablement des processus d’altérité et de déshumanisation. Ces processus de déshumanisation et d’altérité se sont poursuivis au-delà du démantèlement de nombreuses administrations coloniales directes, en raison du remplacement du colonialisme par la colonialité (Quijano, ncbi), c’est-à-dire les modèles ou matrices de pouvoir, nés du colonialisme, qui définissent et contrôlent l’économie, la culture, la production de connaissances, le corps et le psychisme, ainsi que l’autorité, au-delà des limites ou de la fin du colonialisme. La santé (publique) mondiale, telle qu’elle est actuellement conceptualisée, reflète, produit et reproduit les hiérarchies de l’humanité sur lesquelles elle repose.

À sa base, la psychologie occidentale est coloniale. ([open access])

Les théoriciens de la décolonisation proposent que cette mentalité coloniale – parce qu’iElles se croient/ou veulent être blanc-hEs – soit une force psychologique qui sous-tend bon nombre de nos problèmes sociaux les plus urgents. Une contribution importante des perspectives décoloniales du « Sud » est de mettre en lumière la violence coloniale dans les manières d’être individualistes modernes et libérales normalisées. Une manifestation psychologique plus insidieuse de la violence coloniale est cette infériorité intériorisée associée à la mentalité coloniale.

Rappelez vous que le dernier rapport de l’ONU note que la France est accro au paternalisme et au modèle médical du handicap, un modèle reconnu discriminatoire par l’ONU. Ceci a un impact sur les plus marginalisées. Suite au mouvement abolitionniste mondiales qui a eu lieu, les anticarcéraux, les environnementalistes, les antiracistes, antifascistes… devraient au minimum comprendre le lien entre le passage vers un modèle social du handicap et la décarcération.

Le modèle médical du handicap se demande : qu’est-ce qui ne va pas chez l’individu ?
Le modèle social du handicap se questionne plutôt sur ce qui ne fonctionne pas dans la société.
Le paternalisme est très subtil, surtout quand on ne le recherche pas, mais il est là. Parfois, les responsables ne s’en rendent même pas compte.
Le paternalisme (qui n’est pas lié au genre) est « l’idée selon laquelle celles et ceux qui fournissent de l’aide doivent « réparer » les personnes qui sont dans le besoin est basée sur l’idée que… [leurs problèmes sont] causés par leurs propres défauts personnels… [et] que celles et ceux qui fournissent de l’aide sont supérieurEs.

Mais ce que le modèle social du handicap ne se demande pas, c’est : une inclusion dans quoi ? (Schaun Grech ; 2015)

Les voix puissantes des BIPoC (Black, Indigenous & People of Color) offrent une gamme de traditions anticoloniales et des manières radicales noires de penser qui ont été négligées dans la justice raciale, la résistance antifasciste, les approches du handicap… Les peuples racialisés et colonisés ont été à l’avant-garde de la théorisation et du démantèlement du fascisme, de la suprématie blanche et d’autres modes de régime autoritaire.. (ici).

L’anticolonialisme permet de mieux comprendre l’antifascisme, l’antiracisme, l’anticapitalisme, l’antisexisme, la transphobie….

Les universitaires et les défenseurs devraient donc aussi reconnaître ces significations et ces compréhensions croisées de la race et du handicap, reconnaître la nature collusoire du racisme et du capacitisme. Ces idéologies imbriquées de subordination – et les conditions matérielles qu’elles produisent – contribuent aux formes persistantes de violence et de préjudices physiques, ainsi qu’aux désavantages économiques et sociaux dont souffrent aujourd’hui les personnes (multi)marginalisées et handicapées dans le monde entier. La reconnaissance de ces liens offre des opportunités pour un plaidoyer efficace et complet visant à tenir les acteurs étatiques et privés pour responsables des actes illégaux de discrimination raciale et de capacité. Certaines tentatives de mouvements sociaux reproduisent des structures et des contenus non libres et inégaux de l’ordre social auxquels ils s’opposent. L’alliance entre les études sur la blancheur et sur le handicap permettent d’exposer cette invisibilité sous-jacente des idéologies normatives sur la blancheur et la capacité. Ces structures sont au cœur de la colonialité de la culture occidentale et restent pourtant inaperçues, inobservées. Sans tourner notre regard culturel vers elles – sans scruter et inspecter ces frontières – ces idéologies continueront à opprimer et à obscurcir, à exclure et à exciser les communautés humaines qui ont été placées non seulement en dehors, mais surtout hors de la page (Phil Smith ; 2004 – [open access]).

Le racisme, le classisme, le capacitisme et d’autres oppressions se croisent pour créer et façonner la manière dont les personnes marginalisées deviennent vulnérables à la surveillance, à la criminalisation, à la violence policière et à toutes les formes d’incarcération (Gibson et Lewis, 2018 ; Kaba, 2018 ; Kinna et Gordon, 2019 ; Lewis, 2017a, 2017b, 2017c, 2020). Les différents régimes au sein du système judiciaire pénal exploitent TOUTES ces vulnérabilités. Des approches intersectionnelles antiracistes, anticapacitistes, anticapitalistes et abolitionnistes, sont essentielles pour endiguer les vagues d’incarcération. Cette question de l’injustice inhérente au système juridique pénal est documentée depuis des générations, ce n’est pas une question abstraite. Le capacitisme s’est forgé avec et à travers la suprématie blanche, la conquête coloniale, la domination capitaliste et l’hétéropatriarcat, de telle sorte que les corps sont soit valorisés pour leur capacité à produire et à extraire du profit, soit exclus et éliminés par l’isolement, le placement en institution, l’incarcération et/ou le décès.

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6 – Des mentalités individualistes inadaptées à l’interdépendance

La logique des marchés libéraux depuis le XIXe siècle, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, est inscrite dans des pratiques quotidiennes qui sont généralement reproduites inconsciemment, sont l’un des principaux moteurs de la crise écologique et de l’instabilité économique et politique. Dans les années 1930, le libéralisme glorifiait l’individualisme égoïste et négligeait le sentiment communautaire et les exigences d’une nouvelle ère collectiviste. A l’ère de l’individualisme néolibéral, il s’agit de prendre du recul sur certaines pratiques sociales dont l’usage massif les a rendues anodines.

Des siècles de colonialisme et la présence continue de la « colonialité du pouvoir » dans la formation du monde constituent un contexte historique important qui ne doit pas être négligé (Quijano, 2000). Le néolibéralisme, en tant que stade avancé du capitalisme, est profondément lié à l’histoire de l’oppression raciale (Quijano, 2000 ; Andrews, 2021).

Comme c’est le cas pour de nombreux piliers du capitalisme qui restent debout, l’individualisme continue de veiller à ce que les vecteurs d’oppression soient de grande envergure et protégés des actions insurrectionnelles potentielles de tous cellEux qui ont tout à gagner de l’abolition. Les gauchistes veulent bénéficier des privilèges de l’individualisme sans sacrifier la reconnaissance culturelle dont ils disposent en tant que force « progressiste ». Le fascisme est capable de captiver davantage d’individus en rassurant les gens sur le fait que les personnes marginalisées ne pourraient pas les amener à changer leur mode de vie sous le capitalisme. Avec cette paix s’accompagne l’effacement et le rejet de préoccupations urgentes et valables de la part de cellEux d’entre nous qui luttons pour survivre en marge de la société. La pression pour s’assimiler à la normalité eugéniste d’aujourd’hui augmente avec chaque événement non masqué organisé par les gauchistes, avec chaque concert pour lequel iElles compromettent leurs précautions où iElles décident de se rendre (Estelle ellison ; Refusing Ableism In The End Times).

Ces agressions infiltrent les espaces aussi facilement que les fascistes sont capables de briser les réseaux de soins composés de personnes handicapées qui luttent pour se maintenir en vie. Cet échec politique à ne pas contester cette normalité eugéniste est la preuve d’une autre sphère d’influence fasciste dans ces milieux.

Les inégalités sont ancrées dans la structure du système, dans un monde profondément inégalitaire, où la chance d’une personne est principalement déterminée par le hasard de la naissance, où la croyance répandue envers le mythe de la méritocratie – un ennemi parmi tant d’autres de la diversité – sert à renforcer l’individualisme et la foi erronée envers « la rhétorique de l’ascension » (Sandel, 2020). Si l’on ne dispose pas des connaissances épistémiques et de critiques nécessaires pour identifier le néolibéralisme comme le problème, on peut alors être plus facilement persuadéE que le problème réside ailleurs, ou comblé par des discours anti-migrantEs, anti-pauvres, anti-marges,… Une éducation au développement efficace devrait permettre aux gens d’établir des liens entre les questions de justice sociale locales et mondiales. Comme Bryan l’a soutenu, cela peut aider les gens à comprendre à quel point leur vie est profondément interconnectée avec celle d’autres personnes apparemment éloignées, et comment leurs décisions et celles des forces puissantes du Nord ont un impact sur les communautés du monde entier. Une telle prise de conscience peut aider les gens à comprendre les liens entre les politiques et pratiques locales et les nombreux facteurs qui poussent les gens à migrer (Bryan, 2011). Bien que le néolibéralisme soit l’une des principales causes d’inégalités et d’injustices à l’échelle mondiale, ce phénomène passe généralement inaperçu et ignoré dans le discours public dominant et dans les espaces éducatifs. L’hégémonie du néolibéralisme et la prévalence de la propagande visant à assurer la prolifération des mythes néolibéraux dominants font qu’il est très difficile pour de nombreuses personnes de nommer et de comprendre cette idéologie.

Un aperçu important fourni par Fricker était la façon dont le pouvoir social peut limiter la capacité d’une personne à comprendre son expérience et à la rendre intelligible pour les autres, en qualifiant ce phénomène d’« injustice herméneutique » qui se produit « lorsqu’une lacune dans les ressources interprétatives collectives place quelqu’unE dans une situation injustement désavantageuse lorsqu’il s’agit de donner un sens à ses expériences sociales ». Ces lacunes herméneutiques collectives empêchent « les membres d’un groupe de donner un sens à une expérience qu’ils ont intérêt à rendre intelligible ». L’injustice herméneutique est l’absence des ressources épistémiques nécessaires pour communiquer des expériences marginalisées. Thomas Spiegel soutient que l’omission de la classe dans la recherche sur l’injustice épistémique maintient la poursuite du néolibéralisme (Spiegel, 2022). Le manque d’attention accordé à la subordination socio-économique contribue à l’oppression épistémique des communautés.

L’éducation peut servir à accentuer ou à atténuer les écarts herméneutiques et les silences créés au fil du temps par des pratiques et des positionnements sociaux inégaux. Pour celles et ceux qui enseignent la justice sociale, l’incapacité à aborder le néolibéralisme et à le faire connaître et le comprendre est un exemple de ce que Medina a appelé « un échec en matière de responsabilité herméneutique (Medina, 2012).

Paul Carr et Gina Thésée ont soutenu qu’une plus grande concentration sur la culture politique dans l’éducation peut aider à contrer l’idéologie néolibérale et donner aux groupes marginalisés les moyens de s’organiser et de résister (Carr et Thésée, 2008). Ils ont souligné la nécessité d’une population politiquement instruite, « soutenue et nourrie par l’éducation publique », comme considération clé dans le débat sur le néolibéralisme (Ibid. : 177).

La conscience de l’oppression pourrait être considérée comme le point de départ de l’émancipation des personnes handicapées. Partant de l’argument selon lequel le handicap se construit à travers la colonialité de l’être et le placement dans la zone du non-être, une « manière alternative d’être » pourrait être émancipateur (Schaun Grech ; 2015). Les personnes handicapées devraient résister et démanteler une conceptualisation normative selon laquelle elles leur sont prescrites et imposées par la société dominante. La valeur de soi, l’amour de soi et l’acceptation de la réalité selon laquelle elles sont différents et diversifiés peuvent être le point de départ pour les personnes handicapées. Une image de soi et une identité positives peuvent permettre aux personnes handicapées d’offrir une alternative à la colonialité, une alternative qui peut être appréciée comme une pluralité par d’autres personnes telles que celles qui ne sont pas handicapées.

Le chemin vers le fascisme est pavé de platitudes libérales. La face cachée du libéralisme s’appelle le fascisme.

Une analyse philosophique critique relie l’individualisme à la concurrence sans scrupules, et où la cruauté devient une partie essentielle des traits de personnalité. La relationalité et la violence ont suscité une observation il y a des décennies sur la façon dont l’attachement aux privilèges rend inévitablement la vie des autres plus vulnérable à la violence (Cherrie Moraga, 1993). Les perspectives hégémoniques de la science psychologique obscurcissent l’échafaudage culturel et historique de l’habilitation et présentent plutôt la capacité comme un indicateur de mérite et une base d’attribution de récompenses. Le côté obscur indissociable de cette habilitation de l’être moderne est un processus de handicap ou de colonialité de l’être (Adams et al., 2018 ; Maldonado-Torres, 2007), la destruction de la communauté, l’expropriation des moyens de production et la réduction conséquente de la capacité de la majorité subordonnée à répondre aux exigences environnementales et à la réalisation même des aspirations les plus modestes.

En 2018, Sabelo Ndlovu-Gatsheni (Citation) a appellé à une décolonisation épistémique réhumanisante qui réaffirme l’humanité commune de TOUSTES, qui est « l’aspect le plus important de la décolonisation ».

La justice pour les personnes handicapées comprend l’importance de l’interdépendance (8e principe de Disability Justice). Se recentrer sur l’interdépendance et la guérison collective sont des caractères indispensables des militantEs pour la justice environnementale qui recherchent un changement social à travers des politiques et des stratégies radicales qui « dépendent moins de l’État pour atteindre leurs objectifs ». Face à l’effacement, les personnes handicapées – qui sont souvent aussi des personnes de couleur trans et queer – organisent depuis des décennies leurs propres soins collectifs, ancrés dans la notion d’interdépendance, à travers des réseaux d’entraide. L’interdépendance est une notion d’indispensabilité mise en avant par la justice environnementale critique (CEJ, Critical Environnemental Justice – [open access]).

La façon dont nous nous comportons face à la pandémie, sur quoi nous dirigeons notre attention, sur la façon dont nous prenons soin de nous-mêmes et des autres, a une influence énorme sur la façon dont nous nous comporterons à mesure que l’effondrement s’accélère. Pendant que des populations entières sont reléguées à un régime « d’abandon extractif », cette société est prête à avancer avec celles et ceux qui ont le droit de parler, sans beaucoup d’entre nous. Leurs arguments reposent sur l’acceptation que le monde a simplement changé et qu’avec ce changement, beaucoup plus d’entre nous sont devenuEs jetables.

L’objectif clé est d’aller au-delà des appels à être des individus « gentils », « bienveillant-Es », « bien intentionnés » et « modérés » qui défendent ces valeurs libérales et soutiennent les politiques réformistes. Cette attitude libérale constitue une menace majeure pour le bien-être de l’humanité, ce sont des situations dans lesquelles nous sommes complices ou ne nous prononçons pas, ou n’agissons pas contre un statu quo discriminatoire et injuste. Elle est enracinée dans l’égoïsme, les idéaux libéraux, et se présente sous de nombreuses formes : silence, indifférence, lâcheté, inconscience, ignorance, mouvements défensifs vers l’innocence, auto-absolution, féminisme blanc libéral et son mépris de l’intersectionnalité, ou méchanceté et mépris.

Les spectateur-icEs libéraux-lEs ne se soucient pas et sont indifférentEs aux souffrances et aux luttes des « autres ».

Comme l’expliquent Mary Watkins et Helene Shulman (2008 : 64), l’attitude libérale est désormais non seulement répandue et banalement inaperçue, mais souvent subrepticement encouragée et intelligemment récompensée ; il s’agit à la fois d’une pandémie, d’une pathologie sociale, une sorte d’affliction individuelle. C’est aussi comprendre l’inhumanité de la suprématie blanche qui est, de façon systémique, co-dépendante (Allegra Kistler Ellis ; co-dépendance de la culture de la suprématie blanche et du capitalisme – [open access]).

Devenir un sujet libéral et unE spectateur-icE conduit à une « coupure de soi », qui sépare les gens les uns des autres et les empêche de s’identifier comme faisant partie d’une communauté ou d’un collectif, d’y trouver du réconfort et d’être responsables envers elle (Watkins & Shulman, 2008). Ce paradigme individualiste implique une différenciation progressive du soi par rapport aux autres et l’indépendance et l’autosuffisance deviennent des états louables, poussant l’interdépendance et la dépendance à l’égard des autres dans le domaine de la pathologie. Le « moi » qui se considère comme indépendant doit se conformer inconsciemment aux attentes sociales, rejetant tout lien avec les autres qui peuvent dire ce que le soi séparé ne peut plus dire.

« Aller en thérapie » ne suffit pas. Nous devons comprendre que la blessure coloniale de l’âme nécessite des médicaments que la thérapie occidentale ne peut pas nous donner. Ces « écoles » sont conditionnées pour nous laver le cerveau et nous empêcher de nous souvenir de nos racines, du mal historique et de notre véritable guérisseur : les unEs les autres. Nous avons besoin de soins collectifs, de NOUS (Jennifer Mullan).

L’obsession qui a émergé à la suite de l’idéologie libérale et des relations sociales capitalistes est une « préoccupation pour la réussite personnelle » qui ignore ou nie le rôle des forces structurelles. Préoccupés par le sentiment de responsabilité de leurs propres succès et échecs, où plus personne ne se concentre sur le fait que les règles du jeu sont inégales… L’échec à réussir dans ce contexte de manque d’accès adéquat aux ressources est considéré comme un échec personnel, tout comme le succès dans un contexte privilégié est considéré comme entièrement personnel et « mérité ». Le sentiment d’infériorité ou de supériorité qui en résulte est illusoire, alors que les avantages et les inconvénients accumulés ne le sont pas (Watkins et Shulman, 2008).

Les conséquences personnelles, psychologiques et spirituelles débilitantes typiques qu’entraînent ces relations sociales libérales et les cas d’observation sont l’aliénation et la « solitude », l’effacement de la possibilité de relations authentiques avec autrui. L’ »autre » est quelqu’un qui est en reste ou est celle ou celui qui nous a surpassé. La sécurité acquise en luttant pour accéder à une position élevée par rapport à l’autre se paie par l’isolement et la solitude. Le lieu de travail peut devenir un lieu d’auto-élévation potentielle, plus qu’une communauté potentielle de relations en développement, un « moi » individualiste, peu sûr de lui avec l’intention d’amasser des ressources pour sa propre survie et son propre plaisir, s’efforçant paradoxalement de s’enrichir ou de s’appauvrir en se coupant de multiples types de relations avec lui-même, les autres et la nature. (Watkins et Shulman, 2008).

Ces signes extérieurs de l’attitude libérale où l’auto-centrisme, la signalisation de vertu, les cultures de récompense, une recherche compulsive de louanges, en quête de gloire, d’affirmation et d’admiration excessive, la recherche d’attention et l’auto-promotion sont devenus des aspects acceptés et attendus du « bon sens » libéral-capitaliste et des relations sociales qui soulignent à quel point l’égocentrisme et le narcissisme incitent à la volonté compulsive de réussite qui surgit dans une culture compétitive et n’assure pas la tranquillité d’esprit, la sécurité intérieure ou la joie. La volonté d’exceller est séparée du discernement de ce qui a du sens, abandonnant la recherche de soi d’un but de vie plus profond et se coupant de la vitalité et de la spontanéité. Là où les besoins intenses d’admiration existent, les relations mutuelles sont absentes (Watkins & Shulman, 2008).

Watkins et Shulman (2008) évoquent que si le fait d’être spectateur a évidemment un coût personnel et spirituel sous forme de pathologies et de névroses, le coût social est tout aussi, sinon plus, pernicieux, en particulier à cause des personnes abandonnées et oubliées par les spectateurs libéraux. (De l’observation libérale à la praxis émancipatrice (1), L’attitude libérale contre l’action (collective) radicale (2), Les coûts et les conséquences de l’attitude libérale (3)).

Ces attitudes ou observations libérales paralysent l’action (collective) radicale vers une praxis abolitionniste et émancipatrice. Le libéralisme est ce masque blanc du projet nécro-capitaliste colonial des colons suprématistes blancs…

L’Occident ne connaît pas de montée du fascisme. Elle montre simplement son vrai visage, révélant au monde ce qu’elle a toujours représenté : la mort, la destruction, la dépossession et la domination coloniale […] le libéralisme est l’infrastructure du fascisme et du colonialisme de peuplement. (Jairo I Fúnez-Flores, 2024). Tous les cinq ans, il semble que la logique du moindre mal soit le moins petit et le plus mauvais. Depuis des décennies, l’argument du moindre mal est une insulte aux personnes les plus touchées par la violence des État-nations (Nisrin Elamin, 2024).

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7 – Le libéralisme mènera toujours au fascisme

Discours sur le colonialisme a apporté des contributions essentielles à notre réflexion sur le colonialisme, le fascisme et la révolution… sa refonte de l’histoire de la civilisation occidentale nous aide à situer les origines du fascisme au sein même du colonialisme (Robin, DG Kelley, 1999).

Discours sur le colonialisme décrivait la barbarie comme la conclusion logique du colonialisme. Une définition très libérale du fascisme pourrai se résumer à quelque chose qui ne peut exister que dans un mandat de l’extrême droite et ignorer toutes les autres choses extrêmement fascistes qui se produisent ailleurs, depuis longtemps. Le privilège blanc est de ne pas savoir ou vouloir nommer ou comprendre le fascisme tant qu’il ne l’affecte pas. Le fait que beaucoup trop de personnes ne puissent reconnaître le fascisme à moins qu’il ne ressemble exactement à l’Allemagne nazie est très dangereux (Andrea Junker).

« Le crime dont j’accuse mon pays et mes compatriotes est qu’ils ont détruit et détruisent des centaines de millions de vies sans le savoir et ne veulent pas le savoir » (James Baldwin).

Les groupes opprimés sont récompensés lorsqu’ils se concentrent uniquement sur leurs propres luttes, tout en fermant involontairement les yeux, par indifférence, sur l’oppression de celles et ceux qui ne font pas partie de leur groupe immédiat. La division est l’outil insidieux de la colonisation, utilisée par les nations colonisatrices depuis des siècles. Il programme les groupes opprimés pour qu’ils considèrent les autres groupes opprimés comme des concurrents pour leur propre libération. Cela crée du ressentiment et, en fin de compte, renforce la pensée du colonisateur. Il est crucial pour quiconque œuvre en faveur de la justice sociale de disposer d’un cadre intersectionnel, car aucun groupe ne peut parvenir à une véritable libération de manière isolée. Notre ressource la plus puissante pour lutter contre l’oppression et parvenir à la libération collective réside dans la compréhension que toutes les oppressions sont interconnectées.

Nous avons réalisé que nous ne sommes pas seuls dans nos luttes, ni séparés ni autonomes, mais que nous… sommes connectés et interdépendants. Nous sommes chacunE responsables de ce qui se passe dans la rue, au sud de la frontière ou de l’autre côté de la mer (Gloria Anzaldùa & Keating, 2002).

La décolonialité n’est pas seulement l’enjeu des personnes subissant la différence coloniale – une existence dévalorisée et délégitimée par les systèmes de classification que sont la « race », le « genre », etc. – il s’agit surtout de s’intéresser aussi aux fissures et possibilités internes de transformation de la Matrice de la Colonialité du Pouvoir, sur les possibilités de confrontation des habitudes que la modernité/colonialité a implantées dans chacun de nous, et dont la fonction est de nier, de se désolidariser, de défigurer et d’empêcher les savoirs, subjectivités, sensibilités et visions du monde, classifiées comme différentes et à éliminer.

Ira Byock disait que nous sommes à notre meilleur lorsque nous prenons soin des autres. Soyez civiliséEs !

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8 – Construire des communautés Responsables

Avant le mouvement mondial abolitionniste – suite au meurtre de George Floyd – un important mouvement vers la responsabilisation a eu lieu sur l’île de la tortue (U$A). Ces idées de responsabilisation portés par les miitantEs abolitionnistes – des idées auparavant aussi considérées par beaucoup comme des politiques marginales d’une part ou comme des théories académiques obscures de l’autre – ont fait leur entrée dans des débats et des plateformes plus dominantes. Ces nombreux écrits et campagnes qui ont été menées par les organisateurs de Black Lives Matter – notamment des militants queer, féministes et des militantEs de la justice pour les personnes handicapées – ont porté les revendications abolitionnistes à la vue du public à une échelle mondiale (Defund the Police 2021 ; BYP100 2019 ; Black Lives Matter UK 2021, Abolition and Disability Justice Coalition 2020).

Plutôt que de penser l’abolition comme quelque chose de lointain, théorique et utopiste, il faut comprendre que pour beaucoup de personnes, qui survivent à la marge de la marge, qui n’ont pas accès aux soins de santé au sein des sociétés libérales, dont l’obligation est de se reconstruire en dehors du système pénal ou de services sociaux… est déjà leur réalité quotidienne.

L’abolition est un travail de science-fiction en temps réel. (Robyn Maynard ; 2020)

Être abolitionniste, c’est partir de ce savoir des victimes, de ces connaissances, de ces données et de ces savoirs qui existent, dont ces personnes effacées sont propriétaires. C’est être à l’écoute des marges de la marge. Sans possibilité de dissidence, les voix souvent exclues risquent de continuer à être marginalisées (Dutta, 2018). Construire des espaces de transformation et des infrastructures de communication peut offrir aux personnes systématiquement exclues la possibilité de se faire entendre, d’orienter la prise de décision et de décider des priorités qui affectent leur vie. Il s’agit de construire à partir de leurs blessures, des blessures qui peuvent être très enrichissantes. Beaucoup de personnes approuvent les 10 principes de la Disability Justice, mais ne se rendent pas bien compte que ce processus est encore trop compliqué et sauvage pour être intégré dans des structures traditionnelles car il demande de changer toute l’organisation et d’abandonner la plupart des façons que nous avons apprises pour nous organiser. Cela signifie que les personnes handicapées occupent les postes de direction, de dire tout ce qu’on a envie de dire, tout ce qui nous passe par la tête, même en plein milieu de la réunion !

Construire des mouvements qui savent s’apporter mutuellement du soutien et considèrent que ce travail de soins n’est pas un élément secondaire mais le vrai travail principal du militantisme. Le fait que cela ne soit pas négociable, est que nous sommes nombreux-sEs à être conscientEs de cette violence et comprenons à grande échelle, que la colonisation n’est pas une chose du passé, elle est normalisée. Nous la voyons, nous la ressentons,… une lentille décoloniale peut perturber significativement les discriminations hégémoniques enracinées (Naidu ; Gingell ; zaidi, 2024). Le patriarcat capitaliste et colonial cherche à nous intimider, à nous faire abandonner et à concéder le pouvoir. Lorsque nous subissons un traumatisme, que ce soit à un niveau personnel ou collectif, la responsabilisation personnelle et collective nous permettra d’affronter ces temps.

Transformer les causes profondes de la violence interpersonnelle, telles que la suprématie blanche, les traumatismes intergénérationnels, l’exploitation par l’État et l’abandon organisé des peuples et des communautés systématiquement opprimées nous demande de répondre aux besoins fondamentaux de chaque personne : l’accès au logement, à la nourriture, à l’eau, à l’éducation, à la communauté et aux soins de santé mentale et physique.

Nous avons besoin de nouveaux systèmes de responsabilisation – d’un mouvement de responsabilisation – qui centrent et soutiennent les survivantEs de ces traumatismes.

L’entraide est l’ACTE RADICAL de prendre soin les unEs des autres tout en travaillant à changer le monde, en innovant, en partageant des ressources et en soutenant les personnes les plus vulnérables (Dean Spade). Ce travail de survie, quand il est pratiqué dans l’optique d’un changement profond et transformateur de la société, s’appelle l’entraide mutuelle (MutualAid ou #IndigenousMutualAid). Les peuples autochones décrivent souvent l’entraide mutuelle comme une pratique radicale qui leur a permis de survivre aux génocides.

Comprendre ce que signifie l’entraide mutuelle radicale peut vous inciter à vouloir tout « brûler » et recommencer à zéro, y compris le missionnariat de gauche, les « sauveur-sEs » privilégiéEs qui croient détenir toutes les réponses, mais qui ne veulent pas écouter, cette mentalité de sauveur qui sape les causes mêmes que ces militantEs tentent de faire avancer. Alors que les mouvements sociaux populaires dirigés par des communautés en première ligne de la crise tracent une voie bien plus puissante, et proposent des alternatives à cette mentalité de sauveur – une transformation radicale plutôt que la réforme – des personnes privilégiées utilisent leur génie ou d’autres « qualités exceptionnelles » pour « sauver » les moins fortunés, ce sont ces genres de fantasmes qui n’ont pas que des conséquences inoffensives.

Pendant que vous vous tenez à votre place dans la hiérarchie sociale acceptée du « donner et recevoir », regardant de haut celles et ceux que vous jugez dignes d’« aider », pourriez-vous s’il vous plaît arrêter de remarquer comment vous nous giflez avec la même main que vous avez tendue dans votre bonne volonté ? (Lori Teresa Yearwood)

Supprimer le financement des services de police qui dévore de manière cannibaliste des ressources autrement destinées à des choses plus humaines (Travis Linnemann), nécessite un dialogue sur la manière d’assurer la sécurité des personnes sans la police et implique nécessairement la création de communautés responsables pour réfléchir sur la manière dont la culture de la suprématie blanche nous incite à compter sur la punition comme réponse aux actes nuisibles, et sur ce que la peur que la police inspire chez « nous » mais aussi ce qui hante la police : la réciprocité, l’interdépendance, la mutualité, la collectivité et la solidarité. Vous n’êtes cependant pas obligèE d’être unE flic toute votre vie (Interrupting Criminalization).

Les systèmes de santé mentale réduisent depuis longtemps la souffrance à des explications médicales, ignorant les causes profondes sous-jacentes et interconnectées. Une grande partie de ce qui est qualifié de « soins » invisibilise les méfaits de l’oppression, pathologisant ses impacts. L’oppression et la violence contribuent directement aux problèmes de santé mentale. Seules les approches décoloniales peuvent nous rapprocher de la libération et de la guérison. (IDHA)

Pour Ruth Morris (abolitionniste pénal), son objection aux prisons concerne quelque chose de bien plus oppressif que les bâtiments fermés, ou même les serrures et les clés. Il est important d’y réfléchir, car sinon nous nous leurrons en construisant des alternatives alors qu’en réalité nous recréons leur esprit même dans la communauté, détruisant les gens aussi efficacement que n’importe quel bâtiment doté de serrures peut le faire (1989, p. 141). Ce sont les mêmes circuits de pouvoir qui ont créé de telles institutions, à moins qu’il n’y ait un changement épistémique dans la manière dont la communauté, la punition, le handicap et la ségrégation sont conceptualisés (Liat Ben Moshe ; The tension between abolition and reform). Les personnes handicapées ne peuvent souvent pas accéder aux soins dont elles ont besoin ou sont laissées pour compte parce qu’elles ne sont pas considérées comme ayant de la valeur. Les statistiques montrent clairement que les personnes handicapées ne sont pas en sécurité à l’heure actuelle et que davantage de policiers ou de prisons seront mis en place. L’abolition consiste à remplacer la police et les prisons par une toute nouvelle approche des droits de chaque être humain en terme de santé, logement…

Il ne sert à rien de démanteler les prisons et la police si nous agissons ensuite comme des flics et des gardiens de prison dans nos propres communautés. Un élément clé de l’abolition au quotidien est de reconnaître que nous serons parfois nous-mêmes les auteur-icEs de torts ; nous devons nous aussi pratiquer la responsabilité et faire amende honorable »

La responsabilité doit être une opportunité de transformation au lieu de quelque chose qui nous fait peur et nous isole.

La responsabilité consiste à réfléchir sur soi, à s’excuser, à faire amende honorable et à changer de comportement afin que le préjudice que vous avez causé ne se reproduise plus, en reconnaissant la violence continue de la blancheur. La responsabilité a été au cœur du travail de la justice transformatrice. Dans cette série de vidéos Building Accountable Communities, ou BCRW, des praticiens de la justice transformatrice et réparatrice discutent de la manière dont la responsabilité est mise en œuvre et de certains défis du parcours.

Les projets d’entraide sont une forme de participation politique dans laquelle les gens assument la responsabilité de prendre soin les uns des autres et de changer les conditions politiques, non seulement par des actes symboliques – en faisant pression sur leurs représentantEs au sein du gouvernement – mais en construisant de nouvelles relations sociales plus viables (Dean Spade, cours sur l’entraide mutuelle). Il est temps d’adopter une approche communautaire de la santé mentale (Roarmag).

Jasbir Puar note que la défense des droits des personnes handicapées dans le Nord tend à se concentrer davantage sur les personnes handicapées pour parvenir à l’égalité plutôt que d’arrêter et de tenir responsable les systèmes qui produisent des handicaps massifs dans le reste du monde. Un cadre de justice pour les personnes handicapées nous aide à comprendre que la sécurité de certaines personnes handicapées dans le Nord mondial ne doit pas se faire aux dépens ou à la production des personnes handicapées dans les pays du Sud.

La justice pour les personnes handicapées ne hiérarchise pas les handicaps (7e principe de Disability Justice).

La responsabilisation est un long travail trop souvent négligé. Les luttes contre la matrice actuelle du pouvoir colonial pour les conditions de vie, pour le savoir, et son contraire, la décolonisation, la décolonialité, le décolonial ont une « signification » qui entraîne une responsabilité politique et épistémique globale.

Rêver d’études critiques sur le handicap, c’est rêver de responsabilité… faire des études sur le handicap, c’est « entrer » dans une communauté responsable.(DSQ) […] les études sur le handicap perturbent toutes les frontières qui prétendent contrôler les distinctions entre les positions de sujets handicapés/non handicapés (DSQ) […] et appellent à une politique engagée de responsabilité et d’accès via la justice pour les personnes handicapées (DSQ) […] les études sur le handicap incarnent une vulnérabilité perturbatrice qui refuse de disparaître (DSQ). Heather Rakes plaide en faveur d’une responsabilité théorico-pratique envers la différence et l’appartenance dans la philosophie et la théorie féministes qui nécessite d’être attentif au handicap en tant que vecteur important de pouvoir, de normativité et d’oppression (DSQ) […] où son insistance sur la responsabilité fait écho aux nombreux appels à confronter et à prendre en compte ses propres formes de privilèges capacitistes, suprémacistes blancs et cisgenres (DSQ).

Le collectif Harriet Tubman a décrit le handicap suivant ces termes : « l’expression ’capacités différentes’ suggère que nous sommes le lieu de notre handicap lorsque nous sommes, en fait, handicapés par des barrières sociales et institutionnelles. » Ce changement de pensée postule que nos institutions sociales sont responsables de la création d’obstacles pour les personnes handicapées. Ce changement place également ces institutions dans la position de prendre la responsabilité de la suppression de ces obstacles. Leur langage pour faire référence au handicap est négatif et imprégné du modèle médical. Tout comme la perpétuation du capacitisme à travers la langue, qui sont monnaie courante dans les conversations… Nous avons été socialiséEs pour considérer le handicap à travers une lentille de déficit.

Il y a une urgence de se concentrer sur le modèle social, au minimum, pour réduire la discrimination, la ségrégation, l’incarcération et les handicaps que ces violences reproduisent.

Les concepts autochtones de différence offrent une alternative à l’étiquetage occidental du handicap.

Les langues autochtones traditionnelles n’ont pas de mot exact traduisible pour parler de handicap ni de « termes de déficit » pour indiquer ce qui manque à une personne, et rejetent ce dualisme tenu pour acquis des études sur le handicap des colons, un dualisme déshumanisant qui créé des hiérarchies. Au contraire, « C’est en fait une chose merveilleuse » (Damian Griffis ; directeur général du First Peoples Disability Network – Australie).

Damian Griffis a déclaré que le handicap, du moins en tant que terme, est un concept colonial, reconnaît les expériences de racisme et de capacitisme (racial-ableism) pour saisir l’intersectionnalité de ces expériences dans l’interface culturelle. Séparer ces deux discriminations est impossible : « En tant que personne autochtone vivant avec un handicap, vous êtes souvent confrontéE à une discrimination fondée sur le capacitisme et le racisme ». Cette intersection entre le racisme et le capacitisme a également été constatée dans d’autres parties du monde. Le racisme et le capacitisme ont été décrits comme des « systèmes parallèles d’oppression » qui ignorent l’expérience des personnes de couleur/ethnie handicapées ainsi que la manière dont leur situation peut être davantage pathologisée de manière raciste et coloniale.

« Répondre aux besoins de nos personnes handicapées est aujourd’hui l’une des questions de justice sociale les plus cruciales en Australie », déclare Griffis. Pour pouvoir demander/obtenir des soins, les arborigènes d’australie on créé un nouveau mot pour décrire le handicap : whaikaha , un mot qui signifie « avoir de la force, avoir des capacités, d’autres capacités, être habilité »… L’équivalent de l’autisme est takiwatanga, qui signifie « son propre temps et son propre espace »…

La logique occidentale ne permet pas que tous les termes ou positions aient la même valeur, n’arrive pas à dépasser ce cadre où l’unE doit être supérieurE et l’autre doit être inférieurE. Autrement dit, il doit y avoir unE gagnantE et unE perdantE. Les hiérarchies binaires compétitives et individualistes dévalorisent les capacités de chacunE tout en mettant l’accent sur les capacités qui lui manquent. Une telle structure place la définition de soi en dehors de l’individu et inhibe d’éventuelles discussions impliquant l’égalité. Pour promouvoir l’égalité, la conversation ne peut plus être contrôlée par celles et ceux qui occupent une position hiérarchiquement supérieure, compétitive et désignée de manière individualiste. (LL Loven, Concepts autochtones de différence – [open access])

[…] Politiser, c’est ouvrir l’esprit, éveiller l’esprit, faire naître l’esprit. C’est comme disait Césaire : « inventer les âmes ». Politiser les masses n’est pas, ne peut pas être, faire un discours politique. C’est consacrer toutes ses forces à faire comprendre aux masses que tout dépend d’elles, que si nous stagnons c’est de leur faute et si nous avançons c’est aussi à cause d’elles, qu’il n’y a pas de démiurge, qu’il n’y a pas d’homme illustre responsable de tout, que le démiurge, c’est le peuple et que les mains magiques ne sont finalement que les mains du peuple (Fanon, 1983 : 97).

L’entraide mutuelle est aussi trop souvent confondue avec la charité (#SolidarityNotCharity) :

Eduardo Galeano écrivait qu’il ne croit pas à la charité, il croit à la solidarité. La charité est tellement verticale. Cela va du haut vers le bas. La solidarité est horizontale. Elle respecte l’autre personne. « J’ai beaucoup à apprendre des autres. »

L’abolition et la décolonisation s’efforcent activement d’imaginer de manière créative la fin de la suprématie blanche, plutôt que de trouver des moyens d’inclure davantage de personnes dans ces institutions coloniales (Charles Sépulveda ; NDN Collective, 2020). Les mouvements des colons vers l’innocence sont la manière dont les descendantEs des colonisateurs tentent de diminuer leur sentiment de culpabilité et de complicité dans la destruction des mondes autochtones, d’assurer l’avenir du colon (Tuck et Wayne Yang 2012). Ils peuvent servir à détourner notre attention de notre responsabilité envers les autres coloniséEs et à inhiber l’appel à la réparation dont on pourrait dire qu’il est toujours pertinent.

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9 – Le lien entre le sauveurisme et le paternalisme : les racines du sauveurisme blanc

Une grande partie du complexe industriel du sauveur blanc est imprégnée de colonialisme blanc. Alors que nous vivons au rythme lointain des massacres à l’échelle industrielle, les médias occidentaux n’ont pas oublié d’injecter le mot « humanitaire » dans chacune de ces atrocités commises. Les droits de l’Homme, l’humanitarisme, tels qu’ils se sont développés au fil du temps, permettent à l’occident (suprématie blanche) de ne pas être contestée et de continuer à prospérer tout en sauvant les âmes des Blanc-hEs. (Polly Pallister-Wilkins ; 2021 – [open access]) Cette culture du sauveur blanc, ses normes et ses valeurs blanches, sont normalisées, deviennent naturelles et permettent de maintenir cette norme par rapport à laquelle toutes les autres cultures, les groupes et les individus sont généralement jugés inférieurs. La cupidité européenne ne connaît pas de limites, elle se transforme en impérialisme, en néolibéralisme, en néocolonialisme,.. où les fantassins sont des États-nations – autre que les 26 présidents trop progressistes que la France a assassiné depuis les années 60 – qui opérent au sein d’une anti-noirceur structurelle qui considère la vie des Noirs comme une propriété à disposer au service du capital. C’est précisément à cause de cette anti-noirceur de ces États-nations que nous assistons à une militarisation et à des pillages constants…

Si tout individu aujourd’hui peut être sujet au white saviorism, il faut, pour comprendre le phénomène et ses réceptions, s’intéresser à ses origines, puisqu’il émerge dans un contexte précis, celui de la domination européenne, qui remontent au XVe siècle, au moment de la conquête du « Nouveau Monde », de l’émergence d’un discours colonialiste encore embryonnaire. Celui-ci se développe véritablement à partir du XIXe siècle avec les grandes vagues de colonisation en Afrique et en Asie. La « mission civilisatrice » des peuples Blancs conférée par la « hiérarchie naturelle des races » était l’une des justifications principales de l’expansion territoriale européenne.

Il fallait venir en aide aux peuples inférieurs, les élever de leur condition primitive, le non-Blanc étant nécessairement peu ou pas civilisé. Ce qui nous importe dans cette brève rétrospection ce sont bien les relents de cet esprit encore visible dans certains perceptions de l’Autre et attitudes adoptées vis-à-vis de lui. Lorsque celui-ci dans la culture populaire est assimilé au retard dans toutes ses variantes, le complexe du sauveur blanc peut s’épanouir et être apprécié. Les sauveur-sEs sont en réalité les héritiers de cette histoire, la mission civilisatrice s’est déchargée de son racisme assumé mais elle maintient ses bases fondatrices, à savoir, la défense du don de soi au service des autres dans l’ignorance quasi-totale de la réalité effective. Et c’est bien ce dernier point – fondamental – qui distingue le sauveur blanc dans sa « mission ». L’humanitaire sérieux est avant tout soucieux du bien fondé de son travail, de l’intérêt de sa participation à un projet, l’humanitaire sérieux dénonce le white saviorism qui privilégie l’exotisme, le goût de l’aventure à l’utile. Le rappel de cet héritage colonial, bien que pertinent pour saisir le phénomène dans sa complexité, ne doit pas occulter les évolutions survenues depuis. L’Européen occidental ou l’Anglo-Saxon est plus à même d’adopter ces pratiques, ce qui ne s’explique pas par des raisons anthropologiques mais par les structures sociales où il évolue. En ce sens, le white savior des temps modernes est moins un Blanc convaincu d’une mission quasi sacrée assignée par l’ordre naturel qu’un individu maladroit pensant agir pour le bien. Tout le monde peut être un white savior, ou agir comme tel avant une prise de conscience.

Le complexe du sauveur blanc implique souvent un sentiment de supériorité et un manque de conscience de ses propres privilèges, et il peut avoir des conséquences néfastes, en sapant l’action et l’autodétermination des personnes de couleur, en contribuant à une culture du paternalisme et de dépendance. Le complexe du sauveur blanc ou le complexe industriel du sauveur blanc sont des phénomènes de longue date ayant de profondes racines historiques dans l’impérialisme et le colonialisme (Aronson, 2017 ; Cole, 2012 ; Cornman-Levy et al., 2020 ; Hughey, 2014) Le processus de redécouverte et de rétablissement, dans lequel les personnes qui ont connu le colonialisme s’efforcent de redécouvrir leur histoire, leur culture, leur langue et leur identité, est le premier pas vers la décolonisation. Durant la période coloniale, les populations colonisées sont fortement influencées par une « idéologie du sauveur blanc » qui justifie les actions de leurs colonisateurs et à travers le processus d’assimilation culturelle coloniale, les peuples colonisés sont amenés à se considérer comme des sous-humains et développent ainsi une mentalité coloniale.

De plus, à l’époque de Jim Crow, les hôpitaux séparés fournissaient dans de nombreux cas des soins inéquitables aux personnes de couleur, voire aucun soin. De plus, les Noirs ont été largement exclus de la profession médicale jusqu’à la fin du 20 ème siècle. (NICHQ)

Hors du contexte humanitaire qui est le plus connu, le terme « sauveur blanc » peut désigner toute personne ou groupe – quelle que soit sa race – possédant un déséquilibre de pouvoir ou de privilèges. Ce phénomène peut être dangereux, alimentant ce que l’écrivain Teju Cole a décrit comme le complexe industriel du Sauveur Blanc (WSIC). Teju Cole note que le WSIC « n’est pas une question de justice » et les personnes non blanches et/ou handicapées peuvent aussi perpétuer le WSIC par leur proximité avec la blancheur, par le pouvoir ou des privilèges relatifs individuels octroyés, et s’appuient sur ces structures pour maintenir les inégalités. Parmi de nombreux exemples plus subtils de WSIC, mais tout aussi néfastes, certains restent souvent ignorés par les praticiens et les institutions de santé mondiale.

Alors que les Blanc-hEs sont appeléEs à reconnaître et à lutter contre l’injustice raciale, le récit du sauveur blanc continue de prévaloir, les amenant à croire qu’iElles peuvent, de par leur position de blancheur, libérer les autres, est un récit – ou plutôt une pandémie dont les racines remontent au colonialisme – utilisé pendant des siècles pour décrire la relation des Blanc-hEs avec les groupes marginalisés. Sans interrompre et démanteler le complexe du sauveur blanc, nous ne pouvons jamais progresser vers une véritable alliance.

Le colonialisme, le binaire « moi/les autres », le privilège blanc, l’apaisement de la culpabilité et la normativité blanche sont les racines du sauveurisme blanc.

Au sein du colonialisme de peuplement, on retrouve ce binaire créé par le colonisateur qui se présente comme le héros blanc, « le moi » qui promeut le progrès et le développement, tandis que « l’autre » est construit pour être une victime et dépourvu d’action (Eva Harrell, 2022). Cela constitue le fondement de la supériorité de la blancheur ainsi que de la tentative d’effacement des « autres », tout en semblant/prétendant en même temps « aider l’autre » à devenir davantage comme le colon et obtenir des privilèges. « Le colonialisme de peuplement est une formation sociale et politique persistante dans laquelle les nouveaux arrivants/colonisateurs/colons arrivent dans un endroit, le revendiquent comme le leur et font tout ce qu’il faut pour faire disparaître les peuples autochtones qui s’y trouvent » (Arvin et al, 2013, p. .12). Comme le souligne la définition, le colonialisme de peuplement est un processus persistant, et le sauveurisme blanc est l’un des processus qui contribuent à cet effacement.

Le colonialisme normalise la blancheur, anormalise et crée « l’autre ».

« Les mouvements sociaux ont la malheureuse histoire à suivre le leadership de héros charismatiques […] la mentalité du sauveur fait obstacle à l’organisation solidaire […] Flaherty examine comment la mentalité du sauveur a imprégné les mouvements pour la justice sociale et a été utilisée par l’État pour saper les acquis remportés par des décennies d’organisation […] dans cette confusion systémique entre charité et solidarité » (Jordan Flaherty).

« Afin de pouvoir continuer à exprimer leur « générosité », les oppresseurs doivent également perpétuer l’injustice. Un ordre social injuste est à la base de cette « générosité » (Pédagogie des opprimés, Freire, 1970).

Le Complexe du Sauveur rend l’apprentissage mutuel impossible, car il part de l’hypothèse que l’enseignement ne peut circuler que de haut en bas, jamais de bas en haut. Cette hypothèse est préjudiciable à toutes les personnes impliquées, même aux sauveurs eux-mêmes, qui ne profitent pas de l’occasion pour apprendre et restent donc encore plus ignorantEs qu’iElles ne devraient l’être. Mais dans la plupart des cas, ce sont celles et ceux d’en bas – qui sont censés se taire et écouter, qui font l’objet d’« expériences » sociales et économiques uniques, qui sont membres de « populations cibles » – qui sont vraiment endommagés par tout cela, qui sont aussi les uniques propriétaires de ces données/connaissances effacées. Les bonnes intentions ne remplacent pas la justice, mais la remise en question et la transformation de ces structures hiérarchiques et les méthodes de travail de la culture dominante permettent de dépasser la mentalité de sauveur et sa complicité dans des systèmes injustes.

Les peuples autochtones et noirs utilisent une approche communautaire et holistique de la guérison mentale, ne détournent pas leur regard des personnes en crise mentale, ces mêmes pratiques de guérison qui sont moquées, rejetées et dégradées par les Occidentaux et leurs approches anhistoriques, où les conditions de notre société, l’oppression et l’environnement sont souvent négligés par de nombreux thérapeutes (Malidoma Some).

Les enseignements de Freire nous apprennent que l’apprentissage engagé par la communauté n’est pas un « flux d’assistance unidirectionnel, mais un espace de coéducation » (Tryon & Madden, 2019).

Ce qu’est réellement le complexe du sauveur : un impérialisme déguisé en opération de sauvetage (Robin DG Kelley, Freedom Dreams : The Black Radical Imagination).

Les modèles caritatifs traditionnels et le sauveurisme qui s’insinue ne font pas un bon travail car ils n’incluent pas les personnes ayant une expérience vécue, et cette aide n’est pas destinée à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de la violence. Dean Spade note que « le modèle de charité trouve son origine dans la pratique selon laquelle les riches font l’aumône aux pauvres pour acheter leur propre entrée au paradis, basé sur une hiérarchie morale de la richesse, sur l’idée que les riches sont intrinsèquement meilleurs et plus moraux que les pauvres […] ces programmes caritatifs, tant ceux gérés par le gouvernement que ceux gérés par des organisations à but non lucratif, sont également mis en place de manière à rendre stigmatisant et misérable le fait de recevoir de l’aide. » (voir aussi #nonprofitindustrialcomplex)

Les projets d’entraide, à bien des égards, sont définis en opposition au modèle caritatif, et visent une transformation sociale, pas seulement un service social, en comprenant le lien entre le sauveurisme et le paternalisme, leurs impacts sur les personnes que nous essayons de soutenir et la façon dont ils agissent.

Le vécu ou l’expérience est le meilleur professeur. La libération est la co-éducation. Guérir de ce complexe de sauveur blanc et ne pas répéter les erreurs de nos prédécesseurs, nécessite de devenir des apprenant-Es, comprendre les complexités culturelles, reconnaître et lutter contre la façon dont la culture occidentale a enraciné le sauveurisme blanc dans la psyché, restituer les actions d’empathie contre le paternalisme, s’orienter vers une responsabilisation plutôt que d’offrir l’aumône, reconnaître les travaux du sud, sur le terrain, qui ont travaillé sans relâche bien avant notre entrée en scène, en se joignant aux marges en tant que partenaires mutuels. Reconnaître que que les personnes blessées blessent les autres et que les personnes guéries guérissent les autres. No White Savior (livres : White WomenWhen Helping HurtsWhite SaviorismNo More Heroes)

Aider quelqu’un d’autre à travers des difficultés est le point de départ de la civilisation (Margaret Mead).

Il est facile de marcher pour les marginalisés, mais s’opposer à ce système de suprématie ou un autre demande du courage et de l’authenticité. La suprématie blanche sert les dirigeants au sommet de la hiérarchie des entreprises – principalement les hommes blancs.

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10 – Le sauveur blanc et la santé mondiale

Alors que la conversation sur le complexe du sauveur se concentre souvent sur les individus blancs privilégiés ou touristes partant à l’étranger, ce concept s’applique aussi à la santé. Les systèmes conçus par le Sauveur pour sauver et fournir des services aux communautés « vulnérables » par les membres de la communauté oppressive :

- ne peuvent comprendre les causes profondes qui rendent les populations vulnérables,
- ne peuvent comprendre ces pratiques qui leur profitent, qui nuisent aux groupes marginalisés et raciaux spécifiques,
- rendent difficiles la navigation par ou au nom des groupes disparates qui sont impactés et touchés par la ségrégation et la division – qui sont des habitudes, une culture, des politiques et des institutions – qui ne sont pas explicitement conçues pour discriminer. Ces systèmes conçus par le Sauveur ne fonctionnent pas parce qu’ils dévalorisent et pathologisent les expériences vécues par les individus. Ces décisions paternalistes en matière de soins de santé sont prises sans tenir compte des opinions des individus et sans tenir compte de l’impact du racisme et de l’oppression sur leur santé et leurs comportements. Ces personnes sont souvent blâmés pour leurs mauvais résultats en matière de santé et qualifiés de non-conformistes, difficiles ou impolies.

Le sauveurisme blanc est un concept vieux de plusieurs siècles qui remonte à l’époque où de nombreux occidentaux blancs pensaient qu’ils possédaient intrinsèquement les connaissances, l’ingéniosité et les compétences nécessaires pour résoudre les problèmes des autres dans le monde. À l’époque, le sauveurisme blanc touchait principalement les populations des pays en développement, en particulier les Africains.

Le sauveurisme blanc ne va pas au-delà de ces besoins immédiats et ne répond pas aux besoins à long terme des communautés affectées, des solutions qui ne prêtent pas beaucoup d’attention à la complexité des interactions entre les facteurs sociaux, économiques et politiques. Cela signifie en partie que la mentalité du sauveur blanc encourage la dépendance individuelle plutôt que la construction d’une communauté ou l’autosuffisance communautaire à long terme. Le sauveurisme blanc perpétue la suprématie blanche en tant que système par lequel nous organisons notre société.

Il est également essentiel que le travail des Blanc-hEs s’attaque aux problèmes sociétaux structurels. Au lieu de vous concentrer sur un niveau individuel, réfléchissez globalement et réfléchissez aux systèmes en place qui pourraient influencer la santé et le bien-être des personnes racisées. Les personnes ayant un complexe de sauveur blanc agissent en position de supériorité pour tenter d’aider les communautés BIPOC et marginalisées, qui en réalité, finit généralement par faire plus de mal et ne parvient pas à résoudre leurs problèmes systémiques auxquels ces personnes sont confrontées.

Vous pouvez contribuer à prévenir le sauveurisme blanc en écoutant les communautés en marge, en apprenant et en répondant à leurs besoins d’une manière qui entraîne un changement à long terme. S’attaquer à des problèmes profondément enracinés, plutôt que de simplement s’attaquer aux problèmes immédiats, aide les communautés à reconstruire leur confiance en elle et à progresser.

Avec la colonisation/colonialisme est venue l’abus de pouvoir. La colonisation a imposé des techniques de pouvoir et de contrôle fondées sur la peur, notamment la guerre, le génocide, la menace de mort, le genre masculin et le pouvoir économique, ainsi que l’idée de la supériorité des unEs et de l’infériorité des autres. Le racisme et la colonisation sont deux facteurs à l’origine des disparités en matière de santé.

Le colonialisme invisible vous convainc que le servage est votre destin et que l’impuissance est votre nature, qu’il n’est pas possible de parler, d’agir ou d’exister […] Ma plus grande crainte est que nous souffrions tous-tEs d’amnésie. Ce n’est pas une personne. C’est un système de pouvoir qui décide toujours, au nom de l’humanité, qui mérite qu’on se souvienne de lui et qui mérite d’être oublié (Eduardo Galeano, La culture de la terreur).

Achile Mbembe, reconnu comme l’un des principaux penseurs de l’Afrique postcoloniale est un théoricien critique clé de la planète. Son ouvrage révolutionnaire Critique of Black Reason évalue comment le terme « Noir » a été utilisé pour déshumaniser dans l’intérêt du capital et montre comment la noirceur était associée au fait d’être non-humain ou animal, justifiant la reproduction de structures d’oppression et d’exploitation. Son refus de toute forme de racisme s’inspire également de l’impact inégal de la crise climatique sur les pays du Sud (Brutalism, 2024). Comme l’écrit Cédric Robinson, à Aristote, qui fait de la différenciation racialiste une caractéristique centrale de la civilisation européenne, fournissant le contexte social et historique de l’apparition du capitalisme (BAR).

Être vraiment radical, c’est rendre l’espoir possible plutôt que le désespoir convaincant (Raymond Williams).

Une partie de la découverte consiste à se perdre, et lorsque vous êtes perduE, vous commencez à vous ouvrir et à écouter (Tafoya, 1995). Si la recherche ne vous a pas transformé en tant que personne, vous pouvez arrêter, vous ne cherchez pas correctement :
Shawn Wilson, Research Is Ceremony – Indigenous Research Methods.

Le prochain épisode sera l’occasion de se pencher sur l’histoire (de la disparition) des soins communautaires, sur les soins abolitionnistes, sur les approches autochtones du soin, sur l’histoire de l’eugénisme et du complexe médical industriel déguisé en soin, sur la décolonisation du handicap, sur l’approche autochtone du handicap et une histoire pour comprendre le lien entre les processus coloniaux et le handicap… des modèles qui ont existé depuis la colonisation et cette histoire de la COVID-19 est la continuation même de ce qui a commencé il y a plus de cinq cents ans.

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11 – Des traductions de textes essentiels disponibles en téléchargement 

– La décolonialité comme question sociale pour l’étude psychologique :

Ce texte est paru en 2022, écrit par le Readsura Decolonial Editorial Collective, il aborde les approches décoloniales qui suggèrent que la violence coloniale ne se limite pas à un passé lointain (c’est-à-dire le colonialisme) ; au lieu de cela, il persiste sous forme de colonialité : des modes de pensée racialisés et une association à une domination mondiale eurocentrique. Plutôt que de qualifier la modernité et ses manifestations psychologiques individualistes de progrès, les théoriciens de la décolonisation utilisent la modernité/colonialité pour mettre en lumière la violence coloniale inhérente à l’ordre moderne et indissociable du développement individualiste moderne. Readsura decolonial editorial collective propose que la violence coloniale ne se limite pas à un passé lointain (c’est-à-dire le colonialisme) ; au lieu de cela, elle persiste sous forme de colonialité.

– Décoloniser le handicap, penser et agir globalement :

Ce texte est paru en 2011, écrit par Helen Meekosha soutient que la domination du Nord dans les tendances universalisantes et totalisantes des écrits sur le handicap a abouti à la marginalisation de ces expériences dans le Sud. Cela a abouti à une crise intellectuelle pour les études sur le handicap dans la périphérie.

– Désactiver les Corps et les/des terres : recadrer la justice pour les personnes handicapées en conversation avec la théorie et l’activisme autochtones :

Ce texte est paru en 2018 sur Global South Disability (co-présidé par karen soldatić et Schaun Grech). Dans le but de contribuer au développement continu de la théorie décoloniale du handicap, ce texte propose trois points de convergence théorique et pratique à travers lesquels considérer une manifestation largement connue de la résistance autochtone au colonialisme de peuplement – la résistance de Standing Rock contre la construction du pipeline Dakota Access – que nous lisons comme une lutte pour la justice pour les personnes handicapées. Les penseurs autochtones associent la justice pour les personnes handicapées à la justice autochtone, renforçant la résistance autochtone aux attaques contre les terres et les personnes, et poussant les cadres de justice pour les personnes handicapées à reconnaître la relation entre la terre et les corps comme faisant partie de la blessure qui doit être soignée.

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Contacts du KIOSK :

LE KIOSK : Radikal Book Store
Le mot radical, dans son sens originel signifie « aller à la racine de » ou « rechercher les causes profondes », un mot dont le sens est volontairement déformé par celles et ceux qu’il dérange.
Les processus et stratégies centrés sur la démocratie radicale servent d’axes de changement social mondial. Nous devons dépasser le point de tenter des petits ajustements d’un système qui est essentiellement de nature extractive, qui extrait une plus-value des corps des travailleurs et utilise les autres corps comme décharge, et ne pas essayer de résoudre cette crise du changement climatique en s’appuyant sur les traditions colonisatrices et les solutions technologiques à but lucratif proposées par l’Occident et plongées dans cette idéologie de la blancheur.

Mail : infolekiosk chez riseup.net

Réseaux sociaux : Twitter (X)

D’autres traductions disponibles en lien avec la culture radicale du handicap sur le blog du KIOSK.

Les racistes les plus problématiques sont celles et ceux qui ne dénoncent pas la violence de la suprématie banche. Faire face à la crise climatique nécessite de démanteler cette suprématie blanche.

Notes

1 – Décoloniser la santé mondiale, si ce n’est pas maintenant, alors c’est quand ?

- Les personnes défavorisées et marginalisées constituent la majorité mondiale (BMJ).

- Éliminer la mentalité de suprématie blanche de l’éducation sanitaire mondiale, via ncbi.

- Le complexe industriel White Savior dans la santé mondiale Bmj Global Health.

- La décolonisation est-elle suffisante ? Le projet de décolonisation ne concerne pas seulement la contestation des institutions, des ressources et des méthodologies, mais aussi la politique qui est au cœur de la façon dont nous imaginons la société. via Bmj Global Health.

2 – Indigeneity ; Disability ; Settler Colonialism ; Capitalism ; Disablement ; Decolonization ; Dehumanization.

- La principale implication pour les projets décoloniaux est de fournir des ressources épistémiques pour comprendre la colonialité comme des processus de déshumanisation/incapacitants/handicapants.

- Disabling Bodies of/and Land : Reframing Disability Justice in Conversation with Indigenous Theory and Activism.
Les penseurs autochtones associent la justice pour les personnes handicapées à la justice autochtone, renforçant la résistance autochtone aux attaques contre les terres et les personnes, et poussant les cadres de justice pour les personnes handicapées à reconnaître la relation entre la terre et les corps comme faisant partie de la blessure qui doit être soignée. via disabilityglobalsouth. Traduction disponible en pièce jointe (TPJ).

- Decolonising disability : thinking and acting globally (Helen Meekosha 2011) (TPJ)

- Decolonising Eurocentric disability studies (Schaun Grech : 2005)

3 – Disability studies and Critical race theory (#DisCrit)

- Reconnaître le lien du capacitisme avec le racisme – un chaînon manquant dans la pratique du travail social antiraciste (Elspeth M Slayter, Prof2prof).

- The Situation of Black People with Disabilities in Brazil

La situation actuelle des personnes noires handicapées au Brésil ne peut être séparée de l’histoire coloniale du Brésil, qui a abouti à trois cent cinquante ans d’esclavage des peuples autochtones et de 5,5 millions d’Africains. Via Minority rights.

4 – Livres gratuits (PDF)

- Indigeneity and Decolonial Resistance : Alternatives to Colonial Thinking and Practice : PDF

- Color of violence : The INCITE ! Anthology (Disability in the New World Order Nirmala Erevelles) : PDF
Nirmala Erevelles développe en particulier la relation entre la pauvreté et le handicap dans les contextes du tiers monde.

- Frantz Fanon, Psychiatry & Politics – The Impossibility of Mental Health in a Colonial Society : PDF

5 – Colonialité et migration

Un contre discours au monde « libre », une voix et un espoir dans la lutte contre les frontières.

Un entretien avec Parwana Amiri.

[1Le terme « colonial » signifie généralement eurocentrique. La décolonisation pourrait être comprise comme « enlever le colonial ». Le terme « anticolonial » signifie désoccidentalisation. Le mot « colonialisme » est notoirement polysémique. La décolonisation est fondamentalement anticoloniale.

[2Dans cette vision du monde eurocentrique, la seule véritable connaissance découle d’approches quantitatives « scientifiques », impliquant une expérimentation fondée sur l’observation et la mesure physiques. La subjectivité est rejetée parce qu’elle n’est pas objectivement mesurable. Seul ce qui est matériel et quantifiable est considéré comme une base de connaissance valable. L’objectivité constitue le fondement du modèle médical du handicap, dans lequel la déficience est objectivée, quantifiée et catégorisée. Cela a de profondes implications pour les personnes handicapées, qui sont considérées comme des objets d’enquête médico-scientifique (Tremain, 2001), leur statut de détenteurs de connaissances étant nié et leurs connaissances expérientielles rejetées. Ces caractéristiques de l’eurocentrisme ont justifié la colonisation des peuples autochtones et ont permis aux colonisateurs d’ignorer et de minimiser l’existence de diverses visions du monde autochtones. La suppression de la vie et de la culture autochtones est devenue l’élément central des stratégies des colonisateurs vers la création d’une civilisation universelle et eurocentrique (Heather Norris ; Indigenous worldviews of imparment and relational interdependance, 2014).

[3« Je pense (les autres ne pensent pas, ou ne pensent pas correctement), donc je le suis (les autres ne sont pas, ne devraient pas exister ou sont indispensables) » (Critique du philosophe français René Descartes par N. M. Torres, 2007:252).

« Je pense donc que je suis. Les « autres » ne pensent pas. » Ou… d’autres ne pensent pas comme je pense, par conséquent, d’autres ne sont pas en train d’être, ou ne devraient pas exister ou sont indispensables (#ColonialityOfBeing).

[4L’eugénisme est un outil social qui fournit « … des mécanismes de régulation afin de qualifier, mesurer, évaluer et hiérarchiser » (Jones 1995, p. 164) les personnes perçues comme étant en dehors des frontières des paysages normatifs. La suprématie blanche est un processus et un appareil permettant de rendre capables et handicapés (J. M. Reynolds, 2022). L’eugénisme consiste à éradiquer la différence. L’eugénisme, le racisme scientifique, le capacitisme et les politiques de contrôle de la population créées et promues par la profession médicale et les institutions de santé publique ont produit une culture dans laquelle les femmes noires, queer, trans, intersexuées, de genre non conforme, les personnes handicapées, les jeunes et les personnes âgées ont systématiquement été pathologisés, excluEs, invisibiliséEs et abandonnéEs.

[5Les caractéristiques « secrètes » de la suprématie blanche (socialement acceptables) :

Le blâme de la victime – que les personnes (multi)marginalisées peuvent observer dans les lieux de « soin » comme les Centre Médicaux Psychosociaux – déni du privilège blanc, déni du racisme, racisme daltonien, croire que nous sommes post-racial, discrimination à l’embauche, paternalisme, programme d’études eurocentrique, complexe du sauveur blanc, mascottes racistes, politiques/pratiques anti-immigration, allié blanc autoproclamé, revendiquer un racisme inversé, programme eurocentrique, pipeline école-prison…

Les caractéristiques manifestes de la suprématie blanche (socialement inacceptables) :

lynchage, néo-nazis, blagues racistes, insultes raciales, crimes de haine,…

Source : Alliance for Nonviolence (2005) adapted by Ellen Tuzzolo (2016)

[6Une mentalité coloniale (Colonial Mindset ou Colonial Mentality) est une attitude intériorisée d’infériorité ethnique ou culturelle ressentie par les gens à la suite de la colonisation.